D’une part, l’article 1832 du Code civil énonce que les associés constituent une société afin de partager le bénéfice qui en résulte. D’autre part, l’article 1844-1 du même code dispose qu’est réputée non écrite « la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société » ou « celle excluant totalement un associé du profit » ; il s’agit de la sanction des clauses léonines sur lesquelles nous avons rédigé un article spécifique.
À la lumière de ces textes législatifs, il semble impossible qu’un associé soit privé de dividendes. Aussi, il est contre-intuitif de penser qu’un associé puisse souhaiter ne pas percevoir de dividendes.
Or, en pratique, les associés décident bien souvent de déroger au principe de répartition proportionnelle des dividendes. Nous vous proposons de découvrir dans cet article quels sont les caractères de la renonciation aux dividendes et quelles sont les conditions d’une telle décision.
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Sommaire
Caractères de la renonciation aux dividendes
La renonciation aux dividendes se caractérise classiquement par un abandon de créance. La portée de la renonciation peut varier.
Un abandon de créance
La renonciation aux dividendes prend la forme d’un abandon de créance. Une distinction doit être réalisée avec les actions de préférence.
Définition de l’abandon de créance
À la clôture d’un exercice, si les documents comptables font apparaitre un résultat bénéficiaire ou des réserves distribuables, les associés peuvent décider de distribuer un dividende.
L’associé est alors créancier de la société. Le fait de renoncer à la perception du dividende s’analyse juridiquement comme un abandon de créance liquide, exigible et certaine.
Différence avec les actions de préférence
Un effet comparable
La renonciation au dividende ne doit pas être confondue avec le mécanisme des actions de préférence. Ces dernières peuvent aussi avoir pour effet de contrevenir au principe de distribution proportionnelle des dividendes.
Davantage de possibilités
L’article L. 228-11 du Code de commerce énonce que lors de la constitution de la société ou au cours de son existence peuvent être créées des actions de préférence assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent.
Ces « droits de toute nature » peuvent concerner les dividendes. Si les actions de préférences peuvent limiter le droit aux dividendes de l’associé, elles peuvent aussi le majorer. Est ainsi imaginable une action de préférence qui divise par deux ses dividendes – ou au contraire les double.
La portée de la renonciation aux dividendes
La renonciation aux dividendes de l’associé peut être partielle ou totale. En effet, l’associé pourrait décider de renoncer seulement partiellement à ses dividendes. Par exemple, si un associé possède 20% d’une société qui distribue 100 euros de dividende, il a la possibilité de percevoir entre 0 et 20 euros.
Aussi, si plusieurs associés renoncent à la perception d’un dividende, ils peuvent pour certains y renoncer partiellement et pour d’autres totalement.
Conditions à la renonciation aux dividendes
La renonciation aux dividendes n’est possible que si elle est exprès. Se pose également la question des conditions d’une renonciation anticipée de l’associé aux dividendes.
Le caractère exprès de la renonciation
La renonciation aux dividendes doit être exprimée par l’associé en assemblée générale. La jurisprudence refuse que la renonciation soit interprétée à partir d’un comportement.
Expression en assemblée générale
Dans un arrêt du 13 février 1996, la chambre commerciale de la Cour de cassation a décidé que l’article 1844-1 alinéa 2 du Code civil ne faisait pas obstacle à ce que les bénéfices distribuables d’un exercice clos soient répartis entre les associés, sous forme de dividendes, conformément aux renonciations exprimées par certains d’entre eux en assemblée générale.
Ainsi, était valide la résolution de l’AG de 1989 relative à la répartition des bénéfices de l’année 1988. Il résulte de cet arrêt que la renonciation aux dividendes est postérieure à la constatation d’un produit distribuable (v. infra pour la renonciation anticipée).
Rejet de l’interprétation d’un comportement
La chambre commerciale de la Cour de cassation a affirmé que si les statuts de la société prévoient une répartition des bénéfices égalitaire, à défaut de renonciation à les percevoir en assemblée générale par un associé, les statuts doivent être appliqués (Cass. com., 26 mai 2004).
Dans cet arrêt, un associé avait renoncé plusieurs années de suite à son droit aux dividendes. Alors qu’il ne participait plus aux assemblées générales – ne pouvant de fait exprimer sa renonciation positivement – aucun dividende ne lui a été distribué et il n’a formulé aucune contestation. Les juges ont refusé de considérer que ce comportement constituait une renonciation aux dividendes qui doit être exprès.
La renonciation peut-elle être anticipée ?
La jurisprudence n’a apporté aucune précision sur la possibilité d’une renonciation anticipée à la perception de dividende. Ce faisant, l’associé renoncerait non pas à une créance, mais à sa vocation aux bénéfices (art. 1832 C. civ.). La problématique des clauses léonines ressurgit alors. Il semble néanmoins qu’une renonciation anticipée soit envisageable si elle est limitée dans son montant ou dans le temps.
La renonciation limitée dans son montant
D’une part, il semble possible qu’un associé renonce de manière anticipée à son droit aux dividendes si cette renonciation est limitée dans son montant. Ce faisant, l’associé a une maîtrise parfaite de la portée de sa renonciation.
La renonciation limitée dans le temps
D’autre part, une renonciation anticipée serait possible dans la mesure où elle est limitée dans le temps. En effet, la renonciation serait encadrée et l’associé demeurait intéressé au bénéfice pour l’avenir. Compte de l’incertitude jurisprudentielle, il semble utile de préciser que la durée de renonciation devrait probablement être raisonnable, sans quoi une clause léonine pourrait être qualifiée.
Pour conclure, les associés peuvent déroger au principe de répartition proportionnelle des dividendes. En effet, ceux-ci peuvent renoncer à leur droit aux distributions. Aussi, une renonciation anticipée semble pouvoir être envisagée si elle est limitée dans le temps ou dans son montant.
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