Les rédacteurs de contrats ont à leur disposition une multitude d’outils permettant de sécuriser leurs transactions. Parmi ceux-ci : la condition suspensive.
Réforme de 2016 et obligations conditionnelles
Les textes législatifs concernant les obligations conditionnelles ont fait l’objet d’une réforme en 2016. Ce sont les articles 1304 et suivants du Code civil qui encadrent le régime de ces obligations dont l’existence est subordonnée à la survenance d’un événement futur et incertain.
Condition suspensive et condition résolutoire
La condition suspensive ne doit pas être confondue avec la condition résolutoire qui participe également à la création d’une obligation conditionnelle. Nous vous invitons à lire notre article sur cette clause particulière.
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Sommaire
Définition de la condition suspensive
Découvrez quels sont les avantages de la stipulation d’une condition suspensive. Sa rédaction nécessite de respecter toute une série de conditions imposées par la loi et la jurisprudence.
Pourquoi stipuler une condition suspensive ?
Nous vous proposons de comprendre ce qu’est une condition suspensive à travers l’exemple de la cession de titres sociaux.
Qu’est-ce qu’une condition suspensive
Conformément à l’article 1304 du Code civil, la condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple. Cela signifie que les parties doivent exécuter leurs engagements conformément aux termes du contrat. La réalisation de la condition déclenche l’obligation, et tant que la condition n’est pas remplie, il n’y a pas d’obligation contractuelle.
Illustration : la cession de titres sociaux
Des conditions suspensives sont régulièrement stipulées dans les contrats de cessions d’actions ou de parts sociales.
Imaginons qu’un cédant A souhaite céder des actions au cessionnaire B. Les parties décident que la cession dépend du financement externe que B doit obtenir pour acheter les titres sociaux. Une condition suspensive peut être insérée et stipuler que la cession n’aura lieu que si B obtient son financement. Si B n’obtient pas les fonds nécessaires, la cession ne se réalisera pas et A ne sera pas obligé de céder ses actions.
La nécessité d’un agrément du cessionnaire peut aussi nécessiter la stipulation d’une condition suspensive.
Conditions de validité de la condition suspensive
La validité de la condition suspensive nécessite que l’événement visé soit incertain et futur. La jurisprudence veille également à ce que la condition ne soit ni potestative ni illicite.
Un événement futur et incertain
L’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain. S’il est déterminé que l’événement se produira, la raison d’être de la condition suspensive n’est plus. A fortiori, s’il s’est déjà réalisé, il est par conséquent certain ; la condition n’est pas suspensive.
Absence de potestativité
La condition potestative est celle qui est abandonnée totalement à la volonté du débiteur. L’article 1304-2 du Code civil énonce que la condition ne peut être « simplement potestative ». En effet, il est possible que la condition dépende dans le même temps de la volonté du débiteur et d’un événement futur et incertain. Dans le cas d’une cession, l’objectif est d’éviter que le paiement du prix dépende de la volonté du cessionnaire (Paris, 29 sept. 2005).
Une condition licite
La condition qui est contraire à l’ordre public est nulle. Cette nullité peut être répercutée sur l’ensemble de la convention si la condition suspensive est un élément déterminant du consentement des parties.
Mise en œuvre de la condition suspensive
Considérer la mise en œuvre de la condition suspensive nécessite d’une part de s’appesantir sur les modalités de sa constatation pour apprécier les effets de sa réalisation d’autre part.
Constatation de la réalisation de la condition
En principe, la condition suspensive est constatée conformément aux termes du contrat. Par exception, elle est réputée accomplie du fait du débiteur selon certaines conditions.
Les termes du contrat
Les juges appliquent strictement la condition suspensive telle qu’elle est stipulée dans le contrat (Cass. com., 7 avr. 2009). Ceux-ci ne considèrent pas l’opportunité de la clause ; les juges de cassation ne contrôlent que la dénaturation.
La réputation accomplie du fait du débiteur
Conformément à l’article 1304-3 du Code civil, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement.
L’exemple le plus commun est celui du débiteur qui s’engage à conclure le contrat à la condition qu’il obtienne un crédit bancaire puis qu’il refuse l’offre de crédit qui lui est proposée.
Il est des situations où la responsabilité civile du débiteur peut concomitamment être engagée.
Effets de la réalisation de la condition
La condition suspensive se réalise automatiquement et sans rétroactivité depuis 2016. Il faut veiller à ne pas confondre l’exécution de l’obligation et la réalisation de la condition.
Un effet automatique et renonciation
Dès qu’elle est réalisée, la condition suspensive produit ses effets de plein droit. Il n’est pas nécessaire que le juge reconnaisse l’existence de la réalisation de la condition ou qu’il mette en demeure le débiteur de s’exécuter. Néanmoins, une stipulation peut déroger à ce principe de droit commun.
Si une condition suspensive est conclue dans l’intérêt exclusif d’une partie, elle peut renoncer à ce qu’elle produise ses effets.
Absence de rétroactivité depuis 2016
L’article 1304-6 du Code civil dispose en son premier alinéa que l’obligation devient pure et simple à compter de l’accomplissement de la condition suspensive. Autrement dit, la réalisation de la condition n’a pas pour effet de déterminer la date de l’obligation au moment de la conclusion du contrat.
Toutefois, les parties peuvent prévoir que l’accomplissement de la condition rétroagit au jour du contrat (art. 1304-6 al. 2 C. civ.).
Distinction entre exécution et réalisation de la condition
La réalisation de la condition n’emporte pas l’exécution de l’obligation. La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt de 2022 : la réalisation de la condition suspensive ne fait pas échec à la possibilité d’agir en nullité. Par conséquent, la réalisation de la condition n’est pas un commencement d’exécution dans le cadre d’une promesse (Cass. com., 19 janv. 2022).
Pour conclure, la condition suspensive est un outil indispensable de l’ingénierie contractuelle. Particulièrement utile lors d’une opération de cession, cette clause doit respecter une série de conditions pour pouvoir produire ses effets juridiques.
Si vous souhaitez conclure un contrat soumis à une condition suspensive, ou que vous êtes confronté à une problématique relative à sa mise en œuvre, vous pouvez contacter le cabinet d’avocats Billand & Messié afin d’obtenir un accompagnement sur mesure.
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