La Cour de cassation a récemment jugé qu’une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif d’une société en liquidation judiciaire peut être imputée à son « dirigeant personne morale » ainsi qu’à son représentant permanent (Cass. com 8 janvier 2020, n° 18-15.027, P+B). Nos avocats d’affaires reviennent sur cette décision.
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La notion de « dirigeant personne morale »
Une société peut, dans certains cas, être dirigée ou administrée par une autre société : le mandataire social ne sera pas une personne physique mais une personne morale. La société qui a été nommée mandataire social (dirigeant ou administrateur) va alors désigner une personne physique chargée d’agir en son nom et de la représenter pour les besoins de la direction ou l’administration de la société dont elle est légalement mandataire social.
Dans la plupart des cas, le représentant permanent du « dirigeant personne morale » est son propre dirigeant (Président, Directeur général, Gérant, etc.). Il peut également s’agir d’une autre personne physique désignée à cet effet.
Cette situation se présente notamment dans les sociétés par actions simplifiées (SAS) où le président et/ou le directeur général peuvent être une personne morale, et dans les sociétés anonymes (SA), en ce qui concerne les membres du conseil d’administration ou de surveillance.
Ainsi, selon l’article L. 225-20 alinéa 1 du Code de commerce, une personne morale peut être nommée administrateur d’une SA ; cette personne morale administrateur est alors tenue de désigner un représentant permanent, étant précisé que ce dernier « encourt les mêmes responsabilités civile et pénale que s’il était administrateur en son nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu’il représente« .
Par ailleurs, la responsabilité pour insuffisance d’actif – encourue sur le fondement de l’article L. 651-2 du Code de commerce – est notamment applicable aux dirigeants d’une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective et aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales.
Dans la présente affaire qui lui était soumise, la Cour de cassation a appliqué ces dispositions et retenu que « lorsqu’une société anonyme débitrice est dirigée par une personne morale qui a désigné un représentant permanent, la faute de gestion susceptible d’engager la responsabilité pour insuffisance d’actif de ce dirigeant peut être caractérisée indifféremment à l’égard de celui-ci ou à l’égard de son représentant permanent« .
En l’espèce : le « dirigeant personne morale » était actionnaire majoritaire
En l’espèce, un groupe, opérant dans l’industrie cinématographique, comptait parmi ses filiales une société anonyme A ayant pour actionnaire majoritaire et administrateur une société B, dirigée par M. X, son représentant permanent au conseil d’administration de la société A. La société A avait été mise en redressement puis en liquidation judiciaire.
Le liquidateur avait assigné en responsabilité pour insuffisance d’actif la société B en qualité de dirigeant de fait et de droit et M. X en qualité de représentant permanent de celle-ci, considérant que les opérations de la procédure collective avaient mis en évidence diverses fautes de gestion (notamment non-paiement des cotisations sociales et fiscales, poursuite abusive d’une activité déficitaire, etc.). Le liquidateur assignait en outre M. X en prononcé d’une mesure de faillite personnelle ou d’une interdiction de gérer.
Condamnés par la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 13e ch., 20 févr. 2018, n° 16/090491), la société B et M. X formaient alors un pourvoi en cassation.
Les juges de la Cour de cassation, statuant sur la base des dispositions des articles L. 225-20 alinéa 1 et L. 651-2 du Code de commerce, ont approuvé la décision de la Cour d’appel de Versailles et ainsi rejeté le pourvoi.
La faute de gestion avait contribué à l’insuffisance d’actif
En l’espèce, le juges du fond avait constaté :
- une faute de gestion consistant en un défaut de paiement de l’important passif social et fiscal de la société A, notamment après la désignation de M. X, sans qu’il soit remédié à cette situation connue de la société B, dirigeant de droit : la cour d’appel, qui a imputé cette faute à ce dirigeant, a pu l’imputer aussi à M. X en sa qualité de représentant permanent ;
- une faute de gestion consistant dans la poursuite de la gestion déficitaire de la société A : cette situation ayant persisté après la nomination de M. X en tant que représentant permanent, la cour d’appel a pu retenir la faute de gestion à l’égard de ce dernier ;
- une faute de gestion consistant dans le fait d’effectuer des avances conduisant à la ruine de la société mère et des filiales ayant effectué des apports : le mécanisme d’avances en compte courant ayant persisté après la désignation de M. X en tant que représentant permanent, la cour d’appel a pu retenir cette faute de gestion à l’égard de ce dernier.
D’où la condamnation de la société B, solidairement avec M. X à payer la somme de 3.500.000 euros au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif.
La sanction : interdiction de gérer du représentant permanent
Les juges du fond ont, par ailleurs, constaté que la société B avait sacrifié les intérêts de la société A en lui cédant une société en difficulté puis en lui consentant des avances ayant conduit à la vider de sa trésorerie, avant de lui retirer tout soutien financier malgré ses engagements en ce sens.
Les juges ont retenu à juste titre que M. X, représentant permanent avait favorisé la société B dans laquelle il était intéressé, puisqu’il en était le dirigeant et que celle-ci était l’actionnaire majoritaire de la société débitrice qui lui versait une rémunération : de tels faits, prévus et sanctionnés par l’article L. 653-4, 3° du Code de commerce justifient le prononcé d’une mesure d’interdiction de gérer de trois ans à son égard.
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