L’opération de leverage buy out (LBO) est génératrice de nombreux risques. En l’absence de garanties contractuelles associées à ce type d’opération, les parties doivent se référer aux protections légales présentées dans cet article.
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Sommaire
Qu’est-ce qu’une opération de LBO ?
Il s’agit d’une opération qui permet à une ou plusieurs personnes physiques ou morales d’acquérir une entreprise, la société cible. Pour ce faire, une société holding est créée la plupart du temps pour financer l’acquisition en ayant recours à l’emprunt lequel est ensuite remboursé grâce à l’amélioration de la trésorerie de la cible. C’est une logique dite d’effet de levier.
L’insuffisance des garanties légales au service du cessionnaire déçu
Les garanties propres au droit commun des contrats
L’erreur
Lorsque le cessionnaire dans le cadre d’un LBO est déçu, il peut dans un premier temps invoquer l’erreur. L’erreur ne peut être invoquée que lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la chose vendue au sens de l’article 1132 du Code civil. La qualité essentielle d’une part sociale, objet de la vente, est de disposer de pouvoirs sociaux. La personnalité morale de la société fait écran entre la qualité essentielle des titres et le patrimoine de la société.
Toutefois, la jurisprudence a accepté de sanctionner l’erreur sur les qualités substantielles des droits sociaux à la condition que la société soit dans l’impossibilité de poursuivre son activité économique et de réaliser son objet social (Cass. com., 1er oct. 1991, Quille).
La Haute Juridiction ne retient l’erreur en matière de cession de droits sociaux que si le cessionnaire a ignoré à la date de la cession, que la société dont les titres sont cédés n’était plus en mesure de poursuivre l’activité économique constituant son objet social. L’erreur du cessionnaire ne sera recevable que dans l’hypothèse où la société dont les titres sont cédés n’est plus en mesure d’exercer son activité ou de réaliser son objet social, en raison d’événements qui existaient au jour de la cession et qui n’étaient pas connus du cessionnaire. Une fois caractérisée, l’erreur est de nature à entraîner la nullité de la cession.
Le dol
Lorsque le cessionnaire est déçu du fait d’une erreur sur la valeur, l’invocation du dol présente un intérêt particulier puisque le dol prouvé par le cessionnaire permet de la faire valoir. La réticence dolosive offre en effet plus de possibilités au cessionnaire. Le dol est défini à l’article 1137 du Code civil comme un vice du consentement par lequel un cocontractant obtient le consentement de l’autre grâce à des manœuvres, des mensonges ou par la dissimulation intentionnelle d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
En principe, l’erreur sur la valeur n’est pas excusable (art. 1136 C. civ.). Or, l’erreur qui résulte du dol est toujours excusable et peut être sanctionnée même si elle ne porte que sur la valeur (art. 1139 C. civ).
Il revient dès lors au cessionnaire de prouver d’une part l’inadéquation entre le prix payé pour les titres sociaux et d’autre part des manœuvres dolosives de la part du cédant (Cass. Com., 12 mai 2015).
La réparation du préjudice du cessionnaire déçu reste toutefois limitée dans cette hypothèse en l’absence de garantie de passif. En effet, dans un arrêt du 10 juillet 2012, la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que le préjudice réparable d’un cocontractant, qui a fait le choix de ne pas demander l’annulation du contrat, correspond, non à la perte d’une chance de ne pas contracter, mais uniquement à la perte d’une chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses.
La nullité de la cession demeure possible. Or, le cessionnaire n’y a pas toujours intérêt.
Les garanties propres au droit commun de la vente
La garantie des vices cachés
Les articles 1641 et suivants du Code civil sont consacrés à la garantie des vices cachés. Le cessionnaire déçu ne peut s’en prévaloir qu’en cas d’impossibilité pour la société de poursuivre son activité. Il a la liberté de choisir entre une action estimatoire et rédhibitoire. De la même manière que pour l’erreur, il faut distinguer le vice concernant le patrimoine de la société et le vice affectant les titres sociaux. La personnalité morale fait encore écran.
Par conséquent, la Cour de cassation fait preuve d’une grande rigidité. Elle exige que la société soit dans l’impossibilité de réaliser son objet social ou d’avoir une quelconque activité économique (Cass. com., 12 déc. 1995). À défaut, la garantie des vices cachés n’est pas invocable par le cessionnaire.
Lorsque l’invocation de la garantie des vices cachés par le cessionnaire déçu est un succès et conformément à l’article 1644 du Code civil, le cessionnaire dispose de deux options de réparation. D’une part, il peut réaliser une action estimatoire ; il garde la chose et se fait rendre une partie du prix. D’autre part, il peut réaliser une action rédhibitoire ; il rend la chose et se fait restituer le prix.
La garantie d’éviction
Les articles 1626 et suivants du Code civil sont consacrés à la garantie d’éviction. La garantie d’éviction s’applique à toutes les ventes d’un droit de propriété corporel ou incorporel (Cass. 1ère civ., 7 avril 1998) et elle permet d’interdire au cédant d’une société de la concurrencer postérieurement à la cession. Autrement dit, elle oblige le cédant à garantir la jouissance paisible du bien vendu au cessionnaire.
Dans le cadre d’une cession de droits sociaux, le cédant ne pourra pas accomplir d’actes de nature à constituer des reprises ou des tentatives de reprise du bien vendu ou des atteintes aux activités exercées par la société dont les titres sont cédés. Cette interdiction doit néanmoins être limitée dans le temps et dans l’espace afin de ne pas interdire la reprise de toute activité économique au cédant postérieurement à la cession de droits sociaux. La Cour de cassation a tendance à protéger la liberté du commerce et la liberté d’entreprendre du cédant.
En matière de garantie d’éviction, la Cour de cassation est stricte. Depuis l’arrêt Ducros de 1997 rendu par sa chambre commerciale, elle exige que le rétablissement du cédant soit de nature à empêcher le cessionnaire de poursuivre l’activité économique de la société et de réaliser l’objet social de la société.
La Cour de cassation limite la portée de la garantie d’éviction en réalisant un contrôle de proportionnalité entre la liberté d’entreprendre du cédant et le droit de propriété du cessionnaire. Par exemple, dans un arrêt du 10 novembre 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation considère que la création d’une société par le cédant, trois ans après la cession, dans le même domaine d’activité que celui dont les titres ont été cédés n’est pas de nature à permettre la mise en œuvre de la garantie d’éviction. Il résulte donc de cet arrêt que les juges d’appel doivent apprécier le temps écoulé entre la cession et le rétablissement du cédant.
Pour conclure, face aux insuffisances des garanties légales dont peut bénéficier le cessionnaire déçu dans le cadre d’un LBO, il est d’une importance cruciale de prévoir des garanties conventionnelles de nature à lui assurer une protection optimale.
Si vous envisagez de vous lancer dans une telle opération et que vous souhaitez être accompagné, vous pouvez contacter le cabinet d’avocats d’affaires Billand & Messié pour bénéficier de conseils adaptés à votre situation.
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