Les statuts de nombreuses sociétés imposent l’obtention du consentement des associés en cas de transfert de titres par l’un d’eux, selon une procédure déterminée. Légale ou conventionnelle, cette procédure doit être respectée afin que le transfert envisagé puisse être valablement réalisé.
Notre cabinet d’avocats vous propose une présentation pratique des procédures d’agrément et de leur champs d’application dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL), sociétés par actions simplifiée (SAS) et société anonyme (SA).
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Sommaire
Définition et intérêt des clauses d’agrément
Définition
L’agrément est la procédure par laquelle les associés d’une société approuvent ou refusent la cession ou la transmission de titres (parts sociales pour les SARL ou d’actions ou autres valeurs mobilières pour les SAS et SA) à une personne, et ainsi approuver ou refuser l’admission de nouveaux associés ou à l’accroissement de la participation d’associés existants. Cette clause n’est pas applicable en présence d’une SASU ou d’un EURL.
Intérêts des clauses d’agréments
L’intérêt de la mise en place d’une telle procédure est d’assurer aux associés présents dans la société un contrôle de « l’actionnariat » de la société et de permettre le choix de leurs futurs associés.
Cette procédure est légalement imposée dans les SARL lorsque l’acquéreur pressenti est un tiers non associé et facultative s’il est associé ou est un membre de la famille du cédant (article L. 223-14 du Code de commerce).
Dans les sociétés par actions (SAS et SA), le principe de l’agrément n’est pas obligatoire : les associés décident librement de sa mise en place par des stipulations statutaires ou extra-statutaires (pactes d’associés ou d’actionnaires). Pour les raisons détaillées ci-après, nos avocats recommandent d’insérer ces stipulations dans les statuts.
Le formalisme des clauses d’agréments
La clause d’agrément doit-elle figurer dans les statuts ?
La forme nécessairement statutaire pour les SARL
Au terme des dispositions du Code de commerce (notamment de son article L. 223-14), la clause d’agrément doit nécessairement figurer dans les statuts de la SARL (à l’exclusion de tout autre convention). Cette obligation vaut tant pour le principe même de l’agrément obligatoire pour les tiers que pour ses aménagements (option pour une majorité plus forte ou pour l’extension de la procédure aux cessions entre associés ou membres de leur famille).
L’option statutaire ou extra-statutaire pour les SA et SAS
Le Code de commerce présente la procédure d’agrément comme une simple faculté pour les SA et les SAS et la jurisprudence admet largement que ces clauses d’agrément puissent figurer dans un acte extra-statutaire (voir par exemple, Cass. com., 28 avr. 2004).
Néanmoins, nos avocats recommandent de prévoir cette procédure dans les statuts pour renforcer l’efficacité du dispositif et son opposabilité à la société. Par ailleurs, cette clause n’ayant pas vocation à être confidentielle, de par sa nature et le but qu’elle poursuit, aucune raison particulière ne pousse à la faire figurer dans un pacte plutôt que dans les statuts.
Quelles règles de majorité pour introduire ou modifier une clause d’agrément dans les statuts ?
Une clause d’agrément statutaire ne pourra être ajoutée ou modifiée en cours de vie sociale qu’à la majorité requise pour la modification des statuts.
Pour les SA et les SARL, l’ajout ou la modification devra être fait à condition d’obtenir la majorité qualifiée requise pour les décisions prises en assemblée générale extraordinaire (3/4 des voix pour les SARL, 2/3 pour les SA).
Pour les SAS, l’ajout ou la modification d’une clause d’agrément sera effectué par une décision prise collectivement par les associés dans les conditions et formes prévues par les statuts (articles L. 227-19 et L. 227-14 du Code de commerce). Les statuts de la SAS peuvent en effet aménager les majorités requises pour les décisions devant être prises par les associés.
Les formalités de publications des clauses d’agrément statutaires
Les clauses d’agrément statutaires doivent faire l’objet d’une publicité légale spécifique au moment de leur insertion dans les statuts. L’article R. 201-4 impose en effet de mentionner dans un avis publié dans un journal d’annonces légales « l’existence de clauses relatives à l’agrément des cessionnaires d’actions et la désignation de l’organe social habilité à statuer sur les demandes d’agrément ».
Quelles sont les opérations visées par clauses d’agrément ?
Les transferts, cessions et donations
Généralement, les clauses d’agrément visent les transferts, cessions et donations de titres.
La clause d’agrément est une clause venant restreindre la liberté de cession du propriétaire des titres ; comme toutes les clauses restrictives de cession, elles sont interprétées strictement par les juges et les termes généraux de « cession » ou « transferts » ne couvrent pas toutes les opération. Une cour d’appel a pu par exemple refuser d’appliquer aux opérations de fusion une clause statutaire d’agrément applicable au « transfert d’actions à un tiers non-actionnaires de la société à quelque titre que ce soit« .
Ainsi, nos avocats recommandent vivement de décrire avec le plus de précision possible et de façon exhaustive les opérations visées.
En pratique, la clause devra donc viser toute opérations à titre onéreux ou gratuit entraînant le transfert de titres, notamment les cessions, échanges, apports, fusions, donations et nantissements.
Nantissements de titres et clauses d’agrément
En pratique, la question de se pose régulièrement de savoir s’il est possible de consentir un nantissement en présence d’une clause d’agrément ? En effet, le nantissement peut avoir pour effet le transfert des titres nantis au profit du bénéficiaire en l’absence de paiement de la créance garantie. Quelles règles s’appliquent ?
Selon la jurisprudence, si la clause d’agrément ne vise pas expressément les nantissements, un nantissement pourra être librement consenti sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’accord des autres associés (Cass. 2ème civ., 2 déc. 2010).
La clause doit dont être précise et doit prévoir expressément que la constitution d’un nantissement des titres doit être soumis à la procédure d’agrément. Dans un tel cas, un refus d’agrément du nantissement par la société n’empêchera pas la constitution du gage en elle-même, mais il affaiblira considérablement la sûreté, l’éventuelle réalisation du gage (le transfert des titres) étant également soumise à l’agrément de la société.
Si la société a donné son consentement à un projet de nantissement de titres, ce consentement emportera agrément du cessionnaire en cas de réalisation forcée des titres nantis, à moins que la société ne préfère, après la cession, racheter sans délai les actions en vue de réduire son capital (selon l’article L.228-26 du code de commerce, applicable aux sociétés par actions (SA et SAS) et ‘article L. 223-15, applicable aux SARL).
Quel agrément pour les héritiers du vendeur ?
Selon l’article L. 223-13 du code de commerce, les parts sociales de SARL sont librement transmissibles par voie de succession ou en cas de liquidation de communauté de biens entre époux et librement cessibles entre conjoints et entre ascendants et descendants.
Les statuts peuvent cependant prévoir une procédure d’agrément supplémentaire pour le conjoint, un héritier, un ascendant ou un descendant (en plus de la procédure d’agrément obligataire pour les tiers). Ces cessionnaires ne pourront alors devenir devenir associés qu’après avoir été agréés avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Cette procédure supplémentaire doit obligatoirement figurer dans les statuts.
Dans les SA, l’agrément des héritiers ne peut pas être prévu par les statuts mais peut en revanche être stipulé dans un pacte d’associés.
Pour les SAS, l’agrément peut être prévu tant par les statuts que dans un pacte.
Lorsque la société continue avec les seuls associés survivants, ou lorsque l’agrément a été refusé à l’héritier, celui-ci a droit à la valeur des droits sociaux. Si l’indemnité qui leur est accordé en contrepartie de son éviction est très inférieure à la valeur réelle des titres au jour du décès, il sera fondé à agir en justice.
Les ayants-droit désignés par la loi peuvent donc revendiquer la qualité d’associé si aucune clause dans les statuts de la société ne les en empêche.
Procédure de l’obtention de l’agrément
Schéma d’une procédure d’agrément
La procédure d’agrément pour les SARL
Déroulement de la procédure d’agrément dans les SARL
L’associé souhaitant céder ses parts sociales doit notifier la société et chacun des autres associés du projet de cession, et notamment indiquer l’identité du potentiel acquéreur. Les associés ont alors trois mois pour accepter ou refuser l’agrément, par la tenue d’une assemblée générale.
Si la société ne se prononce pas dans ce délai et reste silencieuse, l’agrément est réputé donné. Si la société agréé le cessionnaire, la cession peut être réalisée.
En cas de refus par les associés d’agréer le cessionnaire, les associés doivent acquérir ou faire acquérir les titres par un tiers de leur choix, ou la société peut racheter les titres du cédant et procéder à une réduction du capital social.
Si, à l’expiration du délai imparti, aucune des solutions prévues ci-dessus n’est intervenue, l’associé cédant peut réaliser la cession initialement prévue.
Principe et aménagements limités d’une procédure d’ordre public
Le principe et les modalités de l’agrément d’un tiers par les associés de SARL est obligatoire et d’ordre public. L’agrément est seulement facultatif lorsque la cession est réalisée au profit d’un autre associés ou un parent du cédant.
Qu’il soit d’ordre public ou facultatif, l’agrément doit être donné par la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Il y a donc une double majorité à respecter (en nombre d’associés et en détention de capital).
Enfin, l’agrément doit être exprès : il n’est pas possible d’agréer tacitement un nouvel associé.
La procédure d’agrément pour les SA
Déroulement de la procédure dans les SA
L’article L. 228-4 du Code de commerce décrit clairement le déroulement de la procédure d’une clause d’agrément lorsqu’une telle clause est stipulée dans les statuts :
- La demande d’agrément est notifiée à la société. Cette notification doit notamment indiquer l’identité du cessionnaire, le nombre de titres et le prix proposé.
- L’agrément résulte, soit d’une notification, soit du défaut de réponse dans un délai de trois mois à compter de la demande.
- Si le cessionnaire proposé n’est pas agréé par la société, le conseil d’administration ou le directoire, selon le cas, est tenu, dans le délai de trois mois à compter de la notification du refus, de faire acquérir les actions, soit par un actionnaire ou par un tiers, soit, avec le consentement du cédant, par la société en vue d’une réduction du capital.
- Si, à l’expiration de ce délai de trois mois, la cession n’est pas réalisée, l’agrément est considéré comme donné (ce délai peut toutefois être prolongé par décision de justice à la demande de la société.
Aménagements possibles
La procédure d’agrément dans les SA peut être aménagée avec plus de souplesse que pour les SARL. En pratique, les aménagements suivants reviennent souvent :
- limitation du périmètre de la clause d’agrément à une catégorie de titres particuliers (à une classe d’actions particulières par exemples) ou à certains types de cessionnaires (aux ressortissants de certains états par exemple, hors UE) ;
- choix de l’organe de la société décidant de l’agrément : il peut être possible de donner cette compétence à l’assemblée générale des actionnaires, le conseil d’administration ou de surveillance, directeur général, directoire ou tout autre organe ou comité) ;
- détermination en amont d’une liste de potentiels acquéreurs à qui les titres seront proposés en priorité en cas de refus d’agrément par l’organe décisionnaire.
Au delà des aménagements possible, la procédure d’agrément prévue par les statuts doit être scrupuleusement respectée, la jurisprudence retenant une appréciation stricte d’une telle procédure.
Il n’est, par ailleurs, pas possible de soumettre l’agrément à une condition suspensive, la société n’ayant d’option qu’entre une acceptation pure et simple et un refus l’obligeant à racheter les titres concernés (Cass. com., 17 janv. 2012). Nos avocats recommandent plutôt de soumettre la réalisation d’une cession à la condition suspensive de l’obtention de l’agrément par la société (une telle condition suspensive est généralement stipulée dans le contrat de cession d’actions).
La procédure d’agrément pour les SAS
L’article L. 227-14 du Code de commerce indique que les statuts de la SAS peuvent « soumettre toute cession d’action à l’agrément préalable de la société« , sans détailler une procédure comme pour les SARL et les SA.
Ainsi, c’est les associés qui détermineront dans les statuts les modalités et conditions de l’obtention de l’agrément, et notamment :
- l’organe compétent pour prendre la décision de l’agrément : il pourra s’agir du président de la SAS, de l’assemblée des associés, ou encore, le cas échéant, d’un organe de direction qui serait en place (comité de direction, conseil de surveillance, etc.) ;
- Les informations devant figurer dans la demande d’agrément (nombre de titres cédés, identité de l’acquéreur pressenti, etc.) ;
- Les modalités de notification et le délai de réponse à respecter par l’organe social chargé de délibérer sur l’agrément ;
- Les conséquences encourues en cas de non-délibération sur l’agrément qui a été préalablement demandé (agrément réputé acquis ou réputé refusé).
Eu égard au manque de jurisprudence certaine en la matière, nos praticiens recommandent de prévoir des dispositions proches des règles applicables aux SA afin de prévenir la nullité d’une clause d’agrément trop imprécise ou trop originale.
Effets de la clause d’agrément
Effets pratiques et juridiques de la clause d’agrément
L’obtention de l’agrément va permettre aux parties de valablement réaliser la cession : en pratique, le cessionnaire demandera au cédant de lui transmettre la preuve de l’agrément (copie du procès-verbal constatant l’agrément) et de déclarer, dans l’acte de cession, que toutes les procédures relatives à l’obtention de l’agrément ont bien été respectées. Une telle garantie lui permettra ainsi de se retourner contre le cédant si la procédure était entachée d’une irrégularité et que les titres ne pouvaient in fine lui être délivrés.
A l’inverse, la société ne pourra pas retranscrire dans les comptes d’associés et le registre des mouvements de titres une cession intervenue en dépit d’un agrément refusé (voir ci-dessous).
Tant que l’agrément n’a pas été valablement donné, la cession n’est pas réalisée et le cédant reste donc associé : il conserve en conséquence l’ensemble de ses droits et obligations en sa qualité d’associé et peut notamment participer au vote portant sur la décision d’agrément.
Par ailleurs, les associés ne peuvent pas contester le prix versé lorsque le cessionnaire a été agréé, l‘agrément portant sur la personne et non sur le prix.
Il convient également de noter qu’une abstention fautive de la société ou des dirigeants ayant pour objet d’empêcher la cession peut être de nature à engager leur responsabilité.
Effets de la violation d’une clause statutaire d’agrément
Toute cession intervenue en violation d’une clause d’agrément figurant dans les statuts est nulle.
La règle est expressément énoncées aux articles L. 228-23 du Code de commerce pour les SA et L. 227-15 pour les SAS (lequel dispose que toute cession intervenue en violation des statuts est nulle) et est également applicable aux SARL (Cass. Com., 21 mars 1993). Cette nullité légale confèrent aux clauses statutaires un intérêt certain par rapport à des clauses stipulées dans des pactes d’associés.
En cas de violation d’une telle clause, le délai pour agir et contester la cession est de 3 ans ; une telle action n’est d’ailleurs acceptée que par les associés dont le consentement était requis.
Avocats à votre service
Spécialisés en droit des sociétés, nos avocats restent à votre disposition pour vous fournir tout conseil ou vous assister dans tout pré-contentieux ou contentieux liés à mise en place où l’interprétation d’une clause d’agrément.
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