Alors que l’objectif principal de l’augmentation du capital par apport en numéraire est d’augmenter les capacités de financement, parfois, le chef d’entreprise peut avoir un autre objectif comme par exemple, faire entrer dans le patrimoine social un bien en particulier dont a besoin la société pour son activité. Dans cette optique, l’apport en nature sera le plus adéquat. Ainsi, en contrepartie de l’apport de ce bien en nature (savoir-faire, brevet, immeuble, machine… etc), l’apporteur recevra des nouveaux titres résultant de l’augmentation de capital, et deviendra associé.
Bien que la finalité ne soit pas la même, ce type d’augmentation de capital doit respecter certaines règles particulières, que l’on rencontrera au travers des conditions et de la procédure de l’opération.
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Sommaire
Les conditions de l’augmentation de capital par apport en nature
Par rapport à l’augmentation de capital par apport en numéraire, certaines conditions sont écartées en raison de la spécificité de l’opération.
Il n’est par exemple pas obligatoire que le capital antérieurement souscrit ait été entièrement libéré. En effet, l’article L. 225-131 du Code de commerce, qui s’applique en matière d’augmentation de capital par apport en numéraire, exclut cette règle pour l’augmentation de capital par apport en nature.
Par ailleurs, aucun droit préférentiel de souscription n’est prévu au profit des associés de la société émettrice donc il est déduit en doctrine que ce droit n’a pas vocation à s’appliquer à l’apport en nature. En effet, l’article L. 225-132 du Code de commerce qui encadre le droit préférentiel de souscription ne traite que l’augmentation par apport en numéraire. Toutefois, il n’est pas exclu de créer de manière conventionnelle, dans les statuts, un droit préférentiel de souscription dans le cadre des apports en nature.
L’article L. 225-129 du Code de commerce qui prévoit l’obligation de statuer sur l’attribution d’actions aux salariés lorsque l’assemblée générale extraordinaire se prononce sur l’augmentation de capital au moment de l’adoption de la décision n’est pas applicable en cas d’augmentation de capital en nature.
Dans le cas où la société constitue des réserves ou des plus-values latentes, il est possible de créer une prime d’apport qui a pour but d’égaliser les droits entre anciens et nouveaux associés.
Enfin, le vote doit être organisé dans des conditions de quorum et de majorité particulières. Notamment, si l’apporteur est déjà associé, les actions qu’il détient ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité et du quorum (article L. 225-10 du Code de commerce) dans les sociétés par actions (rien n’est indiqué pour les sociétés à responsabilité limitée).
La procédure de l’augmentation de capital par apport en nature
L’obligation de nomination d’un commissaire aux apports
De même que lors de la constitution de la société, lors d’une augmentation de capital, il est impératif de désigner un commissaire aux apports. Ce commissaire est un tiers extérieur, plus précisément un professionnel du chiffre à qui il incombe de mener à bien une procédure d’évaluation de la valeur du bien et de vérifier que cette valeur est identique à celle retenue par les parties au contrat d’apport. Le but est d’éviter les risques de sous-évaluation ou surévaluation.
Cette procédure d’évaluation est instaurée essentiellement pour les sociétés à responsabilité limitée et va s’intégrer dans la procédure de l’augmentation de capital.
Dans les sociétés anonymes et les sociétés par actions, cette nomination est obligatoire d’après l’article L. 225-147 du Code de commerce.
Dans les sociétés par actions, une dispense de nomination d’un commissaire est prévue par l’article L. 225-147-1 du Code de commerce dans deux cas de figure :
- Dans l’hypothèse d’un apport de valeurs mobilières qui ont fait l’objet d’une cotation au cours des 3 mois précédents et desquelles on prendra une valeur moyenne ;
- Dans l’hypothèse d’apports d’autres éléments d’actifs que des actions ou des valeurs mobilières qui ont fait l’objet d’une valorisation dans les 6 mois précédents.
Jusqu’à la loi Sapin II, la nomination d’un commissaire aux apports était obligatoire également dans les sociétés à responsabilité limitée. Mais depuis cette loi en date de décembre 2016, l’article L. 223-33 du Code de commerce prévoit une dispense de nomination d’un commissaire aux apports par une décision unanime des associés et si deux conditions cumulatives sont honorées :
- Aucun apport en nature ne doit avoir une valeur supérieure à 30 000 € ;
- La valeur totale de l’ensemble des apports en nature qui sont réalisés ne doit pas excéder la moitié du capital social.
La procédure de nomination d’un commissaire aux apports
Une fois que l’on a déterminé si la société est soumise à l’obligation de nommer un commissaire aux apports, vient le moment de la désignation. Celle-ci doit se faire à l’unanimité des associés lorsqu’il s’agit d’une société à responsabilité limitée ou des actionnaires s’il s’agit d’une société anonyme, ou par défaut, par décision du Président du Tribunal de commerce qui serait saisi par un chef d’entreprise.
Le commissaire nommé doit impérativement figurer sur la liste officielle des commissaires aux comptes et ne doit pas se trouver dans une situation d’incompatibilités prévue à l’article L. 602-11 du Code de commerce.
Les missions et diligences du commissaire aux apports
Le commissaire aux apports a pour mission d’évaluer et retenir une valeur pour le bien qui fait l’objet d’un traité d’apport, et ce, sous sa responsabilité. Il établit un rapport sur la valorisation et le dépose au siège de la société ainsi qu’au greffe du Tribunal de commerce compétent, 8 jours avant la tenue de l’assemblée générale chargée de prononcer l’augmentation de capital.
Le rapport sera déposé au siège de la société, au greffe du Tribunal de commerce, 8 jours avant la tenue de l’assemblée générale qui aura pour objectif de se prononcer sur l’augmentation de capital.
Le traité d’apport
Après la phase de discussion entre l’apporteur et le chef d’entreprise, un traité d’apport est réalisé et signé par l’apporteur et le chef d’entreprise. Ce traité a pour finalité de fixer les conditions de l’opération. Il va comporter les informations suivantes :
- Le bien apporté ;
- L’évaluation du bien ;
- Le nombre de droits sociaux dont bénéficiera l’apporteur ;
- Les détails liés à l’opération.
La convention d’apport est souvent formalisée avant l’adoption de l’augmentation de capital et conclue sous condition suspensive de l’approbation par l’assemblée générale extraordinaire.
La décision d’augmentation du capital par apport en nature
Une double délibération lors de l’assemblée générale extraordinaire
Lors de l’assemblée générale extraordinaire réunie pour décider de l’augmentation de capital, les associés se prononcent en amont sur l’approbation de la valeur en nature. En effet, une fois la décision sur la valorisation prise par l’assemblée, cette dernière devra se prononcer, dans le cadre d’une délibération distincte de celle portant sur la valorisation, sur le principe même de l’augmentation de capital.
Même si ces décisions qui ont des objectifs différents devraient théoriquement faire l’objet de deux assemblées, en pratique, on regroupe ces deux décisions au sein d’une seule assemblée générale extraordinaire.
S’agissant de la décision sur la valorisation, l’assemblée des associés n’étant pas tenue de suivre les conclusions du commissaire aux apports, elle est ainsi libre d’approuver ou non la valeur des apports en nature. Elle peut ainsi fixer une valeur différente de celle fixée dans le traité d’apport et de celle retenue par le commissaire aux apports.
Les associés peuvent alors réduire la valeur, l’unique condition sera alors l’acceptation par l’apporteur de cette diminution.
Si la valeur retenue par les associés est supérieure, il faut veiller au risque d’infraction civile et pénale puisque le délit de majoration frauduleuse d’apports, aussi appelé « mouillage des apports », prévu à l’article L. 242-2 du Code de commerce, peut avoir de lourdes conséquences sur l’entreprise, en termes d’images et en termes financiers.
Les formalités à accomplir
Une fois que l’apport en nature a été approuvé par l’assemblée générale extraordinaire, la valeur retenue devient définitive pour les parties au traité d’apport.
En amont, il conviendra de faire enregistrer le procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire auprès du Service des Impôts des Entreprises et de publier une annonce légale.
Il conviendra en outre de transmettre les documents suivants :
- Le formulaire M2 (de déclaration de modification d’une personne morale) en 3 exemplaires ;
- Un exemplaire du procès-verbal d’augmentation de capital ;
- Le rapport du commissaire aux apports ;
- L’acte constatant la réalisation de l’augmentation de capital par apport d’un élément d’actif enregistré et certifié conforme par le représentant légal ;
- Un exemplaire des statuts mis à jour et certifiés conformes ;
- L’attestation de la publication de l’annonce légale ;
- Un pouvoir si le représentant légal n’est pas le signataire du document ;
- Le règlement des frais de greffe (environ 200 €).
Ces documents devront être enregistrés auprès du service des impôts et incorporés à un dossier remis au greffe du Tribunal de commerce ou au Centre de formalités des entreprises (CFE) compétent.
Par Inès Belkheiri – Juriste
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