Un mécanisme est essentiel au droit des sociétés, mais souvent méconnu : l’expertise de gestion.
Pourquoi recourir à l’expertise de gestion ?
L’ancien nom de l’expert de gestion est assez révélateur ; d’aucuns parlaient d’« expert de minorité ». Réaliser une expertise de gestion permet d’améliorer l’information des actionnaires minoritaires. Au-delà de cet intérêt privé, l’expertise de gestion œuvre également pour l’intérêt général. En effet, l’autorité des marchés financiers (l’AMF) et le ministère public peuvent solliciter l’intervention d’un expert de gestion.
Qui est l’expert de gestion ?
L’expert de gestion est un expert judiciaire qui est nommé par un juge. La loi n’impose pas que l’expert de gestion dispose de diplômes spécifiques. Il est choisi pour ses compétences utiles face à la problématique rencontrée. Il peut alors être un professionnel du marketing, de la finance, de la logistique, etc.
Découvrez dans cet article comment est désigné l’expert de gestion et de quelle manière sa mission est déterminée.
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Sommaire
Les conditions de désignation de l’expert de gestion
Les modalités de désignation de l’expert de gestion varient selon la forme de la société. Qu’en est-il au sein des sociétés par actions (SAS, SA) et dans les SARL ? Explications.
La désignation de l’expert de gestion dans les SA et les SAS
Dans les sociétés anonymes et les sociétés par actions simplifiée, l’expert de gestion est nommé soit à l’initiative des associés, soit à l’initiative du ministère public.
L’initiative des associés
Conformément à l’article L. 225-231 du Code de commerce, la désignation d’un expert de gestion par des actionnaires est doublement limitée. D’une part, les actionnaires disposant de ce pouvoir sont ceux qui parviennent à représenter cinq pour cent (5%) du capital social, « soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit ».
D’autre part, l’expertise de gestion est considérée comme une solution qui intervient dans un second temps. En effet, ces mêmes actionnaires doivent, avant de nommer un expert de gestion, poser par écrit au président du conseil d’administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société.
Ce n’est qu’à défaut de réponse dans un délai d’un mois que les actionnaires représentant cinq pour cent du capital peuvent demander en référé la désignation d’un ou plusieurs experts. Il en va de même lorsque la réponse donnée par les dirigeants ne contient pas des éléments satisfaisants. Il convient alors de souligner que les actionnaires ne peuvent solliciter directement le juge.
L’initiative du ministère public
Le ministère public a la compétence de demander en référé la désignation d’un ou plusieurs experts au sein d’une SA ou d’une SAS (art. L. 225-231 al. 3 C. com.).
La désignation de l’expert de gestion dans les SARL
Tout comme dans les sociétés par actions, l’initiative de la nomination de l’expert de gestion revient soit à la communauté des associés, soit au ministère public.
L’initiative des associés
Le premier alinéa de l’article L. 223-37 du Code de commerce énonce qu’un ou plusieurs associés qui représentent au moins dix pour cent (10%) du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
Donc, dans les sociétés à responsabilité limitée, il n’est pas nécessaire de poser une question aux dirigeants avant de décider d’une expertise de gestion. La nomination d’un expert de gestion est donc plus rapide dans une SARL que dans une SAS ; le Code de commerce n’impose aucun délai permettant à la gérance de fournir des réponses.
L’initiative du ministère public
Le deuxième alinéa du même article dispose que le ministère public peut nommer un expert de gestion. Le comité d’entreprise est habilité à agir aux mêmes fins.
Les missions de l’expert de gestion
L’expert de gestion est désigné pour une ou plusieurs « opérations déterminées » ; il convient de comprendre les contours de cette notion nébuleuse. Sa mission est précisée selon des modalités procédurales spécifiques.
Matériellement, l’intervention de l’expert de gestion se matérialise par la rédaction d’un rapport (art. L. 225-231 et L. 223-37 C. com.).
Une désignation pour une opération déterminée
La notion d’opération de gestion est strictement interprétée par la jurisprudence quand bien même la doctrine plaide pour une appréciation plus souple de l’expression.
Une conception stricte de la jurisprudence
La chambre commerciale de la Cour de cassation décide dans une jurisprudence constante que l’acte de gestion pour lequel une expertise de gestion peut être déployée doit être obligatoirement un acte du dirigeant. L’expert ne peut intervenir que pour un ou plusieurs actes ; il ne réalise pas son rapport sur l’ensemble de la politique de gestion du ou des dirigeants.
La doctrine pour une appréciation plus souple
Une partie de la doctrine souhaite que les juges de cassation apprécient plus souplement la notion d’opération de gestion ; la qualité de celui qui réalise l’acte n’aurait pas d’incidence. Il convient donc de rester attentif à un éventuel revirement de jurisprudence.
La définition des contours de la mission
Les contours de la mission de l’expert de gestion sont dessinés par le juge. L’articulation de cette procédure avec l’expertise in futurum interroge.
L’intervention du juge
Que ce soit dans les SAS ou dans les SARL, lorsque le juge accueille favorablement la demande d’expertise des associés, il fixe dans le même temps les missions de l’expert judiciaire qui devra respecter le contradictoire. Son rapport sera présenté au juge, au commissaire aux comptes et à l’AMF le cas échéant.
Le juge peut décider de mettre à la charge de la société les honoraires dus à l’expert de gestion.
L’articulation avec l’expertise in futurum
D’aucuns ont pu s’interroger sur l’articulation entre l’expertise in futurum (art. 145 pr. civ.) et l’expertise de gestion du Code de commerce. Entre dérogation et principe de subsidiarité, la chambre commerciale a tranché : l’expertise in futurum n’a pas de caractère subsidiaire par rapport à l’expertise de gestion (Cass. com., 18 oct. 2011). Il n’est pas certain que la jurisprudence soit établie.
Pour conclure, l’expertise de gestion est un outil indispensable pour les minoritaires qui souhaitent lutter contre l’asymétrie d’information. Il convient de respecter la procédure de nomination de l’expert de gestion en tenant compte de la forme sociale de l’entreprise.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur l’expertise de gestion, vous pouvez contacter le cabinet d’avocats d’affaires Billand & Messié pour bénéficier de conseils personnalisés.
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