Nous allons vous présenter dans cet article les principales infractions susceptibles d’être commises personnellement par les dirigeants dans le cadre de l’activité de l’entreprise : les infractions relevant du code pénal (abus de confiance, vol, escroquerie, etc.),mais avant ça les causes d’exonération et l’endossement de la responsabilité pénale du dirigeant.
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Sommaire
Comment limiter les risques ?
La délégation de pouvoir
Le dirigeant d’entreprise peut échapper à la responsabilité pénale qui pèse sur lui pour les infractions inhérentes à l’exploitation sociale en invoquant une délégation de pouvoirs.
Conditions validité
Pour prouver la délégation de pouvoir il doit démontrer que les vérifications incombent à un préposé pourvu de l’autorité, de la compétence et des moyens nécessaires pour remplir sa mission.
Important: la délégation n’est pas exonératoire pour le dirigeant si le délégataire n’a pas la compétence et l’autorité nécessaires pour assumer les pouvoirs qui lui ont été transmis. Par ailleurs, la délégation doit avoir été acceptée par le délégataire.
Les subdélégations de pouvoirs sont valables aux mêmes conditions; dès lors qu’elles sont régulièrement consenties et que les sub-délégataires sont pourvus de la compétence, de l’autorité et des moyens propres à l’accomplissement de leur mission.
Cette faculté lui est ouverte dans tous les cas où la loi n’en dispose pas autrement, y compris en matière économique.
Attention, si une délégation de pouvoirs permet à l’employeur personne physique de s’exonérer de sa responsabilité pénale, la personne morale ne bénéficie pas du même régime de faveur.
Limites à la délégation
Il existe des limites à la délégation de pouvoir, notamment:
- Le chef d’entreprise ne peut déléguer ses pouvoirs à plusieurs personnes pour l’exécution d’un même travail, ou conserver lui-même ce pouvoir.
- Le chef d’entreprise ne peut déléguer ses pouvoirs que s’ il a conservé lui-même ce pouvoir.
- La délégation consentie le jour même de l’infraction ne produit pas d’effet.
Les causes générales d’irresponsabilité
le dirigeant peut échapper à l’engagement de sa responsabilité en invoquant les causes générales d’irresponsabilité et notamment :
- la complexité de la loi pénale. Un cour d’appel a jugé que par la multiplicité des renvois opérés, la loi pénale constituait “un dédale obscur » qui ne permettait pas au dirigeant de connaître les faits qui lui étaient reprochés (CA Poitiers, 15 janv. 2015)
- L’erreur de droit, la personne poursuivie peut s’exonérer de sa responsabilité en justifiant avoir cru, par une erreur de droit, qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir le fait reproché.
Les règles de procédure
En cohérence avec la CEDH (convention européenne des droits de l’homme), il convient de respecter le droit des dirigeants poursuivis à ce que leur cause soit entendue dans un délai raisonnable et à un procès équitable. La méconnaissance de ce droit, constitutive d’un déni de justice, oblige l’État à indemniser le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.
Qui est responsable?
Dans les sociétés de personnes et les SARL:
C’est le gérant désigné par les statuts qui est pénalement responsable.
En cas de pluralité de gérants, la responsabilité pénale pèse sur tous les gérants.
Dans les sociétés anonymes
- Dans les SA à conseil d’administration, la direction générale de la société appartient soit au président du conseil d’administration, soit à une autre personne physique nommée par le conseil d’administration et portant le titre de directeur général. Les administrateurs peuvent également engager leur responsabilité pénale pour des infractions qu’ils auraient commises.
- Dans les sociétés anonymes à directoire, le responsable pénal sera soit le directeur général unique, soit, si le directoire est à forme collégiale, la responsabilité pénale est assumée cumulativement par tous les membres du directoire et non par son seul président.
Les dirigeants de fait peuvent aussi voir leur responsabilité pénale mis en jeu, il appartient aux juges du fond de bien caractériser la gestion de fait. Quoi qu’il en soit, la responsabilité pénale d’un dirigeant de fait n’entraîne pas pour autant l’impunité du dirigeant de droit.
La diversité des infractions
L’escroquerie
L’article 313-1, alinéa 1er, du code pénal:
« L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ».
En raison de leurs fonctions, les dirigeants sociaux disposent d’instruments qui leur permettent d’user de moyens frauduleux.
Exemples courants :
- la présentation de bilans falsifiés pour obtenir d’une banque des avances ou des prêts (Cass. crim., 30 oct. 2002, no 01-86.810) ;
- la rédaction d’une publicité mensongère lors de l’émission de valeurs mobilières (Cass. crim., 5 juin 1975, no 74-92.792)
- La réalisation d’une augmentation fictive de capital destinée à tromper un prêteur éventuel que seule une augmentation de capital pouvait décider à consentir un prêt à la société
Sanctions:
Les peines applicables à l’escroquerie sont les suivantes :
- cinq ans d’emprisonnement au maximum et 375 000 euros d’amende au plus (C. pén., art. 313-1, al. 2).
- Plusieurs peines complémentaires sont également applicables.
La réalisation de l’escroquerie par une personne qui fait appel au public en vue de l’émission de titres est une circonstance aggravante. Les peines peuvent atteindre dans ce cas sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende (C. pén., art. 313-2, 3o).
La prescription est de six ans.
L’abus de confiance
La définition de l’abus de confiance figure dans l’article 314-1, alinéa 1er: « L’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ».
L’abus de confiance est constitué, dans la plupart des cas, par un détournement de fonds que le dirigeant avait reçus en qualité de mandataire.
Exemples :
- Commettent le délit d’abus de confiance les dirigeants qui, agissant au nom d’une société en formation, ne déposent au compte bloqué qu’une partie des fonds provenant des souscriptions en numéraire et libérées du quart, et retirent les fonds déposés sans avoir fait immatriculer la société au registre du commerce et des sociétés (Cass. crim., 10 mai 1993, no 92-82.058)
- Le détournement de l’affectation des fonds reçus par une société à titre de subvention constitue également un abus de confiance (Cass. crim., 9 janv. 2008, no 07-83.425)
- Commettent un délit d’abus de confiance les gérants d’une société ayant conclu avec une autre société un contrat d’organisation de réseau commercial et qui, en violation de leurs obligations contractuelles, ne lui reversent pas les sommes par eux perçues au titre des commissions dans le cadre de ventes immobilières (Cass. crim., 10 mars 2021, no 19-87.328)
Les peines applicables sont les suivantes :
- cinq ans d’emprisonnement au maximum et 375 000 euros d’amende au plus (C. pén., art. 314-1, al.2)
- Plusieurs peines complémentaires sont également applicables.
Si l’abus de confiance est commis par une personne qui fait appel au public afin d’obtenir la remise de fonds ou de valeurs soit pour son propre compte, soit comme dirigeant ou préposé de droit ou de fait d’une entreprise industrielle ou commerciale, les peines peuvent être portées à sept ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende
La prescription court uniquement du jour où le délit d’abus de confiance est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique
Faux et usages de faux:
L’article 441-1, alinéa 1er du Code pénal prévoit:
« Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ».
L’incrimination ne vise plus uniquement les écrits, elle porte sur « « toute altération frauduleuse de la vérité » », y compris dans « « tout autre support d’expression de la pensée » ».
- Constitue le délit de faux, l’établissement de procès-verbaux d’assemblées prétendument tenues et non effectivement réunies (Cass. crim., 6 sept. 2000, no 00-80.327)
- l’établissement de pièces justificatives inexactes pour justifier des mouvements de fonds en comptabilité constitue un faux punissable (Cass. crim., 20 juin 2007, no 06-88.825)
- Le faux et l’usage de faux sont punis de cinq ans d’emprisonnement au maximum et de 75 000 euros d’amende au plus (C. pén., art. 441-1, al. 2).
Lorsque le faux ou l’usage de faux est commis soit de manière habituelle, soit dans le dessein de faciliter la commission d’un crime ou de procurer l’impunité à son auteur, les peines peuvent être portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende.
D’autres délits existent et il faut être vigilant!
- l’abus de biens sociaux, de pouvoirs, de voix
- les délits boursiers,
- la diffamation,
- la fraude fiscale,
- la prise illégale d’intérêt
Si vous êtes confronté à une question relative à la responsabilité pénale d’un dirigeant, il est essentiel de vous faire accompagner par des professionnels du droit des affaires. N’attendez pas pour agir et prenez contact avec le cabinet Billand & Messié pour bénéficier d’une assistance juridique sur mesure.
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