Il n’existe aucun texte du Code de commerce régulant l’octroi de garanties d’une société à risque illimité au bénéfice d’un tiers. Or, cette hypothèse est courante dans la vie des affaires. Par exemple, une société civile peut souhaiter garantir le prêt d’une SARL. Qu’il s’agisse du régime des SCI ou des SNC, la jurisprudence a apporté des précisions essentielles.
Le raisonnement pour statuer sur la licéité d’une garantie octroyée par une société à risque illimité s’effectue en deux temps. D’une part, il faut établir si cet acte est compris dans l’objet social du garant. D’autre part, il est nécessaire de rechercher si la garantie est conforme à son intérêt social.
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Sommaire
Appartenance à l’objet social de l’octroi d’une garantie
La jurisprudence pose d’abord le principe selon lequel une société à risque illimité peut garantir la dette d’un tiers si cet acte est compris dans son objet social. Les juges ont toutefois posé deux tempéraments à cette règle.
La validité de principe d’une garantie comprise dans l’objet social
Si l’octroi d’une garantie est compris dans l’objet social de la société à risque illimité, la validité de l’acte est assurée. Toutefois, cette condition est rarement acquise.
L’octroi de la garantie compris dans l’objet social
Dans un arrêt du 8 novembre 2007, la première chambre civile de la Cour de cassation dispose que le cautionnement donné par une société n’est valable que s’il entre directement dans son objet social. Il s’agit de l’hypothèse où l’article relatif à l’objet social de la SCI ou de la SNC énonce l’activité de cautionnement et de garantie de tiers.
Une condition rarement remplie
Force est de constater que rares sont les sociétés civiles qui ont pour objet social de garantir la dette des tiers. Une clause parapluie est elle-même rarement adaptée à cette situation. C’est pourquoi les juges ont prévu deux exceptions dans le même arrêt de 2007.
Les tempéraments à l’appartenance à l’objet social
Afin de dépasser l’obstacle de l’appartenance à l’intérêt social, la jurisprudence reconnait la licéité de garanties au bénéfice d’un tiers lorsqu’est démontrée une communauté d’intérêts entre le bénéficiaire de la garantie et le garant ou que le consentement unanime des associés est accordé.
La communauté d’intérêts
Il n’est pas nécessaire que l’objet social de la SCI ou de la SNC prévoit l’octroi de garantie s’il existe une communauté d’intérêts entre la société et la personne cautionnée. Celle-ci est appréciée de manière très factuelle. Par exemple, une SCI qui loue un local à une SARL peut avoir intérêt à cautionner son emprunt. Dans cette hypothèse, les deux sociétés ont effectivement une communauté d’intérêts. La SCI bénéficie de la bonne santé financière de la SARL qui sans ce prêt pourrait ne plus être en mesure de s’acquitter de ses loyers.
Le consentement unanime des associés
L’article 1852 du Code civil dispose que les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises à l’unanimité des associés. Sur le fondement de cet article, la Cour de cassation permet qu’une garantie accordée par une société à risque illimité puisse être octroyée sans considération pour son objet social si les associés consentent unanimement à cet acte. Cette exception s’applique aux SCI comme aux SNC.
Conformité à l’intérêt social de l’octroi d’une garantie
La seconde condition énoncée par la jurisprudence est la conformité à l’intérêt social de la garantie. Une contrariété à l’intérêt social est sanctionnée par la nullité absolue de la garantie. La conformité est démontrée par la réunion de deux éléments.
La nullité absolue d’une garantie contraire à l’intérêt social
La garantie accordée à un tiers par une société à risque illimité doit être conforme à son intérêt social (Cass., com., 23 sept. 2014). Si tel n’est pas le cas, la garantie est sanctionnée par une nullité absolue (Cass., 1er Civ., 19 oct. 2017). Cela signifie que tout intéressé peut se prévaloir de cette nullité. Le cas échéant, la garantie ne produira aucun effet juridique.
Les conditions de la conformité à l’intérêt social de la garantie
Une garantie accordée par une société à risque illimité est conforme à l’intérêt social si le garant obtient une contrepartie à son engagement. Aussi, la garantie ne doit pas remettre en question l’existence de la société à risque illimité.
L’existence d’une contrepartie à la garantie
D’abord, la société à risque illimité qui accorde une garantie doit obtenir une contrepartie de la garantie accordée (Cass., com., 10 févr. 2015). Cette exigence est justifiée par le fait que l’acte de garantie ne doit pas être sans cause. La garantie est un acte grave qui doit être justifié en opportunité.
Par exemple, la contrepartie est prouvée dans l’hypothèse d’une garantie accordée pour soutenir une filiale d’un groupe. Il s’agit aussi de la situation où la garantie a pour objet de permettre à un associé de libérer son apport en numéraire.
L’absence de menace pour la survie du garant
Ensuite, l’octroi de la garantie ne doit pas constituer une menace pour l’existence de la société à risque illimité. Cette menace s’apprécie par comparaison entre le montant de la garantie et la surface financière de la société.
La jurisprudence apprécie avec beaucoup de souplesse cette seconde exigence. D’une part, la garantie doit entrainer la disparition de la société. Si une partie de l’actif subsiste, la disparition n’est pas totale et la garantie valable. D’autre part, la jurisprudence laisse penser que les deux conditions à la conformité à l’intérêt social ne sont pas cumulatives et que la seule existence d’une contrepartie peut être suffisante, nonobstant la mise en cause de l’existence du garant (Cass., com., 23 sept. 2014).
Donc, les sociétés à risque illimité peuvent garantir la dette d’un tiers lorsque les strictes conditions posées par la jurisprudence sont réunies. Ce niveau d’exigence est justifié par le risque qui pèse sur les associés. En effet, ceux-ci engagent leur patrimoine personnel en tant que débiteur subsidiaire de la société.
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