Le capital d’une société est représenté par des actions ou des parts sociales. Ces titres sociaux permettent aux associés de contrôler l’activité de l’entreprise. La protection de la géographie du capital est un enjeu majeur pour tous les entrepreneurs. Le pacte de préférence présente alors un avantage notable en droit des sociétés. Lorsqu’il est conclu entre des associés, il permet d’éviter qu’un tiers prenne le contrôle de la société sans que les associés n’aient pu obtenir les titres en priorité.
Nous vous proposons de découvrir ce qu’est un pacte de préférence et de quelle manière il est mis en œuvre. Explications.
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Sommaire
Qu’est-ce qu’un pacte de préférence ?
Le pacte de préférence est défini depuis 2016 par l’article 1123 du Code civil. Un avant-contrat parmi d’autres, il est nécessaire de le distinguer d’autres conventions afin d’éviter toute confusion.
La nature du pacte de préférence
Le pacte de préférence est un avant-contrat dont le domaine très large s’applique avec efficacité aux cessions de titres sociaux. Il peut être conclu à titre gratuit ou onéreux.
Un avant-contrat
L’article 1123 du Code civil dispose que le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.
La préférence est garantie du moment où le bénéficiaire s’aligne sur les conditions du tiers. La jurisprudence a précisé que le pacte de préférence oblige le promettant à réaliser des pourparlers sérieux avant de conclure le contrat de vente avec un tiers (Cass. com., 12 mai 1992).
P. Voirin explique que le pacte de préférence est un avant-contrat qui emporte une double éventualité ; celle de l’engagement de vendre et celle d’acheter. D’une part, il est possible que le promettant décide de ne jamais vendre ses titres sociaux. D’autre part, si les actions ou parts sociales font l’objet d’une cession, le bénéficiaire du pacte de préférence peut décider de ne pas faire valoir son droit.
Le domaine du pacte de préférence et le droit des sociétés
Le pacte de préférence peut s’appliquer à tout type de cession. Il est toutefois particulièrement utilisé en droit des sociétés. Il permet aux associés de bénéficier d’une priorité dans la mesure où un autre associé souhaite céder ses actions. Ces accords sont le plus souvent stipulés dans des pactes d’associés. Ils prennent le nom de « pactes de préemption ». La jurisprudence reconnait la validité de ces accords extrastatutaires (Cass. com., 7 mars 1989). La clause sur la préférence peut également être stipulée dans les statuts de la société (Cass. com., 15 févr. 1994).
Des notions proches et des confusions à éviter
Le pacte de préférence doit être rigoureusement distingué du droit de préemption et de la promesse de vente.
Pacte de préférence et préemption
Le pacte de préférence a par principe une origine conventionnelle, alors que le droit de préemption a normalement une origine légale. Le régime des sanctions de la violation d’un droit de préemption est plus sévère que celui relatif au non-respect du pacte de préférence (v. infra).
Pacte de préférence et promesse de vente
Dans le cadre d’une promesse de vente, le débiteur de celle-ci s’engage à vendre le bien visé dans la convention. Le promettant à un pacte de préférence ne s’engage pas à vendre le bien (cf. la « double éventualité »).
Comment le pacte de préférence est-il mis en œuvre ?
Les modalités d’exécution du pacte de préférence sont également encadrées par l’article 1123 du Code civil ; le droit commun des contrats s’applique. Par exception, la loi réglemente le pacte de préférence relatif aux contrats d’édition (art. L. 132-4 CPI). La violation de l’avant-contrat est soumise à un régime parfois critiqué par la doctrine juridique.
L’exécution du pacte de préférence
L’exécution du pacte de préférence se matérialise par la proposition des actions ou parts sociales aux bénéficiaires. Le promettant bénéficie du mécanisme particulier de l’action interrogatoire.
La proposition des parts sociales au bénéficiaire
Le pacte de préférence produit ses effets dans deux circonstances. Soit le promettant n’a pas reçu d’offre d’un tiers et souhaite vendre ses actions ou parts sociales. Dans cette hypothèse, il engage des négociations avec le bénéficiaire du pacte qui fait savoir au promettant si oui ou non il souhaite s’en prévaloir. Soit le promettant a reçu une offre d’achat. Dans cette situation, il s’adresse au bénéficiaire afin de savoir s’il s’aligne.
L’action interrogatoire
Le troisième alinéa de l’article 1123 du Code civil énonce que le tiers acquéreur peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir. Le dernier alinéa ajoute que l’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat ou sa nullité.
Ce mécanisme issu de la réforme de 2016 est inspiré du droit des sociétés. Deux choses à retenir. D’une part, c’est bien l’acquéreur et non le promettant qui peut exercer cette action. D’autre part, le délai fixé doit être raisonnable ; les juges du fond apprécient souverainement ce caractère.
La violation du pacte de préférence
Sanctionner efficacement la violation du pacte de préférence nécessite la démonstration d’une « preuve diabolique » telle que l’a définie une partie de la doctrine. Par conséquent, la sanction du pacte de préférence est à géométrie variable.
Octroi de dommages et intérêts en principe
Conformément à l’article 1123 deuxième alinéa, lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Dans cette hypothèse, le tiers ignore l’existence du pacte.
Probatio diabolica, nullité, substitution
L’article continue ; lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.
Une double « preuve psychologique » doit être démontrée. D’une part la connaissance du pacte par le tiers et d’autre part la connaissance par le tiers de la volonté du bénéficiaire de se prévaloir du pacte. Le Professeur P.-Y. Gautier parle alors d’une preuve impossible, d’une probatio diabolica. En pratique, la nullité ou substitution est rarement accordée contrairement aux dommages-intérêts.
Pour conclure, le domaine du pacte de préférence encadré par le Code civil s’étend au droit des sociétés. La stipulation d’une telle clause dans un pacte d’associés permet de contrôler la géographie du capital de la société.
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