Une convention de vote est une convention par laquelle tout ou partie des associés d’une société (SAS, SA, SARL, SCI, etc…) s’engagent à voter dans un sens déterminé ou à ne pas participer au vote lors des délibérations sociales.
Les conventions de vote peuvent prendre la forme d’une grande variété d’accords mais sont généralement intégrées au sein des pactes d’associés.
Si certaines conventions de vote sont résolument prohibées, la simple limitation du droit de vote peut être admise si la convention de vote répond à certaines conditions.
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Sommaire
La liberté de vote au sein des sociétés
Avant d’aborder l’encadrement légal des conventions de vote, il nous parait indispensable de rappeler le principe fondamental de droit des sociétés en la matière : tout associé est libre d’exercer son droit de vote. Il ne peut être privé de sa liberté de vote ni y renoncer.
Ce principe a été consacré en 1999 par l’arrêt Château d’Yquem rendu sous le visa de l’article 1844 du code civil : « attendu que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions » (Cass. com., 9 févr. 1999, no 96-17.661).
Conventions de vote interdites
Sont strictement prohibées les conventions consistant à céder un droit de vote contre un avantage en nature ou en numéraire, et ce en application de l’article 242-9 3° du Code de commerce.
En pratiques, sont annulées sur ce fondement les conventions de vote rémunérant un trafic d’influence.
Hormis ce cas de figure, les conventions de vote sont licites dès lors qu’elles répondent à certaines conditions.
Conditions de validité des conventions de vote
Si la loi ne s’est pas clairement prononcée sur ce sujet, la jurisprudence a elle progressivement forgé un cadre légal pour apprécier la validité des conventions de vote.
En effet, à la lecture de la jurisprudence, il ressort que les conventions de vote sont valables si elles reposent sur un engagement éclairé des associés signataires et sont destinées à l’établissement d’une politique stable et durable. Pour ce faire, ces conventions doivent être conformes à l’ordre public et à l’intérêt social.
Le respect de l’ordre public
Toute convention de vote est soumise au respect des règles d’ordre public.
Exemple : sont nulles les conventions de vote qui font obstacle à la révocabilité « ad nutum » des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance, étant donné le caractère d’ordre public de cette règle (Cass. com. 17 janv. 1984 / 82-14.771).
La conformité à l’intérêt social
Les conventions de vote ne doivent pas conduire à des votes contraires à l’intérêt social (CA Paris 4-12-2012 n° 11/15313).
En effet, un vote contraire à l’intérêt social et motivé par la volonté de nuire à l’une des parties à la convention constitue un abus du droit de vote, lequel est interdit par une règle d’ordre public dont aucune convention ne peut s’affranchir.
Exemples de conventions de vote jugées licites
- Les conventions de vote relatives à la désignation des membres des organes de direction qui accordent à certains associés des pouvoirs de nomination, indépendamment de leur pourcentage de capital (T. com Paris, 8 nov. 2001, RG no 11/16066).
- Les conventions de vote relatives à la mise en œuvre des prérogatives financières telles que la distribution de dividendes ou l’augmentation de capital.
Ainsi, un engagement de vote en faveur d’une augmentation de capital doit être tenu pour licite dès lors qu’il est limité à l’opération concernée, qu’il est conforme à l’intérêt social et qu’il est exempt de toute idée de fraude (T. com Paris, 8 nov. 2001, RG no 11/16066).
Exemples de conventions de vote jugées illicites
- Les conventions de vote entrainant une soumission aveugle des associés. Dans ce cadre, a été frappée de nullité la convention de vote qui engage un associé à ne jamais faire obstacle à une fusion de la société ou à une modification de ses statuts (T. com. Seine, 24 janv. 1963).
- Les conventions de vote rédigées en des termes vagues et généraux. En effet, sont jugées nulles les conventions de vote rédigée « en des termes très vagues et généraux, qui privent l’actionnaire de toute liberté d’appréciation et, de facto, du pouvoir de décision, (…) puisque ne portant pas sur des décisions précises » (CA Lyon, 11 juin 2015, n° 14/02049).
- Les conventions de vote comportant des engagements de vote anticipés qui ne permettent pas aux associés de tenir compte de la survenance d’éléments nouveaux d’appréciation de l’intérêt social (T. com Nanterre, 3 août 2011, n° 2011R00969).
La durée des conventions de vote :
Les conventions de vote ne peuvent pas être conclues pour une durée illimitée et ce conformément au droit commun des contrats. Néanmoins, les conventions de vote conclues à durée indéterminée sont licites. Dans ce cas, il peut y être mis fin unilatéralement dans les mêmes conditions que les engagements perpétuels (à savoir moyennant le respect du préavis contractuel ou d’un préavis raisonnable en l’absence de précision du contrat).
Conclusion
Ainsi, il est nécessaire de faire preuve de vigilance et de rigueur lors de la rédaction des conventions de vote. En effet, bien qu’inopposables aux tiers, assurer la validité de ces conventions permet de s’en prévaloir pour le prononcé de sanctions en cas de non-respect de celles-ci, tel que l’octroi de dommages et intérêts ou l’obtention éventuelle de l’exécution forcée sur le fondement du nouvel article 1221 du Code civil. Rédiger avec précaution une convention de vote permettra ainsi d’obtenir gain de cause devant le Tribunal de Commerce.
Par Leila Chelbi – Juriste
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