Être associé permet deux choses. D’une part, l’associé bénéficie des résultats financiers de la société à travers les dividendes. D’autre part, l’associé peut participer aux décisions collectives en assemblée générale. Si la problématique de la suppression de la participation aux bénéfices et aux pertes est traitée à travers le prisme des clauses léonines (art. 1844-1 C. civ.), qu’en est-il de la suppression du droit de vote de l’associé ?
La jurisprudence constante interdit la suppression du droit de vote de l’associé. Toutefois, diverses conventions licites permettent de restreindre le droit de vote de ce dernier. Nos éclaircissements dans cet article.
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Sommaire
L’impossible suppression du droit de vote de l’associé
La faculté pour un associé de participer aux décisions collectives est un droit d’ordre public. Cette interdiction ferme de céder son droit de vote n’est toutefois pas un obstacle aux effets de la cession de l’usufruit.
Un droit d’ordre public
L’article 1844 du Code civil énonce que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives. Une jurisprudence constante interdit la cession du droit de vote. Les juges assimilent le mandat irrévocable à une suppression du droit de vote.
Interdiction de la cession du droit de vote
La jurisprudence interdit à tout associé de céder son droit de vote (Cass. com., 10 juin 1960). Que la suppression du droit de vote soit temporaire ou définitive n’a pas d’influence ; l’opération conduisant à cette situation est frappée de nullité. De la même manière, un associé ne peut céder ses actions et parts sociales en séparant le droit de vote du titre (Cass. civ., 7 avr. 1932).
Assimilation du mandat irrévocable à la cession du droit de vote
Les juges de cassations assimilent à une suppression du droit de vote la convention stipulant un mandat irrévocable donné par un associé à un autre associé ou un tiers pour le représenter lors de la prise des décisions sociales (Cass. com., 17 juin 1974). En effet, cette convention mène à une situation de fait identique à celle qui résulte d’une cession du droit de vote.
Cas particulier de la cession de l’usufruit
La cession de l’usufruit de parts sociales ou d’actions emporte transfert des droits de vote attachés à ces titres. Toutefois, l’opération ne doit pas constituer une fraude.
Une opération emportant transfert du droit de vote
Conformément à l’article 1844 du Code civil, lorsque l’usufruit de titres sociaux est cédé, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions qui concernent l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier. Pour autant, une convention peut prévoir que le droit de vote sera exercé par l’usufruitier. Il est alors possible qu’une convention d’usufruit répartisse conventionnellement le droit de vote ; elle demeure licite.
Fraus omnia corrumpit
Il est un adage juridique qui énonce que « la fraude corrompt tout ». Ainsi, les juges sont attentifs à ce que la convention d’usufruit n’ait pas pour seul objet une cession déguisée du droit de vote de l’associé. Par exemple, si l’usufruitier renonce dans le même temps aux droits pécuniaires attachés aux actions ou parts sociales, la convention est frappée de nullité (Paris, 17 nov. 1965).
La possible restriction du droit de vote de l’associé
Si la suppression du droit de vote de l’associé est prohibée, ce droit peut faire l’objet de restrictions par le fait de diverses conventions. Il s’agit notamment de l’octroi de pouvoir, de clauses insérées dans le cadre d’une cession et des clauses statutaires de plafonnement des voix dans les sociétés anonymes (SA).
L’octroi de pouvoirs
Les pouvoirs en blanc et les pouvoirs permanents restreignent de manière licite le droit de vote de l’associé.
Les pouvoirs en blanc
Le pouvoir en blanc consiste pour un associé à adresser au président de l’assemblée générale un pouvoir sans désigner la personne bénéficiaire de celui-ci. Dans ces circonstances, le président de l’AG vote comme suit. D’une part, il vote favorablement pour toutes les résolutions présentées par les dirigeants sociaux. D’autre part, il vote défavorablement pour toutes les autres résolutions (art. L. 225-106, III C. com.). Tous les pouvoirs en blanc reçus doivent être utilisés lors de l’assemblée générale. Ainsi, l’associé restreint son droit de vote.
Les pouvoirs permanents
L’octroi de pouvoirs permanents est licite à la condition que ceux-ci soient librement révocables. Si tel n’était pas le cas, la convention serait assimilée à une cession du droit de vote (v. supra).
La restriction du droit de vote dans le cadre d’une cession
Les juges de cassation permettent que dans le cadre d’une cession une convention stipule que dès lors que le cessionnaire n’a pas payé le prix au cédant, ce dernier peut s’opposer aux votes de l’acheteur. Dans ce cas, les juges du fond doivent rechercher la « commune intention des parties ». Ils appliquent « la loi du contrat » et reconnaissent que l’opposition du vendeur est justifiée par les conventions intervenues entre lui et le cessionnaire (Cass. com., 8 déc. 1937).
La clause statutaire de plafonnement des voix (Société Anonyme)
L’article L. 225-125 du Code de commerce énonce que les statuts peuvent limiter le nombre de voix dont chaque actionnaire dispose dans les assemblées. Le même article impose toutefois que cette limitation soit imposée à toutes les actions sans distinction de catégorie. Une telle limitation peut être mise en place pour éviter une prise de contrôle inattendue par l’un des associés.
Pour mémoire, depuis la loi PACTE de 2019, l’article L. 228-11 du code de commerce énonce que des actions de préférence sans droit de vote peuvent être émises. Cette réforme a pour objet de faciliter les opérations de capital-investissement.
Pour conclure, le droit de vote de l’associé ne peut être supprimé et toute convention allant dans ce sens est nulle. Toutefois, des conventions licites permettent de restreindre le droit de vote de l’associé.
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