La question de l’abus de minorité est essentielle en droit des sociétés. Cette problématique revêt un caractère complexe qui requiert une analyse rigoureuse. Comme dirait l’adage, la justice n’est pas une question de majorité, mais de droit. Or, il peut arriver que les minoritaires abusent de ce droit. D’aucuns savent que l’abus de droit est sanctionné par le droit positif depuis l’arrêt Clément Bayard de 1916.
Quelles sont les conditions de l’abus de minorité ? Comment l’abus de minorité est-il sanctionné ? Qu’est-ce qu’un abus d’égalité ? On vous dit tout.
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Sommaire
Conditions de l’abus de minorité
L’abus de minorité doit répondre à deux conditions pour être qualifié. D’abord, il doit exister une capacité des minoritaires à bloquer une opération. Ensuite, il faut que cette opération soit essentielle à la survie de la société.
La capacité de bloquer une décision
Une grande partie des décisions sociales doivent être prises non à la majorité qualifiée. Par exemple, les décisions modificatives des statuts d’une SARL sont décidées par les associés représentant au moins les trois quarts des parts sociales. Dans ces circonstances, il est possible que des minoritaires décident de bloquer une décision. Dans une SARL, un minoritaire possédant 25% des parts sociales peut bloquer une modification statutaire.
Certaines décisions doivent même être adoptées à l’unanimité. Dans ces circonstances, chaque associé dispose d’un droit de veto. Il est capable de bloquer une décision à lui seul.
Il faut alors distinguer le vote « contre » qui est légitime et l’opposition aveugle. Le pouvoir de l’associé minoritaire ne doit pas nuire à l’intérêt social. Ainsi, la jurisprudence a posé le critère de « l’opération essentielle à la société ».
Empêchement d’une opération essentielle à la société
L’opération essentielle à la société est celle dont l’empêchement remet en question la survie de la société (Com. 15 juill. 1992, six).
Il existe de nombreuses situations de blocages qui entrent en contrariété avec l’intérêt social. D’abord, sont reconnus d’abus de minorité les associés qui s’opposent aveuglément au transfert de siège social (CA Rennes, 13 juin 2000). Ensuite, le minoritaire qui refuse une augmentation de capital sans laquelle la société serait menacée de dissolution réalise un abus de minorité (CA Paris, 11 févr. 2014). À l’inverse, si l’augmentation de capital ne répond qu’à une ambition économique, le minoritaire ne réalise pas un abus de minorité en s’y opposant pour éviter l’effet de dissolution.
Sanction de l’abus de minorité
L’abus de minorité fait l’objet d’une sanction classique : le paiement de dommages-intérêts. Les juges de cassation sont venus préciser qu’il ne s’agissait pas de la seule sanction possible (Com. 14 janv. 1992, Vitama). En effet, le juge peut nommer un mandataire chargé de se substituer aux associés minoritaires. Explications.
Indemnisation du préjudice subi par la société
Les majoritaires peuvent rechercher la condamnation des minoritaires sur le fondement de l’article 1240 du Code civil. Ils peuvent obtenir le paiement de dommages et intérêts en raison du préjudice subi. Le délai pour agir est de 5 années.
Substitution d’un mandataire aux minoritaires
Contrairement à l’abus de majorité qui est sanctionné par la nullité de la délibération, l’abus de minorité a un effet négatif qui se traduit par l’absence d’adoption d’une délibération. Il n’est donc pas possible d’annuler le rejet d’une délibération.
Les juges ont rejeté la théorie du jugement valant acte. Cela signifie que le jugement constatant l’abus de minorité ne peut avoir pour effet de se substituer au vote de la délibération en bonne et due forme. Pour autant, la jurisprudence permet au juge de nommer un mandataire ad hoc qui est chargé de se substituer aux associés minoritaires (Com. 9 mars 1993, Flandin).
Il faut à ce stade préciser que le juge ne peut indiquer au mandataire social qu’il a nommé le sens dans lequel il devra voter en lieu et place des minoritaires (Cass. 14 févr. 2014). Le mandataire doit voter « dans le sens de l’intérêt social ». Ce sont les minoritaires qui supportent les frais du mandataire. La société ne les supporte pas.
Le mandataire est tenu de rendre des comptes aux minoritaires sur l’exécution de son mandat. Il ne peut se retrancher derrière le secret professionnel justifié par son statut de mandataire judiciaire (Cass. com., 18 nov. 2014).
Une variété d’abus de minorité : l’abus d’égalité
L’abus de minorité peut prendre la forme originale d’un abus d’égalité. Il convient d’apprécier ses spécificités.
Régime de l’abus d’égalité
L’abus de minorité est une variété d’abus de minorité. Son régime est globalement le même que pour l’abus de minorité.
L’abus d’égalité vise l’hypothèse où deux associés se partagent la moitié du capital. Par conséquent, toutes les décisions nécessitent l’unanimité. Ces circonstances peuvent être source de blocages.
Si un associé s’abstient de voter ou vote systématiquement contre son coassocié, la société est dans une impasse. Le refus de vote n’est pas en soi fautif. Il faut vérifier si la condition de l’empêchement d’une opération essentielle à la société est remplie.
Sanction de l’abus d’égalité
Le plus souvent, le juge nomme un administrateur provisoire afin que les tensions aillent en s’apaisant. Il ne peut pas prononcer l’exclusion de l’associé à l’origine du blocage.
Dès que l’abus d’égalité est caractérisé, l’associé s’expose au paiement de dommages et intérêts. Étant seul responsable du blocage, le montant de l’indemnité peut être élevé.
La nomination d’un mandataire ad hoc représentant l’associé bloquant est envisageable. Or, cette situation n’est pas viable à long terme. Si le juge considère que la situation de mésentente est irrémédiable, il peut prononcer la dissolution pour mésintelligence.
En cas de difficultés relatives à l’abus de minorité ou d’égalité en droit des sociétés, il convient de se faire assister par des experts en droit des affaires. Nous vous invitons donc à prendre contact avec le cabinet d’avocats d’affaires Billand & Messié afin de bénéficier d’un accompagnement juridique personnalisé.
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