Au cœur des préoccupations entrepreneuriales se trouve la question cruciale de la gérance. Les dirigeants portent le poids de leur responsabilité dans chacune de leurs décisions. Comprendre comment celle-ci peut être engagée devient essentiel pour assurer la pérennité de la société. La connaissance de cette dynamique permet de prévoir et d’atténuer les risques liés aux fonctions de gérance. Pour les associés, cette compréhension est un moyen de maintenir un contrôle sur le dirigeant et de permettre l’alignement des intérêts.
Nous avons déjà dans un article précédent étudié les faits générateurs de la responsabilité du dirigeant. Nous vous proposons désormais d’envisager les modalités de l’action en responsabilité civile contre lui. Il faut à ce titre distinguer l’action sociale (au nom de la société) et l’action individuelle (au nom de l’associé). Explications.
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Sommaire
Au nom de la société : l’action sociale
Mener à bien une « action sociale » nécessite d’apporter la preuve d’un préjudice social, c’est-à-dire d’un préjudice subi directement par la société. Qui sont les titulaires de l’action sociale ? Nos éclaircissements.
La preuve d’un préjudice social
À travers quelques exemples de préjudices sociaux, nous vous proposons de mieux comprendre cette notion. Pour rappel, la preuve du préjudice est rapportée dans le même temps que la preuve de la faute du dirigeant et du lien de causalité entre cette faute et le dommage.
Qu’est-ce qu’un préjudice social ?
Un préjudice social est un dommage subi par la société « personne morale » conséquemment à une faute du dirigeant. Le préjudice doit faire l’objet d’une estimation pécuniaire. Ce travail de détermination d’un montant doit être réalisé par celui qui mène l’action sociale. Il peut être assisté d’un expert, notamment dans l’hypothèse où le dommage est difficilement estimable.
Exemples de préjudices sociaux
Les préjudices sociaux revêtent différentes formes. Par exemple, il peut s’agir d’une perte de somme d’argent ou d’un gain manqué qui est la conséquence de la faute du dirigeant. Dans cette hypothèse, l’estimation du préjudice est aisée. Plus spécifiquement, le préjudice peut trouver sa source dans une atteinte réputationnelle. En effet, la faute du dirigeant peut avoir pour conséquence de saper la confiance des parties prenantes ; ce qui a une influence sur les performances économiques de la société. Dans cette situation, le montant du préjudice est difficile à déterminer et l’intervention d’un expert est souvent nécessaire.
Le titulaire de l’action
Le titulaire de l’action sociale peut être le dirigeant de la société. Dans ce cas, d’aucuns parlent d’action ut universi. Un associé peut également agir au nom de la société, il s’agit alors d’une action ut singuli. Quelles sont les modalités de ces actions ? Quels sont leurs avantages et leurs inconvénients ?
Action ut universi
Dans le cadre d’une action ut universi, le dirigeant social agit au nom de la société. Un paradoxe est alors soulevé : pourquoi un dirigeant agirait-il au nom de la société pour engager sa propre responsabilité ? En pratique, les dirigeants sociaux mènent des actions sociales dans l’hypothèse où ils succèdent à un autre dirigeant qui a commis une faute. Attention, les actions en responsabilité du dirigeant social se prescrivent par trois ans – par dérogation au délai de prescription de droit commun de cinq ans. En l’absence de changement de dirigeant pendant un délai important, l’action ut universi peut devenir impossible.
Action ut singuli
Dans le cadre d’une action ut singuli, l’associé agit au nom de la société sur le fondement de l’article 1843-5 du Code civil. Ce dernier énonce qu’un ou plusieurs associés peuvent intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Il ajoute qu’est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l’exercice de l’action sociale à l’autorisation de l’assemblée. En clair, les associés sont libres d’agir. Dans l’hypothèse d’une condamnation du dirigeant, les dommages-intérêts sont alloués à la société.
Le principal désavantage de cette action réside dans le fait que les frais de procédure sont à la charge personnelle de l’associé. Mener une action ut singuli présente donc un risque financier important à la lumière de l’aléa judiciaire.
Au nom de l’associé : l’action individuelle
L’action individuelle portée au nom de l’associé nécessite la preuve d’un préjudice individuel. L’action individuelle est menée par l’associé lui-même.
La preuve d’un préjudice individuel
Apporter la preuve d’un préjudice individuel nécessite d’en avoir une définition claire et illustrée par des exemples concrets. Il est essentiel de démontrer simultanément le préjudice ainsi que la faute du dirigeant, tout en établissant un lien de cause à effet entre cette faute et les dommages subis.
Qu’est-ce qu’un préjudice individuel ?
Le préjudice individuel est celui subi personnellement par l’associé, distinctement du préjudice subi par la personne morale. Jurisprudence exige que soit rapportée la preuve d’un préjudice personnel ; le préjudice de l’associé ne peut pas être un simple corollaire ou le reflet du préjudice social. Par exemple, la dépréciation des actions est un préjudice social avant d’être un préjudice personnel. Le préjudice de l’associé est le reflet du préjudice de la société.
Exemple de préjudice individuel
Le préjudice individuel d’un associé est le plus souvent relatif à son compte courant d’associé. Ainsi, si un dirigeant débite sans raison le compte courant d’un associé, celui-ci subit un préjudice personnel (Cass. com., 27 mai 2021).
L’exercice de l’action individuelle
L’action individuelle est menée par l’associé qui a subi un préjudice personnel. Il est nécessaire de ne pas opérer de confusion entre le dirigeant et la société.
Une action au nom de l’associé
L’associé qui agit contre le dirigeant social le fait dans les conditions de procédure de droit commun. Il supporte personnellement les frais de justice sans que la société ne puisse les subventionner.
Distinguer la société et le dirigeant
Lorsqu’un associé entreprend une action en responsabilité à l’encontre du dirigeant, il doit cibler spécifiquement les actions du dirigeant lui-même, en évitant toute confusion avec une action contre la société dans son ensemble.
En conclusion, la responsabilité du dirigeant se présente sous deux prismes distincts : l’action sociale et l’action individuelle. Les enjeux de préjudice et de faute établissent le fondement du procès en responsabilité civile.
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