Un sujet est essentiel dans le cadre d’une opération de cession d’actions : la détermination du prix. Celui-ci peut être déterminé suite à une évaluation de la société dont les titres sociaux font l’objet d’une cession. Les parties peuvent négocier et établir ensemble la clause de prix. Elles peuvent également recourir à un tiers qui le détermine.
Or, peuvent exister des situations où le prix de cession des actions ou parts sociales se révèle être insuffisant. Or, l’article 1169 du Code Civil dispose qu’un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire.
Il convient alors de déterminer dans quelles mesures un prix insuffisant peut représenter un risque pour l’existence du contrat de cession d’actions. Dans certaines circonstances, un prix insuffisant n’empêche pas l’exécution du contrat ; dans d’autres, il peut être frappé de nullité.
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Sommaire
Prix insuffisant et maintien du contrat
Deux situations méritent d’être soulignées. Celle du prix lésionnaire d’une part, celle du déséquilibre significatif d’autre part. Explications.
Un prix de cession peut-il être lésionnaire ?
Un prix lésionnaire désigne un prix anormalement bas ou injuste, souvent résultant d’une transaction déséquilibrée. En principe, le prix lésionnaire ne fait pas l’objet d’une sanction. Il existe toutefois une exception.
Principe : absence de prix lésionnaire
Absence de sanction du défaut d’équivalence
L’article 1168 du Code civil énonce que dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat.
L’article 1674 du Code civil précise toutefois qu’en matière immobilière si le vendeur est lésé de plus de sept douzièmes du prix d’un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente.
Qu’en est-il de la titrisation d’un immeuble
Une question s’est alors posée ; si le prix de vente de titres d’une société détenant à l’actif un immeuble est inférieur de plus de sept douzièmes du prix de cet immeuble, la cession de titres peut-elle être annulée sur le fondement de la lésion ? La Cour de cassation a répondu par la négative dans un arrêt de la troisième chambre civile du 9 avril 1970. Les juges ont expliqué que la nature mobilière des actions et parts sociales était un obstacle infranchissable à l’application de l’article 1674 du Code civil.
Exception : la lésion du mineur
La lésion peut être sanctionnée par la nullité du contrat dans deux hypothèses.
D’une part, l’article 1147 du Code civil énonce que les actes courants accomplis par le mineur peuvent être annulés pour simple lésion. Il précise immédiatement que la nullité n’est pas encourue lorsque la lésion résulte d’un événement imprévisible.
D’autre part, les actes accomplis par le majeur incapable dans le cadre d’une sauvegarde de justice peuvent être rescindés pour simple lésion ou réduits en cas d’excès (art. 435 C. civ.)
Le déséquilibre significatif dans les contrats d’adhésion
Le principe du déséquilibre significatif ne permet pas de sanctionner un prix de cession d’actions insuffisant. Nous vous expliquons pourquoi.
Le principe du déséquilibre significatif
L’article 1171 du Code civil dispose que dans les contrats d’adhésion, c’est-à-dire les contrats dans lesquels une partie impose les termes et conditions du contrat à l’autre, est réputée non écrite la clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Inapplication à la détermination du prix
Toutefois, il ne faut pas s’y méprendre ; le second alinéa du même article précise immédiatement que « l’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ».
Par conséquent, le prix de cession insuffisant ne peut être sanctionné sur le fondement de l’article 1171 du Code civil.
Prix dérisoire et nullité de la cession
La solution à l’insuffisant prix de cession d’actions ou de parts sociales est trouvée dans l’identification d’un « prix dérisoire ». La sanction est la nullité du contrat de cession.
Identification du prix dérisoire
La manière d’identifier un prix dérisoire diffère avant et après 2016. En tout état de cause, les juges du fond sont souverains.
Avant le 1er octobre 2016
Les juges identifiaient le prix vil ou dérisoire sur le fondement de l’article 1131 du Code civil qui consacrait la notion de « cause ». Si le prix était dérisoire, le vendeur ne trouvait plus de cause dans le fait de se dessaisir de ses titres (Cass. com., 22 mars 2016).
Après 1er octobre 2016
Après la réforme du droit des obligations supprimant la notion de cause, les juges se sont fondés sur l’article 1169 du Code civil selon lequel la contrepartie à un contrat onéreux ne peut être illusoire ou dérisoire.
Appréciation souveraine des juges du fond
La Cour de cassation a rappelé que l’appréciation des juges du fond était souveraine quant à la qualification d’un prix de cession vil ou dérisoire (Cass. 1e civ., 18 nov. 1997). Toutefois, quelques principes peuvent être mis en exergue.
Date de l’appréciation
Les juges du fond doivent apprécier le caractère dérisoire du prix en se plaçant au jour de la cession (Cass. com., 15 mars 2017).
Distinction de la valeur et du prix
Le seul fait que le prix de cession ne reflète pas la réelle valeur des titres ne permet pas de remettre en cause son caractère réel et sérieux (Cass. 1e civ., 18 nov. 1997).
Prise en compte de l’opération dans son ensemble
Pour apprécier le caractère dérisoire du prix, les juges doivent non seulement prendre en compte son montant, mais aussi l’ensemble des engagements pris par l’acquéreur (Cass. 3e civ,. 26 sept. 2007).
Nullité du contrat de cession
Les juges sanctionnent le contrat de cession d’actions ou de parts sociales par la nullité lorsque le prix de cession est dérisoire. Les titres sociaux doivent être retournés au cédant et le prix remboursé au cessionnaire.
Désormais, vous savez dans quelles circonstances un prix insuffisant peut remettre en cause le bon déroulement de l’opération de cession d’actions ou de parts sociales. Le prix qui ne reflète pas la valeur des titres n’entraine pas nécessairement la nullité de la cession alors que le prix dérisoire peut justifier une telle sanction.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur les modalités de détermination du prix de cession ou que vous souhaitez être accompagné dans le cadre d’une opération de cession de titres, vous pouvez contacter le cabinet d’avocats d’affaires Billand & Messié afin de bénéficier de conseils sur mesure.
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