La conception d’un projet entrepreneurial s’étend dans le temps, depuis les premières idées jusqu’à la concrétisation. Ainsi, il est courant que des créateurs d’entreprise concluent des conventions relatives à l’activité projetée. Or, conformément au principe d’effet relatif du contrat, le cocontractant de l’associé n’a pas de lien contractuel avec la personne morale nouvellement créée. Il est naturel de souhaiter que le contrat conclu avant la constitution de la société engage cette dernière dès qu’elle a acquis la personnalité morale.
Pourquoi vouloir réaliser une reprise d’acte ?
Si la société ne reprend pas l’acte, l’associé est engagé personnellement et la société ne peut déduire de son bénéfice imposable les coûts du contrat. Lorsque l’acte est repris, il est réputé avoir été accompli dès l’origine par la société. Les personnes qui avaient accompli l’acte sont libérées et sont réputées n’avoir jamais été parties à l’acte.
Sources du droit
Les articles 1843 du Code civil et L. 210-6 du Code de commerce disposent que les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation (avant son immatriculation) sont tenues des obligations nées des actes accomplis : avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. Les textes ajoutent que la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits.
La reprise d’acte doit être anticipée par l’entrepreneur ; quelles sont les conditions d’un tel mécanisme ? Quelles sont ses modalités ? Explications.
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Sommaire
Conditions de la reprise
Les conditions de la reprise d’actes réfèrent à la société et à l’acte.
Conditions relatives à la société
La société devait être en formation lorsque l’acte a été conclu et elle doit avoir acquis la personnalité morale le jour de la reprise d’acte.
Une société en formation
La société doit être en formation. Il est des situations où la phase de formation s’éternise, où les fondateurs ne demandent l’immatriculation que tardivement. Dans ces circonstances, le régime de la société de fait peut être substitué à celui de la société en formation (Cass. com., 26 mai 2009). La reprise de l’acte n’est donc plus possible.
Une société dont la personnalité morale est acquise
Il est nécessaire de disposer de la personnalité juridique afin d’être partie à un contrat. L’article 1842 du Code civil énonce que les sociétés jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. Donc, la reprise d’acte ne peut avoir lieu qu’une fois l’immatriculation au RCS réalisée.
Conditions relatives à l’acte
L’acte repris doit être un acte d’engagement qui a été souscrit au nom et pour le compte de la société en formation.
Un acte d’engagement
Les actes repris doivent être des actes d’engagement. Sont ainsi exclus les faits délictuels. Une difficulté est posée concernant les actes de la procédure. Celle-ci doit en effet être menée en nom propre devant les tribunaux ; la reprise ne peut probablement pas être faite. Sont néanmoins admis à la reprise par la jurisprudence quelques rares actes procéduraux (e. g. déclaration de surenchère).
Un acte souscrit au nom et pour le compte de la société en formation
L’acte que la société souhaite reprendre doit avoir été souscrit dès l’origine « au nom et pour le compte de la société [insérer le nom de la société] en formation ». Cette mention doit nécessairement apparaître sur la convention. La jurisprudence fait preuve d’une grande rigidité sur cette condition. La ratio legis derrière cette exigence est la protection des tiers. Les juges souhaitent que les contractants soient informés de la substitution de débiteur à venir.
Modalités de la reprise
Il existe trois modalités permettant de reprendre un acte souscrit au nom et pour le compte de la société en formation ; deux automatiques et une volontaire. Des textes réglementaires encadrent leur régime (art. 6 décr. 3 juil. 1978 ; art. R. 210-5 et s. décr. 23 mars 1967). La jurisprudence insiste sur le fait que ces trois modalités de reprise des actes sont limitatives.
La reprise automatique des actes
Permettent la reprise automatique des actes au bénéfice de la société nouvellement constituée :
– l’état des actes annexé aux statuts ;
– le mandat spécial.
Modalité 1 – L’état des actes
L’état des actes consiste à lister dans un document annexé aux statuts l’ensemble des actes pris au nom et pour le compte de la société en formation.
La reprise d’acte sera effective le jour de l’immatriculation.
Modalité 2 – Le mandat
Les associés peuvent donner mandat souvent à un gérant ou un tiers de conclure des actes pendant la formation de la société. La reprise sera automatique le jour de l’immatriculation. Le mandat doit être spécial ; le mandat général est impuissant à permettre une reprise d’acte. Tant que la société n’est pas immatriculée, les mandants et mandataires sont tenus par les règles du mandat.
Les juges de cassation ont précisé que la reprise des engagements contractés au nom d’une société en formation peut résulter d’un mandat donné par l’ensemble des associés postérieurement à ces engagements, mais antérieurement à l’immatriculation (Cass. com., 1er juil. 2008).
La reprise volontaire des actes
La reprise volontaire des actes de la société en formation est réalisée grâce à une procédure dite de « reprise balais ». Une reprise tacite de l’acte est impossible.
Modalité 3 – la reprise balais
La reprise balais correspond à une décision des associés de reprise du ou des actes pris au nom et pour le compte de la société en formation. Cette décision est prise à la majorité simple à moins que les statuts prévoient une majorité plus importante.
L’impossible reprise tacite
Les trois modalités de reprise des actes énoncées par les règlements étant limitatives, le fait pour une société d’exécuter volontairement un acte qui n’a pas fait l’objet d’une reprise ne permet pas de considérer l’existence d’une reprise implicite ou tacite.
Pour conclure, il est utile pour les entrepreneurs de connaître la procédure de reprise des actes souscrits au nom et pour le compte de la société en formation. En effet, ce mécanisme juridique permet la continuité des relations contractuelles nécessaire au bon fonctionnement de la société.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur les conditions et les modalités de la reprise d’acte, vous pouvez contacter le cabinet d’avocats d’affaires Billand & Messié afin de bénéficier de conseils personnalisés.
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