L’octroi de cautions par une Société Anonyme (SA) est une opération financière classique. Au besoin de célérité des dirigeants s’oppose une rigidité juridique qui limite le risque que les sûretés font peser sur les sociétés. Le législateur a décidé que l’octroi de cautions, garanties et aval par une Société Anonyme (SA) doit être soumis au filtre du conseil d’administration. La jurisprudence a apporté des précisions relatives aux sanctions de la violation des dispositions légales. Explications.
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Sommaire
Une décision à l’appréciation du conseil d’administration
L’octroi de cautions par une Société Anonyme est placé sous la supervision du conseil d’administration. Le directeur général n’a de marge de liberté que celle qui lui est accordée par le CA. À cet effet, le conseil d’administration de la Société Anonyme fixe un double plafond. De quoi s’agit-il ?
Incompétence du directeur général et décision du CA
Le directeur général d’une Société Anonyme ne peut décider ex nihilo d’accorder une caution à un tiers. Une telle opération nécessite une autorisation du conseil d’administration.
Principe d’incompétence du directeur général
L’article L. 225-35 du Code de commerce dispose que les dirigeants de la SA ne peuvent seuls engager la société par une sûreté réelle ou personnelle au profit d’un tiers.
Le dernier alinéa de ce même article pose toutefois une exception ; les dirigeants ont la mainmise sur l’opportunité de l’octroi de sûretés lorsque l’activité de la SA est bancaire ou financière.
Autorisation accordée au directeur général par le conseil d’administration
Le Code de commerce énonce qu’il revient au conseil d’administration de la SA d’autoriser l’octroi de cautions, garanties et avals par la Société Anonyme.
Afin de permettre aux dirigeants de travailler en autonomie, le législateur a permis au conseil d’administration, une fois par an, de déterminer le montant maximal de sûreté que peuvent octroyer en toute indépendance les dirigeants de la SA. Ladite décision ne peut valoir pour une durée supérieure à une année. Dans cette hypothèse, il revient au directeur général de demander à nouveau l’autorisation du CA s’il souhaite engager la société au-delà d’un des plafonds déterminés.
Fixation d’un double plafond
Afin de permettre à la Société Anonyme d’accorder des cautions, garanties et avals, le CA fixe deux plafonds dans les conditions énoncées aux articles L. 225-35 et R. 225-28 du Code de commerce.
Un plafond par caution fixé par le conseil d’administration
D’une part, le CA de la SAS peut fixer un montant au-delà duquel la caution, l’aval ou la garantie de la société ne peut être donné. Si le directeur général souhaite dépasser ce montant, il doit demander l’autorisation au conseil d’administration.
Un plafond global déterminé par le conseil d’administration
D’autre part, le conseil d’administration peut, dans la limite d’un montant total qu’il fixe, autoriser le directeur général à donner des cautions, avals ou garanties au nom de la société. L’autorisation du CA sera également requise si le dirigeant souhaite dépasser ledit montant.
Le conseil d’administration peut décider de déterminer concomitamment un plafond par caution ainsi qu’un plafond global.
Cas particulier de la garantie des filiales et de l’administration
D’abord, le directeur général peut être autorisé à donner à l’égard des administrations fiscales et douanières des sûretés sans limite de montant (art. R. 225-28 C. com. al. 3). Ensuite, le CA peut donner une autorisation globale et annuelle sans limite de montant pour garantir les engagements pris par les sociétés contrôlées (art. L. 225-35 C. com.).
Sanction d’une caution irrégulièrement accordée
La jurisprudence de la Cour de cassation a apporté des précisions essentielles concernant la sanction de l’octroi de cautions, garanties et avals par la Société sans autorisation du CA. Il est nécessaire de distinguer l’hypothèse où la caution est accordée sans aucune autorisation du conseil d’administration et l’hypothèse où le montant de la caution accordée dépasse celui fixé par le CA. Ces solutions, parfois contre-intuitives, méritent toute notre attention.
La caution accordée sans autorisation du conseil d’administration
Lorsqu’une caution est accordée sans autorisation du conseil d’administration, la jurisprudence décide que celle-ci est inopposable à la Société Anonyme.
Inopposabilité à la société de la caution
Dans une décision du 8 décembre 1998, la chambre commerciale de la Cour de cassation a énoncé que la garantie n’était pas nulle mais qu’elle était inopposable à la société étant donné qu’elle avait été accordée sans autorisation du CA. Aussi, la Cour de cassation a écarté la théorie du mandat apparent dans un arrêt du 31 mars 2021.
La responsabilité du directeur général
D’une part, la responsabilité interne du directeur général peut être recherchée. En effet, il a réalisé une faute en accordant une caution sans avoir été autorisé par le CA. Il reste à déterminer l’existence d’un préjudice selon le cas d’espèce.
D’autre part, la responsabilité externe du dirigeant ne peut pas être engagée. La jurisprudence considère que l’octroi d’une caution sans autorisation du CA n’est pas une faute détachable.
Le dépassement d’un plafond établi par le conseil d’administration
La jurisprudence sanctionne différemment le dépassement du plafond global et le dépassement du plafond par garantie.
Le dépassement du plafond global
Si le conseil d’administration a fixé un montant global de cautions, avals et garanties et que le dirigeant dépasse ce montant global, la garantie est valable. Le directeur général engage sa responsabilité interne.
Le dépassement du plafond par caution
Si le conseil d’administration a fixé un montant maximum par sûreté et que le dirigeant dépasse ce montant, la garantie est inopposable à la société. Concrètement, les juges attendent du tiers qu’il se renseigne et consulte la délibération du conseil faisant état dudit plafond. La Cour de cassation laisserait entendre par une interprétation a contrario que la responsabilité externe du dirigeant pourrait être recherchée si le dépassement est intentionnel (Com. 9 nov. 2017).
Pour conclure, les Sociétés Anonymes peuvent accorder des cautions, avals et garanties pour les besoins de leur activité. Toutefois, le conseil d’administration joue un rôle de filtre protecteur de la bonne santé financière de la SA. Si vous êtes confrontés à une problématique relative à l’octroi de garanties dans une Société anonyme, nous vous invitons à contacter le cabinet d’avocats d’affaires Billand & Messié afin d’obtenir des conseils adaptés à votre situation.
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