La Société par Actions Simplifiée (SAS) est parfois appelée « société contrat ». Les entrepreneurs apprécient cette forme sociale pour la flexibilité statutaire qu’elle permet. Toutefois, le droit commun des nullités en droit des sociétés est difficilement applicable aux SAS. Par conséquent, la violation de nombre de clauses statutaires échappait à la sanction de la nullité. La Cour de cassation a pallié cette limite du régime de la SAS à travers un revirement de jurisprudence en 2023. Explications.
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Sommaire
L’application difficile du droit commun des nullités en droit des sociétés
En soi, le droit commun des nullités est applicable à la SAS. Pour autant, ce droit est inadapté à la spécificité du régime de la société par actions simplifiée.
Le droit commun des nullités applicable à la SAS
L’article L. 235-1 du Code de commerce porte sur la nullité des décisions sociales dans les sociétés commerciales. La SAS relevant de cette catégorie, cet article lui est applicable. Le Code distingue entre la nullité des décisions modificatives des statuts et non modificatives des statuts.
Nullité d’une décision modificative des statuts
La nullité des actes et délibérations modificatives des statuts d’une SAS nécessite la violation d’une disposition expresse du Code de commerce ou des lois qui régissent la nullité des contrats. Autrement dit, la nullité doit être expressément prévue par le texte de loi.
Nullité d’une décision non modificative des statuts
La nullité des actes et délibérations non modificatives de statuts nécessite la violation d’une disposition impérative du Code de commerce ou des lois qui régissent la nullité des contrats. Par disposition impérative, le texte fait référence à un élément obligatoire et contraignant de la loi ou de la réglementation.
Un droit commun inadapté à la SAS
Le droit commun des nullités des décisions sociales est inadapté aux Sociétés par Actions Simplifiées. Si la jurisprudence a énoncé la possibilité d’obtenir la nullité d’une décision prise en violation des statuts, la Cour de cassation demeurait trop restrictive dans ses conditions.
Jurisprudence Larzul : la possible nullité du fait de la violation des statuts
La Cour de cassation a énoncé dans un arrêt du 18 mai 2010 (Larzul) que la violation d’une disposition statutaire n’entraine pas la nullité d’un acte ou d’une délibération sociale sauf si est violée une disposition statutaire faisant usage d’une faculté offerte par la loi d’aménager une disposition légale impérative.
Une normativité limitée de la SAS
La chambre commerciale a réitéré cette décision dans le contexte d’une SAS ; la violation des statuts n’entrainait pas la nullité de cette décision sauf si la clause statutaire adaptait une disposition impérative (Com. 26 avril 2017).
Or, la SAS est connue pour la grande liberté qui est laissée aux rédacteurs des statuts. En conséquence de sa réglementation légère, il existe peu de dispositions impératives susceptibles d’être aménagées dans les SAS.
La Cour de cassation a réagi afin de renforcer le caractère impératif des statuts de SAS.
Revirement de jurisprudence : sanction de la violation des statuts de la SAS
Dans un arrêt en date du 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation admet que les limitations apportées par la jurisprudence précitée à la possibilité de voir sanctionnée par la nullité la méconnaissance de dispositions statutaires conduisent à ce que leur violation ne puisse être sanctionnée dans les SAS. Par conséquent, elle permet l’annulation d’une délibération collective en violation des statuts. Pour autant, la Cour pose toujours des limites à l’obtention de la nullité d’une décision sociale de SAS.
La violation des statuts d’une SAS cause de nullité de la délibération
La Cour de cassation s’est employée à compléter, pour les SAS, le régime de droit commun des nullités en permettant l’annulation des décisions collectives en violation des statuts.
Une interprétation nouvelle de l’article L. 227-9 al. 1 du Code de commerce
L’article L. 227-9 al. 1 du Code de commerce énonce que les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient. Les juges ont affirmé que le quatrième alinéa permettait de compléter spécifiquement pour les SAS le régime de droit commun des nullités des actes ou délibérations des sociétés. Il doit être lu « comme visant les décisions prises en violation de clauses statutaires stipulées en application du 1er alinéa ».
La nullité demandée par tout intéressé
De cette interprétation innovante, les juges affirment qu’il est permis à « tout intéressé » de rechercher la nullité de la décision qui a été prise dans des conditions non conformes aux statuts. Pour autant, cette faculté comporte des limites.
Les limites à la nullité d’une décision sociale de SAS
La Cour de cassation a posé deux limites à la nullité des décisions sociales de SAS en violation des statuts. D’une part, l’arrêt ne vise que les décisions collectives. D’autre part, il semble qu’il soit nécessaire de démontrer l’existence d’un grief pour obtenir la nullité de la délibération.
La condition d’une décision collective
Bien souvent, les statuts de SAS confient la prise de certaines décisions à des organes sociaux (président, directeur général, directeurs généraux délégués…). Or, conformément à la jurisprudence, la nullité d’une décision prise en violation des statuts peut être demandée lorsqu’il s’agit d’une décision collective, autrement dit, d’une décision prise par les associés réunis en assemblée générale. Il faut donc veiller à ne pas opérer de confusion.
La condition de l’existence d’un grief
Les juges de cassation posent une condition à la recherche de la nullité de la décision sociale. En effet, il est nécessaire que le demandeur apporte la preuve que la violation « est de nature à influer sur le résultat du processus de décision ». Une irrégularité substantielle doit être mise en lumière.
En conclusion, même si la Cour de cassation impose certaines conditions, la recherche de l’annulation d’une telle décision est désormais facilitée. La jurisprudence étant récente, il convient de rester vigilant quant aux précisions à venir de la Cour.
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