Les négociations sont par nature libres. L’article 1102 du Code civil dispose d’ailleurs que chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. Aussi, l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres (art. 1112 C. civ). Autrement dit, celui qui s’engage dans une négociation dans la perspective, par exemple, d’acquérir des actions, n’est pas tenu de conclure le contrat négocié.
Les limites à la liberté des négociations
Toutefois, toute liberté emportant des responsabilités, le Code civil rappelle que les contrats sont négociés de bonne foi (art. 1104 C. civ.) et que la rupture des négociations précontractuelles doit impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi (art. 1112 C. civ.).
Le risque de la responsabilité extracontractuelle
Donc, il est des hypothèses ou les juges peuvent qualifier d’abusive ou de fautive la rupture des pourparlers, engageant alors la responsabilité civile extracontractuelle de la partie auteure de la rupture (Cass. com. 20 mars 1972).
Afin de sécuriser vos négociations, nous vous proposons de découvrir quelles sont les hypothèses de rupture abusive des négociations et comment s’en prémunir.
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Sommaire
Les fondements de la rupture abusive des pourparlers
Une rupture abusive des pourparlers entraîne la responsabilité délictuelle ou contractuelle de son auteur.
La responsabilité délictuelle
Conformément à l’article 1240 du Code civil, engage sa responsabilité extracontractuelle la personne qui commet une faute qui cause un dommage à autrui.
La faute
Intention de nuire
La rupture des négociations doit être fautive. Il ne faut pas confondre la faute avec le manquement au devoir de bonne foi. En effet, l’intention de nuire, si elle permet de caractériser une faute, n’est pas une condition nécessaire.
Faute simple
Par exemple, dans un arrêt du 12 septembre 1993, les juges de cassation ont décidé que la légèreté du comportement de celui qui rompt les négociations est suffisante pour caractériser une faute simple.
Le dommage
Existence d’un dommage
La rupture fautive des pourparlers doit générer un préjudice subi par la partie victime de la rupture. C’est à elle qu’incombe la charge de prouver le dommage.
Préjudice indemnisable
Le préjudice indemnisable ne peut être la perte de chance d’obtenir les avantages du contrat. Il s’agit le plus souvent du montant des dépenses engagées inutilement dans le cadre des négociations. Nous vous invitons à lire l’article que nous avons rédigé sur ce sujet.
Le lien de causalité
Le demandeur doit prouver l’existence d’un lien causal entre son dommage et la faute de la partie qui a rompu les négociations.
La responsabilité délictuelle
La responsabilité pour rupture abusive des négociations peut être délictuelle lorsqu’est rédigé un contrat de pourparlers. Nous vous invitons à lire l’article que nous avons rédigé sur cette convention spécifique.
Le contrat de pourparlers
Moins fréquemment, les parties peuvent encadrer légalement leurs pourparlers dans un « contrat de pourparlers ». Ce document peut préciser les conditions de rupture des discussions menant à la conclusion d’un contrat. Ainsi, toute violation de ces conditions engage la responsabilité contractuelle en vertu de l’article 1231-1 du Code civil.
Clause pénale
Dans une perspective de prévisibilité juridique, les parties sont libres de stipuler une clause pénale qui détermine à l’avance le montant des dommages et intérêts dus par la partie qui ne rompt pas les pourparlers conformément aux stipulations prévues.
Les caractéristiques d’une rupture abusive des pourparlers
La qualification de la faute est une question de fait. Or, les juges de la Cour de cassation ne contrôlent que les questions de droit – les questions de fait relevant du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond (première instance et appel). Classiquement, trois circonstances participent à la formation d’un faisceau d’indices permettant de qualifier l’existence d’une rupture abusive des négociations.
L’état d’avancement des négociations
L’avancement des négociations se traduit pour les juges du fond par une diminution de l’aléa. L’importance de la durée est fonction de l’enjeu des négociations.
Une diminution de l’aléa
Plus les négociations sont longues, moins l’aléa des négociations est généralement fort. La probabilité de la conclusion du contrat peut augmenter en fonction de la durée des négociations. Les juges cherchent à déterminer si la négociation était « sur le point d’aboutir ».
L’enjeu des négociations
Bien souvent, l’importance de la durée des négociations est fonction du montant en jeu dans l’opération. Par exemple, la cour d’appel de Rouen a pu considérer qu’une durée de sept mois était courte, compte tenu de l’importance de l’opération projetée estimée à 9 millions d’euros.
La croyance légitime en la conclusion du contrat
Deux hypothèses classiques sont régulièrement rencontrées.
Poursuite injustifiée des négociations
D’une part, celle où une partie poursuit les négociations alors même qu’elle est décidée à ne pas conclure le contrat. La Cour de cassation, dans un arrêt du 20 mars 1972, a considéré comme une faute le comportement de la société qui a brutalement interrompu les négociations alors qu’elle avait volontairement maintenu son partenaire dans une incertitude prolongée.
Conclusion d’un contrat avec un tiers
D’autre part, celle du maintien des négociations alors même qu’un contrat a été conclu avec un tiers. Ainsi, négocier une cession de titres sociaux puis les vendre à un tiers sans en avertir son partenaire – alors que les négociations étaient avancées – constitue une rupture abusive des pourparlers.
La rupture brutale des pourparlers
En tout état de cause, les juges du fond prennent en considération le caractère plus ou moins brutal de la rupture des pourparlers pour caractériser l’existence d’une faute. Par exemple, mettre un terme à des négociations déjà avancées par un simple appel téléphonique et sans donner d’explication peut être considéré abusif (Cass. com., 20 mars 1972).
Vous savez désormais pourquoi il est essentiel de veiller à ce que la rupture des négociations soit réalisée de bonne foi. En l’absence de convention de pourparlers, les juges sont souverains quant à l’appréciation de la faute. C’est pourquoi il est recommandé de mettre fin à aux négociations avec diligence.
Si vous souhaitez obtenir davantage d’informations sur la rupture abusive des pourparlers ou que vous souhaitez être accompagné dans le cadre d’une opération en droit des sociétés, vous pouvez contacter le cabinet d’avocats d’affaires Billand & Messié pour bénéficier d’un accompagnement sur mesure.
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