En principe, les négociations sont libres. Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter et la rupture des négociations est libre (articles 1102 et 1112 du Code civil). Pour autant, le Code civil impose que les négociations précontractuelles satisfassent les exigences de bonne foi. Ainsi, une rupture des pourparlers peut être considérée comme abusive et sanctionnée sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou contractuelle selon les cas. Nous vous invitons à lire notre article spécifique sur la qualification de la rupture abusive des pourparlers.
Dans le présent article, nous proposons de nous concentrer sur la réparation de la rupture abusive des négociations. Comment déterminer le préjudice indemnisable ? Un tiers peut-il voir sa responsabilité engagée ? Explications.
Une demande spécifique ? Un avocat vous recontacte
Sommaire
Détermination du préjudice indemnisable
En principe, la perte d’une chance n’est pas indemnisable. Quels sont donc les préjudices subis par la partie déçue qui peuvent être sujets à indemnisation ? La responsabilité peut-elle faire l’objet d’un partage ? Nos éclaircissements.
L’impossible réparation d’une perte de chance
Il est nécessaire de faire la distinction entre la perte de chances d’obtenir un avantage du contrat qui était en cours de négociation et la perte de chances d’obtenir un avantage d’un autre contrat.
La perte de chance d’obtenir un avantage du contrat négocié
L’article 1112 du Code civil est clair : « En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu ni la perte de chance d’obtenir ces avantages ». Par exemple, si le contrat porte sur un marché d’une valeur de 100, le préjudice ne peut être évalué à 100 ni même à une fraction de 100.
La perte de chance d’obtenir un avantage d’un autre contrat
Toutefois, une hypothèse particulière peut être relevée. Il s’agit de celle où la mauvaise foi d’une partie a eu pour conséquence la perte, pour l’autre partie, d’une chance de conclure un autre contrat. Par exemple, la perte de chance d’acheter une autre société ou de trouver un autre repreneur peut faire l’objet d’une indemnisation à condition que cette chance ait été rigoureusement prouvée et qu’elle ait été perdue.
Le préjudice indemnisable
En général, deux types de préjudices peuvent faire l’objet d’une indemnisation. Il s’agit des frais engagés lors des négociations et de l’atteinte à la réputation de celui qui subit la rupture abusive des pourparlers.
Le remboursement des frais vainement engagés
Toute négociation représente un coût à la fois financier et en capital-temps. Celui qui subit une rupture abusive des pourparlers peut obtenir une indemnisation à ce titre.
Indemnisation des frais
Il est possible de rechercher une indemnisation pour les frais engagés pour réaliser une étude de marché ou pour les honoraires versés à un avocat ou un expert-comptable.
Indemnisation du temps
L’indemnisation de la perte de temps est plus complexe, mais reste possible. Il revient simplement à celui qui souhaite obtenir une indemnisation relative aux heures de travail de prouver et de justifier le montant de l’indemnité demandée.
Une atteinte à la réputation réparable
L’échec d’une négociation peut avoir des conséquences sur la réputation d’un négociateur évincé. C’est pourquoi une indemnisation peut être exigée lorsque l’image commerciale de la victime d’une rupture brutale des pourparlers est atteinte. Les juges du fond justifient l’existence d’un tel préjudice selon les faits de l’espèce.
Le partage de responsabilité
Selon l’article 1240 du Code civil, les juges établissent de manière constante que lorsque la personne qui affirme avoir subi un préjudice a contribué à sa naissance, la responsabilité est partagée entre les deux parties, et le montant de l’indemnisation est réduit. Dans le cas spécifique d’une rupture abusive des pourparlers, si le négociateur déçu a agi imprudemment en engagent des dépenses prématurées étant donné l’état peu avancé des négociations, son indemnisation est réduite en conséquence
La responsabilité d’un tiers
Afin d’accroître ses chances d’obtenir une indemnisation, celui qui subit une rupture fautive des négociations peut chercher à engager la responsabilité de tiers. Il convient d’étudier la situation de l’intermédiaire d’une part, et du tiers contractant d’autre part.
La responsabilité de l’intermédiaire
En principe, la responsabilité de l’intermédiaire ne peut être engagée. Toutefois, s’il commet une faute, il peut devoir indemniser le négociateur.
Une responsabilité limitée
L’intermédiaire a pour mission de rapprocher des parties souhaitant négocier un contrat. Il n’a qu’une obligation de moyens, et non de résultats, car il ne garantit pas la conclusion du contrat aux parties. Par conséquent, sa responsabilité ne peut être engagée que si et seulement si une faute de sa part est prouvée par le demandeur.
Une responsabilité pour faute
La faute de l’intermédiaire peut être de deux sortes. D’une part, il peut commettre une faute en ne respectant pas la mission qui lui a été confiée. D’autre part, il commet une faute lorsqu’il émet une opinion et que l’information partagée est préjudiciable, par exemple si elle est trompeuse.
La responsabilité du tiers contractant
En l’absence de manœuvre frauduleuse, le tiers contractant ne peut voir sa responsabilité engagée. Observons les deux hypothèses.
Absence de manœuvre frauduleuse
Le fait de contracter avec une partie, alors même que l’on a connaissance du fait que cette partie négocie en parallèle avec un tiers, n’est pas une faute en soi. La Cour de cassation a régulièrement rappelé ce principe dans une jurisprudence constante.
Existence de manœuvres frauduleuses
Il en va différemment lorsque le tiers utilise des procédés déloyaux ou démontre son intention de nuire. Force est de constater que la preuve de manœuvres frauduleuses n’est pas aisée, tout comme la preuve d’une intention, étant donné qu’il s’agit d’une preuve psychologique.
Désormais, vous savez de quelle manière est déterminé le préjudice indemnisable pour une personne victime d’une rupture abusive des pourparlers et dans quelle mesure la responsabilité d’un tiers peut être engagée.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur les négociations précontractuelles, l’organisation juridique des pourparlers, ou obtenir des conseils pour une opération spécifique en droit des sociétés, vous pouvez contacter le cabinet d’avocats d’affaires Billand & Messié afin de bénéficier d’un accompagnement personnalisé.
Comments are closed.