L’entrée au capital d’un nouvel associé nécessite d’anticiper la sortie de cet associé et le cas du rachat des actions qu’il détient en fonction de la survenance de divers événements : mésentente, mauvaises performances, vente de la société, volonté d’un associé de détenir 100% du capital, etc…
De nombreuses clauses permettent de cadrer ces cas de figure en offrant à certains associés ou fondateurs la faculté de racheter les actions attribuées, et à d’autres associés de vendre leur actions à des prix déterminés ou déterminables.
Clause de bad leaver, clause de sortie forcée ou conjointe, clause d’offres alternatives : Billand & Messié vous présentent les mécanismes couramment utilisés dans des opérations impliquant l’entrée au capital de salariés, managers, business angel ou fonds d’investissement.
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Sommaire
Rachat forcé et bad leaver
Cas d’utilisation de la clause de départ fautif
La clause de bad leaver consiste en une promesse de vente consentie par l’associé concerné à un ou plusieurs autres associés, actionnable en cas de départ fautif. Les autres associés bénéficieront ainsi d’une option d’achat à un prix prédéterminé.
La clause de bad leaver permet de sanctionner un partenaire clef de la société, le plus souvent dirigeant ou salarié (Président, Directeur général, Gérant…), en cas de départ fautif de ce dernier.
Notre cabinet intègre systématiquement ce type de clauses lorsque les actions sont attribuées gratuitement au bénéficiaire en l’échange d’une certaine durée de présence (par exemple un dirigeant d’une filiale, ou un manager clef de la société). Cette clause peut aussi concerner des actions souscrites au prix fort par le bénéficiaire, ou des actions attribuées suite à l’exercice de BSA.
Caractéristiques de la clause de bad leaver
La clause de bad leaver nécessite de définir avec précision les cas de départ concernés et le prix auquel la clause de rachat peut être exercée.
Situations constituant un départ fautif
En fonction des stipulations du pacte d’associés, le départ fautif (bad leaver) peut être constitué dans les cas suivants :
- démission de l’associé de ses fonctions de dirigeant ou de salarié
- licenciement du salarié : il convient de définir précisément les cas de licenciement. La jurisprudence sanctionne par la nullité les clauses introduisant une décote du prix de rachat en cas de licenciement disciplinaire, d’où la nécessité d’une rédaction méticuleuse (Cass. com., 7 juin 2016, no 14-17.978).
- révocation pour justes motifs ou pour faute grave du dirigeant
- non respect du contrat de prestations de services conclu avec la société dans le cas ou l’associé concerné est un prestataire de la société.
Le pacte peut stipuler que d’autres situations non nécessairement liées à un départ fautif déclencheront l’application de la clause de rachat :
- mésentente caractérisée par une opposition d’un associé aux décisions du majoritaire
- franchissement à la baisse d’un seuil de participation au capital
- changement de contrôle du capital d’un associé personne morale (par référence à l’Article L. 233-3 du Code de commerce).
Prix d’exercice de l’option d’achat en cas de bad leaver
Le prix d’exercice peut être affecté d’une décote en cas de de départ fautif. Par exemple, il peut être stipulé :
- que les actions seront rachetées à la valeur d’entrée au capital diminuée d’une décote de 30%/50%,
- que les actions seront rachetées à une valeur déterminée par un expert à la date du départ après application d’une décote de 30%/50%,
- que les actions seront rachetées à leur valeur nominale,
- etc.
Condition de validité et litiges relatifs à la clause de bad leaver
Le Tribunal de commerce est très souvent amené à trancher les litiges liés aux clauses d’exclusion ou de bad leaver. Les contestations portent le plus souvent sur les éléments suivants :
- Dans le cas ou l’associé sortant est salarié, celui-ci pourra tenter de contester prix du rachat et d’obtenir sa requalification en sanction pécuniaire interdite. En vertu d’une jurisprudence récente , la clause de bad leaver concernant un salarié doit, pour être valable, pouvoir se déclencher dans tous les cas de licenciement, même non disciplinaires, en ce compris en cas de licenciement économique ou de licenciement pour inaptitude (Cass.com. 7 juin 2016, n°14-17-978). L’Article 1331-2 du Code du travail interdisant les sanctions pécuniaires, en ce compris « déguisées », fonde cette jurisprudence.
- Dans la plupart des cas, l’associé sortant contestera le caractère fautif de son départ : le Tribunal de commerce appréciera les circonstances du départ au regard des stipulations du pacte.
- Les litiges portent en outre sur la valorisation retenue et son calcul, notamment lorsque des formules de calcul du prix sont stipulées dans la clause de bad leaver.
Clauses de sortie forcée (ou clause de drag along) en cas de revente de la société
Objectifs de la clause de sortie forcée
Cette clause vise à anticiper le cas de la revente de l’entreprise concernée et à fluidifier le processus de revente. En l’absence de pacte d’associés prévoyant une clause de sortie forcée, un associé minoritaire peut en effet faire obstacle à la revente de la société, notamment parce qu’il estime le prix offert insuffisant.
Or, un acquéreur sera systématiquement réticent à ne pas acquérir 100% du capital social de la société pour les raisons suivantes :
- fiscalement, l’acquéreur ne pourra pas bénéficier des avantages du régime mère-fille et du régime de l’intégration fiscale ;
- financièrement, il ne pourra pas percevoir 100% des distributions de dividendes ;
- politiquement, il devra veiller à ne pas porter atteinte aux droits de l’associé minoritaire, ce qui constitue une restriction importante à sa liberté de gestion (voir notre article distinct « Conflits entre associés« ).
La clause de drag along vise à éviter cette situation de blocage.
Caractéristiques de la clause de sortie forcée
Cette clause consiste en un engagement irrévocable des associés minoritaires de céder leurs titres à tout acquéreur qui offrirait d’acquérir 100% du capital social.
Les associés consentent ainsi une promesse de vente à un acquéreur non identifié activable dès lors qu’un actionnaire majoritaire (détenant par exemple plus de 50% ou de 60% du capital) entend accepter l’offre de cet acquéreur. Cet associé majoritaire notifiera alors aux autres associés qu’il active la clause de sortie forcée, les associés minoritaires étant ainsi obligés de céder leurs actions au prix proposé par le tiers acquéreur.
S’agissant du prix d’exercice de la clause de sortie forcée :
- Traditionnellement, le prix auxquel les minoritaires s’obligent à céder leurs actions est égal à celui perçu par l’associé majoritaire.
- Il est toutefois possible d’attribuer au minoritaire une prime liée au caractère « forcé » de la sortie, qui sera réglée par l’associé majoritaire, ou de prévoir au contraire une décote.
- Afin de couvrir le cas ou l’associé minoritaire jugerait le prix de sortie trop faible par rapport à la valeur réelle de la société, une clause d’expertise peut être introduite. Celle clause permet à l’associé minoritaire de contester le prix de sortie et de solliciter l’avis d’un expert.
Modèle de clause d’expertise : « En cas de contestation […], le prix sera fixé par tout cabinet d’expertise comptable ou tout cabinet d’audit indépendant de chacun des associés, ou à défaut d’accord, un expert nommé par le Président du tribunal compétent du ressort de la Cour d’appel de […] statuant en la forme des référés et agissant en tant que tiers estimateur au sens des dispositions de l’Article 1592 du Code civil« .
Clauses d’entrainement ou de sortie conjointe (tag along) en cas de revente de la société
Objectifs de la clause de sortie conjointe
La clause de sortie conjointe vise à donner à l’associé minoritaire une garantie de sortie en cas de revente de la société. Cette clause est en quelque sorte la réciproque de la clause de sortie forcée.
L’objectif consiste ici à garantir à l’associé minoritaire une égalité de traitement par rapport à l’associé majoritaire : si une offre d’acquisition est adressée à l’associé majoritaire par un tiers, la clause de sortie conjointe permet à l’associé minoritaire de pouvoir céder ses actions à un prix identique à celui offert au majoritaire.
Fonctionnement de la clause de sortie conjointe
Ce type de clause nécessite de définir les événements permettant de déclencher la sortie conjointe. Un certain pourcentage du capital doit en effet être concerné par l’offre d’acquisition formulée par le tiers acquéreur. Celui-ci est généralement fixé à 50% + 1 voix, mais tout autre pourcentage entraînant un changement de contrôle peut être stipulé.
Par ailleurs, il convient de préciser que dans le cas ou le tiers acquéreur refuse d’acquérir les actions détenues par l’associé minoritaire (puisque son offre initiale ne porte que sur les actions détenues par le majoritaire), l’associé majoritaire doit faire son affaire de l’acquisition de ces actions ou renoncer au projet de cession.
Afin d’assurer l’effectivité de cette clause, le pacte prévoit la transmission par l’associé majoritaire de l’ensemble des termes de l’offre (contrepartie financière, avantage en nature, contrats connexes à la transaction), l’objectif étant de permettre à l’associé minoritaire de disposer d’un prix reflétant celui perçu, directement ou indirectement, par l’associé majoritaire.
Clauses d’offre alternative (buy or sell ou shot gun)
Utilités de la cause de buy or sell
La clause de buy or sell vise notamment à résoudre une situation de blocage. Cette clause permet à un associé de forcer le rachat de ses actions à un prix qu’il propose et, en cas de refus, de forcer la vente des actions de son co-associé au même prix.
L’application de cette clause permet ainsi de garantir l’achat ou la vente des actions (en fonction de la volonté de l’associé n’ayant pas exercé la clause).
Plusieurs variantes de ce type de clause existent : certaines sont non contraignantes, d’autres introduisent des mécanismes d’enchères à disposition de l’associé destinataire de l’offre, etc…
Mécanisme de buy or sell
Techniquement, la clause de buy or sell consiste :
- à offrir aux associés la faculté de se notifier mutuellement des offres de vente au prix de leur choix. Ces premières offres n’ont pas à être obligatoirement acceptées.
- a stipuler une promesse de vente obligatoire à la charge de l’associé qui refuserait d’acquérir les actions suite à la première offre, et une promesse d’achat à la charge de l’associé ayant déclenché la clause de buy or sell. Ces promesses croisées d’achat et de vente garantissent le dénouement positif de la procédure en obligeant les associés à acheter et à vendre les actions concernées.
Alternativement, notre cabinet d’avocat rédige des clauses dites « d’offre d’achat simultanées » aux termes desquelles les associés sont tenus de s’adresser mutuellement et simultanément une offre ferme de rachat à un prix secret dévoilé par un tiers de confiance (notaire, avocat…). L’offre prévoyant le prix le plus élevé l’emporte et l’associé ayant formulé l’offre de rachat au prix le plus faible est alors tenu de céder ses actions.
Contentieux lié à l’exécution et l’interprétation des clauses de sortie
Les clauses de sortie sont au cœur de bon nombre de contentieux entre associés, portant pour la plupart :
- sur l’inexécution des promesses de vente ou d’achat, ou
- sur la fixation du prix de sortie.
Le Tribunal de commerce en charge de résoudre ces contentieux analysera:
- la validité de la clause et son éventuelle nullité, notamment en cas d’indétermination du prix.
- les conditions de mise en oeuvre de la clause et la faculté de solliciter son exécution forcée.
L’effectivité du pacte d’associé nécessite ainsi une rédaction détaillée et méticuleuse, puisque toute imprécision pourra être exploitée par les associés concernés pour remettre en cause leur engagement.
Les cas de déclenchement des clauses, les formules de calcul du prix et les conditions d’exécution des clauses seront analysées en détail par les avocats en présence ; les imprécisions ou omissions qui paraissaient anodines à la signature du pacte d’associés pourront alors avoir un impact décisif sur l’issue du litige.
Expérience des avocats associés
Paul Messié et Yann Billand, avocats associés spécialisés en droit des affaires, assistent des groupes de renom dans leurs prises de participations au capital de sociétés, ainsi que des fondateurs et investisseurs (fonds et business angels) dans des opérations de private equity (small cap et mid cap). Les avocats interviennent aussi pour la résolution des contentieux liés à l’exécution des pactes d’associés.
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