Alors que l’objectif de l’augmentation de capital par apport en numéraire est d’apporter des financements nouveaux à la société et que celui de l’augmentation par apport en nature est de permettre à la société de disposer d’un bien, l’augmentation de capital par incorporation de bénéfices, de primes d’émission, de réserves ou de créances est empreinte d’une autre philosophie. En effet, cette opération va permettre d’intégrer au capital un bien dont elle dispose déjà, mais à un autre titre juridique. Il n’y a pas de bien nouveau mais seulement un jeu d’écritures comptables, qui va conduire à un virement sur le compte capital d’une somme prélevée sur un autre poste comptable, et notamment le poste des réserves et des créances qui sont les deux cas de figure les plus pratiqués.
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Sommaire
L’augmentation du capital social par incorporation des réserves
Appelée opération de capitalisation des réserves, l’augmentation du capital social par incorporation de réserves présente de nombreux intérêts. Elle est assez simple à mettre en œuvre. Toutefois, il convient d’envisager les conditions ainsi que les modalités pratiques de l’opération.
Les intérêts de l’opération
Tout d’abord, d’un point de vue fiscal, les droits d’enregistrement sont relativement faibles. Il faut en effet payer un droit fixe de 375 ou 500 €.
De plus, en rendant les réserves indisponibles, elle permet de consolider le droit de gage général en rassurant les créanciers sociaux et les banques lors des négociations entre le chef d’entreprise et les créanciers pour obtenir du financement.
Nota bene : Lorsque l’on dit que les réserves sont indisponibles, cela signifie que les sommes vont devenir du capital, ce qui implique qu’elles obtiennent les caractéristiques marquant le capital et notamment son intangibilité.
Du point de vue de l’actionnaire qui est déjà dans la société, la remontée des réserves permet de créer automatiquement des titres nouveaux et de créer des attributions gratuites d’actions (AGA). Cependant, les associés bénéficient de leurs droits sur les réserves juste après la dissolution ou au moment des titres.
Enfin, lors de l’incorporation des réserves, il est également possible de distribuer des actions gratuites aux salariés.
Les conditions de l’opération
La simplicité de l’opération se retrouve également dans les conditions, que ce soit au niveau des conditions de fond ou des conditions de forme.
Les conditions de fond
Contrairement à l’augmentation de capital par apport en numéraire ou apport en nature, il n’y a pas d’obligation de libération du capital.
Concernant les réserves, l’unique condition pour pouvoir incorporer les réserves est qu’elles soient comptabilisées, que ce soit :
– Des réserves facultatives ;
– Des réserves statutaires ;
– Une réserve légale.
Nota bene : S’agissant de la réserve légale, bien que théoriquement il n’est pas possible d’y toucher car elle représente la continuité du capital, en pratique, il est possible de l’intégrer directement au capital social. Il faudra néanmoins reconstituer la réserve légale.
En vertu de l’article L. 225-128 du Code de commerce, l’incorporation au capital des primes d’émission, des primes d’apport ou des primes de fusion est possible.
Les conditions de forme
L’augmentation de capital ne peut être réalisée qu’au travers une décision de l’assemblée générale extraordinaire car cela implique impérativement une modification des statuts.
Par exception, lors de cette opération d’augmentation de capital par incorporation de réserves, l’assemblée générale extraordinaire se prononce dans les conditions de quorum et de majorité prévues pour les assemblées générales ordinaires mais uniquement pour les sociétés par actions (article L. 225-130 du Code de commerce) et pour les sociétés à responsabilité limitée (article L. 223-30 du Code de commerce). Cette facilitation dans les conditions s’explique par le fait que cette opération est opportune à la fois pour la société, les créanciers et également les associés.
Les modalités de l’opération
De même que les conditions, les modalités sont également simplifiées.
D’un point de vue comptable, il s’agit d’un simple virement du compte réserves vers le compte capital.
La réalisation matérielle de l’incorporation
La réalisation matérielle de l’incorporation peut poser des difficultés. Elle peut se réaliser de deux façons :
- Par l’élévation de la valeur nominale des anciennes actions
Cela permet d’éviter le problème des rompus mais cela ne donne pas une impression de changement pour les associés.
- Par la création de nouvelles actions et leur attribution gratuite aux actionnaires
La société émet alors de nouvelles actions, ordinaires ou de préférence et les attribue aux associés déjà en place, au prorata de leur participation au capital.
Les associés disposent d’un droit d’attribution sur les nouvelles actions dont le mécanisme est proche de celui du droit préférentiel de souscription puisqu’ils ont tous deux une valeur pécuniaire et peuvent être négociés, monnayés et cédés.
Ce droit, qui est donné au prorata des droits sociaux, confère à chaque associé le droit de recevoir une nouvelle part. Mais souvent, l’émission de nouvelles actions ne se réalise pas titre pour titre, c’est-à-dire qu’il va falloir plusieurs droits d’attribution pour avoir un nouveau titre. Un rapport va s’établir, ce que l’on appelle la clef de répartition.
La problématique des rompus
Dans certaines circonstances, apparaît la problématique des rompus, également retrouvée lors des fusions ou augmentations de capital par apport en numéraire.
L’ordonnance du 31 juillet 2014, complétée par le décret du 18 mai 2015 distingue les sociétés cotées (non traitées) et les sociétés non cotées pour lesquelles l’assemblée générale peut décider que :
- Tous les titres qui n’ont pas pu être attribués individuellement et qui forment les rompus ne seront pas négociables, ne seront pas vendus ;
- Les rompus pourront être vendus suivant la procédure particulière de la vente aux enchères publiques (article L. 225-130 du Code de commerce) mise en œuvre par un officier public ministériel (notaire) ou par un prestataire de services d’investissements (banque), aux personnes qui se présentent voire aux associés déjà en place. Le produit de ces ventes est ensuite bloqué sur un compte pendant 10 ans afin de permettre aux titulaires des droits d’attribution de se manifester.
L’augmentation de capital par incorporation de créances
Le principe
L’augmentation de capital peut également être réalisée par incorporation de créances au capital social. Les intérêts de l’opération sont principalement le renforcement du crédit social mais surtout, le fait d’éviter la lourdeur de la procédure, et notamment le recours au commissaire aux apports à l’évaluation.
Ainsi, à l’occasion de la distribution des dividendes, il est envisageable de les laisser en compte courant d’associé. Le plus souvent, l’associé ou le tiers devient alors créancier de la société par cet apport.
Cet apport est du même type que les apports en numéraire ou en nature puisque la créance étant un bien incorporel, on réalise une augmentation de capital par apport d’un bien.
Il sera donc nécessaire d’utiliser deux techniques pour procéder à cette opération :
– Soit une augmentation de capital par apport en nature à l’issue de laquelle la société se retrouve propriétaire de la créance apportée par l’associé ou le tiers et éteint ainsi sa dette par confusion en vertu de l’article 1349 du Code civil, sous réserve de respecter la procédure de désignation de commissaire aux apports si besoin est.
– Soit une augmentation de capital par apport en numéraire par laquelle l’actionnaire libère l’apport en numéraire par compensation avec la créance qu’il a sur la société (article L. 225-128 du Code de commerce) sous réserve de respecter les conditions de la compensation (certaine, liquide, exigible).
La procédure et les formalités
La convocation d’une assemblée générale extraordinaire
Une assemblée générale extraordinaire doit obligatoirement être convoquée afin de décider de l’augmentation de capital, qui peut avoir lieu avec ou sans prime d’émission et maintien du droit préférentiel de souscription.
L’associé ou le tiers qui aura apporté sa créance en compte courant devra signer un bulletin de souscription détaillant la souscription des titres et la libération des fonds. Cette dernière se fait au prorata du montant de la créance via une compensation.
Pour attester de l’existence et des caractères de la créance (certaine, liquide, exigible), le dirigeant doit établir un arrêté du compte de l’associé qui devra ensuite être certifié exact par le commissaire aux comptes (article R. 225-134 du Code de commerce) ou par un notaire (rare).
Ce n’est qu’en respectant toutes ces étapes que l’augmentation de capital sera effective.
Les formalités à accomplir
Un avis de modification devra être publié par le dirigeant dans un journal d’annonces légales du ressort du siège social. La publication doit contenir les informations suivantes :
- La dénomination sociale ;
- La forme juridique de la société ;
- L’adresse du siège social et le numéro SIREN ;
- Le montant de l’ancien capital social et du nouveau ;
- La mention de l’organe ayant pris la décision d’augmentation de capital ;
- La précision de l’article des statuts modifié par l’opération.
Enfin, il devra déposer un dossier de demande de modification au centre des formalités des entreprises compétent qui devra comprendre la liste des pièces suivantes :
- Le formulaire M2 (de déclaration de modification d’une personne morale) en 3 exemplaires ;
- Un exemplaire du procès-verbal d’augmentation de capital ;
- Un exemplaire des statuts mis à jour et certifiés conformes ;
- L’attestation de parution de l’avis de modification au journal d’annonces légales ;
- Le certificat du commissaire aux comptes ou du dirigeant attestant la libération par compensation ;
- Un pouvoir si le représentant légal n’est pas le signataire du document ;
- Le règlement des frais de greffe.
Une fois toutes ces formalités effectuées, la société se verra remettre un nouveau Kbis mentionnant le nouveau capital social et l’augmentation du capital sera effective à compter :
- De la date de l’assemblée générale extraordinaire pour une société à responsabilité limitée ;
- De la date de l’établissement du certificat du dépositaire pour une société à action simplifiée.
Par Inès Belkheiri – Juriste
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