Les entrepreneurs façonnent leur société par les statuts et les pactes extra-statutaires. Les premiers définissent les règles de fonctionnement et de gouvernance, tandis que les seconds permettent d’ajuster des modalités spécifiques. Cette coexistence peut créer des conflits concernant la prise de décision des organes sociaux. Comment résoudre une situation où le respect des statuts entraîne une violation du pacte ? Explications.
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Sommaire
La naissance d’un conflit entre différentes sources
Les entrepreneurs ont à leur disposition plusieurs outils générateurs d’obligations. Or, qui dit plusieurs sources, dit augmentation du risque de conflits et d’incompatibilités.
La variété des sources
Qu’il s’agisse des statuts ou des pactes extra-statutaires, le sujet de la prise de décision des organes sociaux peut être appréhendé dans chacun de ces documents.
Les statuts et les pactes d’associés
Les statuts d’une société définissent les contours de la gouvernance et des décisions au sein de celle-ci. Ils sont légalement obligatoires et doivent être déposés au greffe du tribunal de commerce lors de la constitution de la personne morale. Quant au pacte extra-statutaire, il représente un accord complémentaire entre les associés. Il n’est pas obligatoire (mais fortement recommandé) de conclure une telle convention. Le principal avantage du pacte d’associés est sa confidentialité. En effet, contrairement aux statuts qui sont accessibles aux tiers, le pacte d’associés ne fait pas l’objet d’une obligation de publication en principe. La confidentialité du pacte peut être contractuellement renforcée (voir notre article à ce sujet).
Un sujet commun : la prise de décision des organes sociaux
Les statuts d’une société établissent les seuils de majorité et les modalités de prise de décision des organes sociaux. Les associés peuvent également conclure un pacte sur cette question, ses stipulations étant libres.
Le conflit entre les statuts et le pacte d’associés
La survenance d’un conflit entre les statuts d’une société et un pacte d’associés est inévitable lorsque chacune de ces sources d’obligations comporte des informations contradictoires. Il faut toutefois relever qu’il est possible que le pacte impose une contrainte supplémentaire à celles énoncées dans les statuts. Dans cette hypothèse, les deux textes traitent de la même question, mais il n’existe pas d’incompatibilité.
De l’incompatibilité au conflit inévitable
Dans l’hypothèse où les statuts et le pacte d’associés portent ensemble sur les modalités de prise de décision des organes sociaux, deux situations problématiques se présentent. Soit une décision sociale est adoptée conformément aux statuts et le pacte d’associés est violé, soit les dispositions extra-statutaires sont suivies par les signataires et les modalités statutaires ne sont pas respectées.
Illustration
Trois principales situations de conflit en matière de prise de décision sociale peuvent être identifiées. D’abord, l’incompatibilité peut concerner les seuils de majorité auxquelles sont prises les décisions des associés en assemblée générale. Ensuite, un conflit peut émerger au sujet des clauses concernant la nomination des organes de direction. Enfin, les pouvoirs accordés à ces mêmes organes peuvent différer dans les statuts et dans le pacte d’associés.
Une hiérarchisation relative au régime des sanctions
Le conflit entre statut et pacte d’associés relatif à la prise de décision des organes sociaux est tranché grâce à la hiérarchisation du régime des sanctions. La violation des statuts est sévèrement sanctionnée alors que la sanction de la violation des stipulations du pacte d’associés est limitée.
La sévère sanction de la violation des statuts
La violation des statuts d’une société entraîne généralement la nullité de la décision irrégulière. Toutefois, la portée de cette sanction doit être relativisée.
La nullité pour violation des statuts à relativiser
La décision rendue par la Cour de cassation le 18 mai 2010, dans l’affaire Larzul, clarifie la notion de nullité de l’article L. 235-1 alinéa 2 du Code de commerce. Selon cette disposition, la nullité d’un acte ou d’une décision d’une société commerciale n’est prononcée que lorsque celui-ci viole une disposition impérative du livre II du Code de commerce ou des lois régissant les contrats. Aussi, les stipulations contenues dans les statuts ne sont pas soumises à la nullité, sauf si ces dernières ont fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d’aménager conventionnellement la règle énoncée par celle-ci.
Une évolution concernant les SAS
Le fonctionnement de la SAS est principalement régi par ses statuts, et par suite des limitations établies par l’arrêt Larzul, la violation de ces dispositions statutaires ne pouvait pas être sanctionnée par la nullité. La Cour a récemment décidé que l’article L. 227-9, alinéa 4 du code de commerce, spécifique aux SAS, permet de poursuivre l’annulation des décisions prises en violation des clauses statutaires si cette violation exerce une influence sur le résultat du processus décisionnel. Cette règle s’applique uniquement aux décisions collectives, et il est nécessaire de démontrer un grief résultant de cette violation pour qu’elle puisse être annulée.
L’impuissance des stipulations contractuelles
Les pactes d’associés sont inopposables à la société, ce qui fragilise leur force obligatoire. Pour autant, les associés contractants peuvent chercher à obtenir des dommages et intérêts.
Inopposabilité du pacte à la société
Les engagements conclus entre associés ne lient pas la société. Il s’agit d’une application classique du principe de l’effet relatif des contrats. Cela garantit que les décisions importantes concernant la société sont prises dans le cadre de ses organes sociaux.
Éventuel octroi de dommages et intérêts
Pour octroyer des dommages-intérêts en cas de violation d’un pacte entre associés, plusieurs conditions doivent être réunies. D’abord, l’associé doit d’abord prouver l’existence d’un pacte, ensuite démontrer une violation établie du pacte (une faute contractuelle) et enfin établir un préjudice et un lien de causalité. Ce n’est qu’à ces conditions communes au droit des obligations que les associés lésés peuvent engager la responsabilité de l’associé fautif.
Vous êtes désormais en mesure d’appréhender l’articulation entre le pacte d’associés et les statuts. Comprendre les sources potentielles de conflit entre ces sources d’obligations est essentiel. Toutefois, ce conflit peut être résolu en étudiant la hiérarchie des sanctions en cas de violation, où les statuts prévalent sur le pacte d’associé.
Si vous êtes confronté à un tel conflit concernant la prise de décision des organes sociaux, ou si vous souhaitez sécuriser vos décisions sociales, n’hésitez pas à solliciter les conseils du cabinet d’avocats d’affaires Billand & Messié pour obtenir un accompagnement sur mesure.
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