En droit des contrats, si l’essentiel des stipulations de la convention renvoie à l’obligation des parties, il est indispensable pour les rédacteurs de prévoir les effets d’une inexécution. En effet, les relations contractuelles deviennent parfois pathologiques. L’anticipation de l’inexécution est source de sécurité juridique et permet aux parties de se projeter dans l’hypothèse d’une défaillance.
Dans ces circonstances, la clause pénale est un outil incontournable de l’ingénierie contractuelle. La réforme du droit des contrats de 2016 a encadré son régime dans l’article 1231-5 du Code civil. Quels sont les caractères de la clause pénale ? Selon quelles modalités est-elle mise en œuvre ? Explications.
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Sommaire
La stipulation de la clause pénale
La clause pénale a indiscutablement un caractère forfaitaire. Son caractère libératoire fait l’objet de débats.
Le caractère forfaitaire de la clause pénale
Clause pénale a pour objet la détermination d’une indemnité contractuelle. Si la majeure partie des contrats peuvent en stipuler, l’ordre public interdit leur insertion dans certaines conventions.
La détermination d’une indemnité contractuelle
L’article 1231-5 du Code civil énonce que « lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre ».
En clair, les parties vont faire une estimation du dommage causé aux créanciers si le débiteur n’exécute pas son obligation. Il est possible de stipuler un montant qui est supérieur au préjudice estimé. Dans cette hypothèse, le surplus peut être considéré comme une peine privée. Pour rappel, les juges ne peuvent condamner à des dommages et intérêts punitifs. La clause pénale apparaît alors comme une alternative à cette limite judiciaire.
Ordre public : interdiction de la clause pénale
La plupart des contrats peuvent stipuler une clause pénale. Toutefois, deux types de conventions prohibent de telles clauses. D’abord, la loi Alur du 24 mars 2014 interdit purement et simplement au rédacteur d’un contrat de bail d’habitation de stipuler une clause pénale. Ensuite, en droit de la consommation, un consommateur ne peut être débiteur d’une clause pénale dont le montant est disproportionné (compte tenu du préjudice subi par le professionnel). Ces limites à la libre stipulation des clauses pénales ont pour objet de protéger les débiteurs les plus fragiles.
Le caractère libératoire de la clause pénale
Le caractère libératoire de la clause pénale fait l’objet de débats en doctrine. Pour autant, la majorité des commentateurs estime que la clause peut libérer le débiteur.
Un débat doctrinal
D’une part, considérer que la clause pénale n’est pas libératoire aurait pour effet de reconnaître qu’il est possible de cumuler l’indemnité contractuelle avec une action en responsabilité contractuelle. D’autre part, si la clause pénale est libératoire, son paiement empêche toute action en responsabilité contractuelle. La doctrine a pu hésiter entre ces deux thèses, l’une et l’autre juridiquement acceptables.
La libération du débiteur
La jurisprudence est en faveur du caractère libératoire de la clause pénale. Les juges de cassation affirment alors que la clause pénale « constitue une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice » (Cass. com., 14 juin 2016).
Il est alors possible de retenir une chose ; le débiteur qui veut se libérer de son obligation connaît a priori le montant du paiement lui permettant de ne plus être engagé.
La mise en œuvre de la clause pénale
La mise en œuvre de la clause pénale doit être séquencée en deux temps. D’abord, le moment de la réalisation des conditions permettant l’exécution de la clause pénale. Ensuite, le moment du litige mettant en question le pouvoir de modération du juge.
La réalisation de la clause pénale
Une fois l’inexécution prévue par la clause pénale prouvée, il est nécessaire de mettre en demeure le débiteur afin de permettre à la clause de produire ses effets.
La preuve de l’inexécution
Les juges exigent que la clause pénale soit claire et non équivoque. Elle doit être stipulée dans le contrat conclu entre les parties. Lorsqu’un contrat oblige le débiteur à plusieurs obligations, la clause doit viser les obligations concernées. Seule la force majeure permet au débiteur d’échapper à la sanction stipulée par la clause pénale.
Procédure : la mise en demeure du débiteur
L’article 1231-5 du Code civil dispose que « sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure ». Deux hypothèses. Soit l’inexécution et définitive (exécution impossible ou refus exprès d’exécuter l’obligation). Dans cette situation, la mise en demeure n’est pas obligatoire. Soit l’exécution serait matériellement possible, mais le débiteur ne s’est pas exécuté ; la mise en demeure du débiteur par le créancier est obligatoire.
Le pouvoir de modération du juge
L’article 1231-5 du Code civil précise que le juge peut faire valoir son pouvoir modérateur « même d’office ». Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire que dans leurs conclusions les parties demandent une modération de l’indemnité.
Ainsi, dans l’hypothèse d’un montant excessif ou d’une inexécution partielle de l’obligation, le juge peut modérer le montant prévu par la clause pénale.
Hypothèse du montant excessif ou dérisoire
Le juge peut modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement « excessive ou dérisoire » (art. 1231-5 al. 2 C. civ.). Cette règle est d’ordre public ; les parties ne peuvent y déroger. Les juges du fond décident souverainement du caractère excessif ou dérisoire du montant. L’objectif est d’éviter tout abus du créancier et de limiter l’effet de la peine privée.
Hypothèse de l’exécution partielle
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier (art. 1231-5 al. 3 C. civ.). L’indemnité ne serait plus justifiée, parce que l’exécution partielle bénéficie au créancier puis représente un coût pour le débiteur.
Pour conclure, le débiteur et le créancier ont chacun intérêt à la stipulation de la clause pénale. Elle indemnise le second, lorsqu’elle libère le premier. La simplification du régime de la clause pénale et l’intervention limitée du juge en font un outil qui assure la sécurité juridique des parties.
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