En principe, la société est dirigée par un organe social prévu par les statuts ou par la loi. Or, la pratique des affaires peut mener à des situations où une personne physique ou morale dirige une société sans statut légal. Cette entité est alors un « dirigeant de fait », par opposition au « dirigeant de droit ».
La personne faisant l’objet de cette qualification juridique s’expose à l’engagement de sa responsabilité civile et pénale. C’est pourquoi il est essentiel de savoir identifier un dirigeant de fait, que ce soit pour éviter une sanction ou pour engager la responsabilité d’un tiers abusif. Quels sont les critères de la gestion de fait ? Quelles sont les personnes les plus souvent qualifiées de « dirigeant de fait » ? Explications.
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Sommaire
Les critères de la gestion de fait
Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 juin 1982, il est déterminé que peut être considérée comme dirigeant de fait « une personne ayant eu au sein de la société une activité positive de direction, exercée souverainement et en toute indépendance ».
Une activité positive de direction et de gestion
Afin de qualifier une « gestion de fait », il est nécessaire de prouver l’existence d’actes positifs et réguliers par la personne concernée. De quoi s’agit-il ?
Des actes positifs
Si le dirigeant de droit est fautif lorsqu’il s’abstient de gérer, le dirigeant de fait est fautif parce qu’il ne s’abstient pas de diriger. La jurisprudence a précisé ce qu’il faut comprendre par « acte positif ». Ainsi, des recommandations ou suggestions ne permettent pas à elles seules de qualifier une gestion de fait (Cass. com., 23 mars 1971). Au contraire, la signature de documents liés aux affaires de la société, le recrutement ou le licenciement du personnel et l’octroi d’une procuration sont des actes positifs permettant de qualifier la gestion de fait.
Des actions effectives et régulières
Les juges ne reconnaissent pas l’existence d’un dirigeant de fait lorsque l’acte de gestion est isolé. Il est nécessaire que le gestionnaire de fait intervienne de façon effective et régulière dans les affaires de la société. La qualité de dirigeant de fait exige l’exercice d’une influence importante sur des fonctions essentielles de la direction générale de la société. Ceci implique une immixtion prolongée dans les affaires de celle-ci.
Une activité exercée en toute indépendance et souveraineté
Il est nécessaire de comprendre le critère d’indépendance négativement : le gestionnaire de fait n’est pas subordonné.
Le salarié jamais dirigeant de fait
Le critère d’indépendance a pour effet de rendre impossible la qualification d’un salarié en gestionnaire de fait. En effet, le droit du travail définit le salarié comme une personne soumise à un lien de subordination. Cette hiérarchie est incompatible avec les critères d’indépendance et de souveraineté nécessaires à la détermination du dirigeant de fait. La gestion de fait ne se définit pas uniquement par les actes de gestion, mais aussi par l’absence totale de toute subordination envers un supérieur hiérarchique.
Illustration : le directeur administratif
La Cour de cassation précise que la position hiérarchique du salarié est sans influence sur l’impossible qualification du gestionnaire de fait. La simple preuve d’actes accomplis par un directeur administratif salarié ne suffit pas à établir sa qualité de dirigeant de fait ; il faut prouver qu’il avait exercé ces actes de manière indépendante (Cass. com., 17 déc. 2003).
Désormais, il convient de mettre en lumière les parties prenantes potentiellement qualifiables de dirigeant de fait (sans que cette liste ne soit limitative).
Typologie des gestionnaires de fait
La riche jurisprudence sur les dirigeants de fait a mis en lumière une typologie des gestionnaires de fait. Il est possible de distinguer d’une part les organes sociaux ou les associés et d’autre part les tiers à la société.
Les organes sociaux et les associés
Les dirigeants de faits peuvent être directement liés à la société.
Les associés majoritaires
Les créanciers d’une société peuvent rechercher la qualification d’un associé majoritaire en dirigeant de fait. Il arrive effectivement que des associés s’immiscent dans la gestion de la société. La Cour de cassation distingue toutefois avec rigueur les prérogatives naturelles de l’associé (i.e. les décisions collectives) et ce qui relève de la gestion de fait. Par exemple, trois associés qui détiennent la majorité du capital sont qualifiés de gérants de fait parce qu’ils avaient établi un contact direct avec la clientèle et dirigeaient les salariés (Cass. com., 25 oct. 1977).
Les organes de surveillances
Les organes de surveillances légaux ou statutaires qui outrepassent leurs fonctions s’exposent à la qualification de gérant de fait (Paris, 8 juill. 1975).
Situation des groupes de sociétés
Une société mère qui exerce un contrôle positif et direct de sa fille peut être qualifiée de gérante de fait (Cass. com., 6 juin 2000).
Les tiers à la société
Les dirigeants de faits peuvent être des tiers au contrat de société.
Les banques et créanciers
Lorsqu’une société se finance sur le marché bancaire, il arrive que les créanciers cherchent à influencer la politique commerciale de l’entreprise afin d’assurer sa solvabilité. La qualification de gestion est possible.
Les franchiseurs
Si les franchiseurs ne dirigent normalement pas le franchisé – commerçant indépendant – il existe des situations où la relation commerciale est outrepassée ; le franchiseur s’immisce positivement dans la gestion du franchisé. Le fait que le franchisé ait commis une faute contractuelle (par exemple en ne respectant pas la « bible ») est sans effet sur la qualification de gestion de fait.
Cas particulier des personnes de droit public
Lorsque la qualification de dirigeant de fait est recherchée concernant une personne de droit public, seules les juridictions administratives sont compétentes (Tribunal des conflits, 23 janv. 1989).
Désormais, vous pouvez identifier un dirigeant de fait. Si vous êtes confronté à une problématique de gestion de fait ou que vous souhaitez sécuriser vos actes de gestion afin d’éviter une telle qualification, vous pouvez contacter le cabinet d’avocats d’affaires Billand & Messié afin de bénéficier de conseils adaptés à votre situation spécifique.
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