Les conventions de votes sont des conventions par lesquelles un ou plusieurs associés s’engagent à voter dans un sens déterminé lors de l’adoption des décisions collectives ou à consulter préalablement ses cocontractants sur le sens du vote à exercer ou sur l’abstention à réaliser.
Les conventions de votes sont des actes extra-statutaires qui peuvent être inclus dans un pacte d’actionnaires par exemple, ou résulter d’un autre document de nature contractuelle. Elles peuvent ainsi avoir pour objet des accords en terme de politique d’investissement, d’agrément de nouveaux associés ou encore de désignation du nouveau dirigeant.
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Sommaire
La validité des conventions de vote
Le principe de validité
Sont expressément prohibées les conventions consistant à céder son droit de vote contre un avantage en nature ou en numéraire. Une telle pratique est sanctionnée par l’article L.242-9 du Code de commerce aux termes duquel est puni « d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 9 000 euros le fait de se faire accorder, garantir ou promettre des avantages pour voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que le fait d’accorder, garantir ou promettre ces avantages ».
En conséquence, la convention de vote est valide pourvu qu’elle ne fasse jamais état d’une quelconque contrepartie pécuniaire ou en nature.
En outre, les conventions de vote ne peuvent être conclues pour une durée illimitée, conformément au droit commun des contrats.
Elles peuvent toutefois être conclues à durée indéterminée. Dans cette hypothèse, il peut y être mis fin unilatéralement en respectant un délai de préavis raisonnable à défaut de précisions dans de la convention de vote. Il est conseillé en pratique d’assortir la convention de vote d’un terme.
Les critères de validité
La loi étant quasiment muette quant à la validité des conventions de vote, les juges, au fil du temps, en précisent les critères.
En effet, si l’article L. 233-3, 2°, du Code de commerce envisage la nécessité, pour ces conventions, de ne pas être contraires à l’intérêt de la société, elles ne sont pas plus évoquées par ce Code. L’analyse des décisions rendues par les juges à ce sujet permet donc de dégager quelques critères de validité.
Par exemple, dans un arrêt Rivoire et Carret Lustucru, la Cour d’Appel juge que « constitue une atteinte structurelle au droit de vote des actionnaires rendant la société non viable » la convention de vote conclue pour organiser la répartition des postes au conseil de surveillance et au directoire, selon des modalités différentes de celles découlant de la répartition du capital.
Si la Cour de cassation refusa de statuer sur la validité de cette convention, elle déclare toutefois que l’accord « ne pouvait être qualifié de convention de vote tendant à dépouiller les actionnaires de leur droit ou à restreindre leur liberté dans des conditions illicites » et rappelle la nécessité d’accueillir favorablement les « conventions qui tendent à faciliter l’adoption d’une politique conforme à l’intérêt de la société et à celui des associés en prévoyant notamment une organisation du groupe ».
Dès lors, l’un des principaux critères de validité de la convention de vote serait sa conformité à l’intérêt social.
En outre, il est important que la convention de vote ne soit pas établie dans le dessein de contourner une règle impérative. Elle ne doit pas être conclue en vue de poursuivre des fins frauduleuses, illicites ou pour obtenir un avantageuse indu.
En d’autres termes, la convention est soumise au respect des règles d’ordre public. Par exemple, celle-ci ne peut pas porter atteinte au principe de libre révocabilité des dirigeants sociaux dans les sociétés anonymes.
Enfin, la convention ne doit pas avoir pour effet de supprimer totalement la liberté de vote des associés. Le droit de vote est inaliénable. C’est pourquoi, la convention par laquelle l’associé se prive de manière générale et permanente de son droit de vote est sanctionnée par la nullité.
Par exemple, sont jugées nulles les conventions de vote rédigées « en des termes très vagues et généraux, qui privent l’actionnaire de toute liberté d’appréciation et, de facto, du pouvoir de décision, (…) puisque ne portant pas sur des décisions précises » (Cour d’Appel de Lyon, 11 juin 2015).
La sanction de l’inexécution des conventions de vote
L’allocation de dommages et intérêts
En cas de vote en assemblée par un associé d’une délibération contraire à la convention de vote à laquelle il s’est engagée, une demande d’allocation de dommages et intérêts est souvent formée par le ou les associés lésés sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
A moins d’avoir prévu dans la convention le montant dû par le cocontractant qui ne respecterait pas ses obligations au titre de la convention de vote, celui-ci sera déterminé par le juge.
Il est conseillé aux parties d’une convention de vote d’y prévoir des dispositions incitatives au respect de celle-ci telles qu’une clause pénale ou une clause de « rachat forcé » des parts ou actions de l’associé fautif.
L’annulation de la décision
Les règles spéciales de droit des sociétés restreignent la nullité des décisions sociales, dans le but notamment de protéger les intérêts des tiers.
En découle le principe « pas de nullité sans texte », issu des articles 1844-10 du Code civil et L.235-1 du Code de commerce, lequel interdit au juge de faire droit à une demande d’annulation de décisions, dès lors que la nullité n’est pas prévue par un texte. Plus précisément, l’annulation d’une décision sociale suppose la violation d’une disposition impérative de la loi relative aux sociétés commerciales, relative au droit commun des sociétés ou aux lois qui régissent les contrats.
Or, aucun texte ne prévoit la nullité d’une décision sociale contraire à une convention de vote. Il apparaît donc l’impossibilité d’obtenir l’annulation d’une décision prise en méconnaissance d’une convention de vote.
L’exécution forcée
L’exécution forcée en nature d’une convention de vote impliquerait de solliciter l’intervention du juge pour parvenir à une décision conforme à l’engagement de vote.
Or, le juge ne dispose pas de tels pouvoirs et ne peut en aucun cas se prononcer à la place de l’associé, et ce même si ce dernier se prononce en méconnaissant la convention de vote à laquelle il est partie.
En revanche, rien ne s’oppose à ce que le juge condamne sous astreinte l’associé fautif à voter comme il s’y était engagé, avec toutefois le risque que cet associé persiste dans son manquement. C’est pourquoi, il est parfois préférable de demander au juge, en référé si besoin, de désigner un mandataire ad hoc pour voter en lieu et place de l’associé fautif.
Par exemple, dans un arrêt du 30 juin 1995, la Cour d’appel de Paris a approuvé le raisonnement du Tribunal de commerce de Créteil, d’avoir ordonné la convocation d’une nouvelle assemblée générale à l’effet de voter une augmentation de capital refusée par un actionnaire, contrairement à ses engagements au titre d’une convention de vote.
Pour conclure, la convention de vote apparaît comme un outil utile pour aménager les rapports entre associés d’autant plus qu’il existe des moyens pour remédier à son inexécution.
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