La révocation constitue l’une des causes de la cessation des fonctions du dirigeant. Lors de sa révocation, le mandat en vertu duquel le dirigeant gère la société prend fin à la suite d’une décision des associés, des actionnaires ou de l’organe de contrôle de la société tel qu’il a été défini dans les statuts.
En principe, la révocation du dirigeant est libre et peut avoir lieu sans motif. Néanmoins, pour certains dirigeants que la loi désigne, l’absence de juste motif de révocation donnera lieu au versement d’une indemnité au profit du dirigeant révoqué.
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Sommaire
Les motifs de révocation du dirigeant
La libre révocabilité du dirigeant
Afin de préserver la liberté de révoquer le dirigeant, le juge condamne les procédés visant à rendre le dirigeant inamovible.
Le principe de la révocation ad nutum
Le droit français consacre le principe de libre révocabilité du dirigeant de société. Cette liberté offerte aux associés et actionnaires de révoquer le dirigeant sans préavis et sans motif est qualifiée de révocation ad nutum. Il s’agit d’un principe d’ordre public auquel les parties ne sauraient déroger au moyen de dispositions statutaires ou extra-statutaires contraires.
Le cas particulier du “parachute doré”
Afin de pallier l’aléa de la révocation, il arrive fréquemment que les dirigeants négocient une indemnité conventionnelle versée au moment de la cessation de leurs fonctions. Cette indemnité conventionnelle, communément appelée “parachute doré”, ne doit pas avoir pour objet ou pour effet de restreindre la révocation ad nutum du dirigeant. En effet, la jurisprudence conclut à la nullité des stipulations dont les conséquences financières sont de nature à dissuader les associés ou actionnaires de révoquer le dirigeant.
Tel serait par exemple le cas si :
- La stipulation statutaire ou extra-statutaire prévoit le versement au dirigeant d’une indemnité dont le montant est dissuasif au regard de la situation financière de la société.
- La révocation est subordonnée à l’attribution d’un contrat de travail dans la société.
La révocation est subordonnée à l’engagement de racheter les droits sociaux du dirigeant à un prix trop élevé.
L’exigence d’un “juste motif”
Pour certains dirigeants, la loi peut imposer que la décision de révocation soit prise pour une raison sérieuse qualifiée de “juste motif”.
Les dirigeants concernés
En l’absence de clause statutaire contraire sont révocables sur “juste motif” les dirigeants suivants :
- Le gérant d’une SNC.
- Le gérant d’une SCS.
- Le gérant d’une SARL. A cet égard, faute de disposition légale l’interdisant, le gérant associé peut prendre part au vote de révocation.
- Le directeur général d’une SA sauf lorsqu’il assume également les fonctions de Président du conseil d’administration.
- Les directeurs généraux délégués d’une SA.
- Les membres du directoire d’une SA.
Dans la société par actions simplifiée (SAS), ce sont les statuts qui déterminent les modalités de révocation du Président, rien n’étant prévu par le Code du commerce. En l’absence de prévision statutaire, la jurisprudence retient que le dirigeant de la SAS est révocable ad nutum.
La définition du “juste motif”
Le “juste motif” n’est pas défini par les textes et relève d’une appréciation souveraine des juges. En pratique, le “juste motif” peut être caractérisé en présence d’une violation de la loi ou des statuts d’un certain degré de gravité. Plus généralement et en dehors de toute faute du dirigeant, la jurisprudence a pu considérer que le “juste motif” est celui qui procède d’une incompatibilité entre l’intérêt de la société et la poursuite des fonctions de dirigeant.
Voici quelques-unes des principales causes de révocation ayant pu être désignées comme étant de “justes motifs” de révocation :
- La faute de gestion du dirigeant.
Par exemple : des dépenses engagées par le dirigeant et non justifiées par un intérêt social.
- Le manquement du dirigeant à une obligation légale ou statutaire.
Par exemple : le refus du dirigeant de satisfaire à l’obligation de convoquer l’assemblée générale d’approbation des comptes.
- Le comportement déloyal du dirigeant.
Par exemple : la concurrence déloyale du gérant tenu d’une obligation de loyauté envers la société qu’il dirige.
- La divergence de vues avec les associés sur la politique sociale.
Afin d’être constitutive d’un “juste motif” cette divergence de vues doit être de nature à compromettre le fonctionnement de la société. Un simple désaccord ne suffit pas.
Les conséquences de la révocation du dirigeant
L’indemnisation légale du dirigeant révoqué
L’absence d’indemnisation légale
Le principe étant celui de la révocation ad nutum, la révocation sans motif du dirigeant aura un effet immédiat et ne donnera lieu à aucune indemnisation (sauf clause contraire).
De même, lorsque le dirigeant est révoqué pour une cause sérieuse constitutive d’un “juste motif” tel que défini précédemment, sa révocation ne donne pas lieu à l’allocation d’une indemnité.
Le versement de dommages et intérêts
A l’inverse, lorsque la loi exige un “juste motif” et qu’il n’est pas dérogé à cette exigence par une disposition contraire, le dirigeant révoqué sans “juste motif” pourra se voir octroyer des dommages et intérêts. Leur montant exact sera fonction de l’étendue et de la gravité du préjudice subi par le dirigeant et non de la rémunération que le dirigeant aurait dû percevoir jusqu’à la fin de son mandat.
Les points de vigilance
La révocation abusive
L’exercice du droit de révoquer le dirigeant, avec ou sans juste motif, trouve sa limite dans la théorie de l’abus de droit. En effet, la révocation pourra être qualifiée d’abusive et donner lieu à des dommages et intérêts calculés en fonction du préjudice subi par le dirigeant lorsque les circonstances entourant la révocation seront considérées comme brutales et/ou vexatoires.
Tel sera notamment le cas lorsque :
- La révocation porte atteinte à la réputation et à l’honneur du dirigeant.
- La révocation est intervenue sans que le dirigeant ne puisse présenter des observations avant le vote de la décision de sa révocation.
En effet, peu importe que la révocation soit motivée ou non par de “justes motifs”, ces motifs doivent être communiqués au dirigeant afin qu’il puisse exposer ses arguments avant le vote. La procédure de révocation doit respecter le principe du contradictoire.
La procédure de vote et la publicité de la révocation du dirigeant
La résolution prévoyant la révocation du dirigeant devra être votée conformément aux modalités de vote en assemblée générale ou par l’organe désigné pour révoquer un dirigeant (majorité, convocation, AG avec révocation à l’ordre du jour etc).
La révocation n’est opposable aux tiers qu’après publication. Dès lors, dans un souci de sécurité juridique, il convient de ne pas tarder à procéder aux mesures de publicité de la révocation :
- Insertion dans un JAL du siège social
- Inscription modificative au RCS
- Insertion au BODACC