Le chef d’entreprise peut envisager une augmentation de capital pour diverses raisons. Lorsqu’il envisage cette opération comme un moyen de financement pour la société, il convient de réaliser une augmentation de capital par apport en numéraire. Cette opération permettra ainsi à la société de se procurer de nouvelles liquidités. Selon que la société soit en bonne santé financière ou non, les associés déjà en place pourront participer à cette augmentation de capital. Sinon, le financement se trouvera à l’extérieur.
L’opération d’augmentation de capital doit être validée en amont par l’assemblée générale via une procédure lourde avec des conditions préalables à respecter pour passer à l’étape de sa réalisation effective.,
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Sommaire
Les conditions préalables
Certaines conditions devront être vérifiées afin de passer à l’étape de la décision prise en assemblée générale.
La libération intégrale du capital déjà souscrit
La condition de la libération intégrale du capital déjà souscrit est exigée explicitement par le Code de commerce pour les sociétés à responsabilité limitée et pour les sociétés par actions. En effet, s’agissant des sociétés à responsabilité limitée, l’article L.223-7 du Code de commerce prévoit qu’une augmentation de capital par apport en numéraire qui se traduit par la création de nouvelles actions, n’est envisageable que si le capital ancien est intégralement libéré, c’est-à-dire si tous les fonds ont été effectivement versés par les souscripteurs. La même règle est édictée par l’article L.225-131 du Code de commerce pour les sociétés par actions. Toutefois, pour les autres sociétés, rien n’est prévu clairement par le Code de commerce.
Le non-respect de la condition de libération intégrale du capital déjà souscrit est sanctionné par la nullité de l’augmentation de capital. Il s’agit d’une nullité de plein droit, prévue à l’article L. 225-149-3 du Code de commerce, et soumise à une prescription de 3 mois à compter de l’assemblée générale ayant réalisé l’opération.
De plus, en cas de violation avérée de cette condition, le dirigeant de la société sera tenu solidairement responsable du préjudice éventuellement causé aux tiers et/ou aux actionnaires qui est subséquent à la modification irrégulière des statuts.
La vérification de l’actif et du passif
Vérifier l’actif et le passif social revient à vérifier la situation financière de la société. Cette condition préalable ne concerne toutefois pas toutes les sociétés. Elle n’est en effet rappelée que pour les sociétés par actions, à l’article L. 225-131 du Code de commerce. Ainsi, dans cet unique cas particulier, la vérification de l’actif, du passif et des avantages particuliers consentis par un commissaire aux apports nommé au moment de l’augmentation de capital, devra précéder toute augmentation de capital par offre au public réalisée moins de 2 ans après la constitution d’une société par action. Cette règle a été créée afin d’éviter qu’une société puisse se créer facilement et ensuite profiter de cet appel public à l’épargne. Cela permet donc de protéger les souscripteurs.
En cas de violation de cette condition, l’augmentation de capital peut être déclarée nulle. Il s’agit d’une nullité relative encadrée par l’article L. 225-149 du Code de commerce. Il est également possible d’engager la responsabilité du dirigeant si un préjudice aux actionnaires et/ou aux tiers est avéré, en vertu de l’article L. 210-8 du Code de commerce.
La décision d’augmentation du capital social
La décision d’augmentation de capital implique une modification du capital et donc forcément des statuts. Pour cette raison, cette décision doit se prendre en assemblée générale extraordinaire. Cependant, il est possible pour l’assemblée générale de déléguer ses attributions à d’autres organes.
Une décision d’assemblée générale
La compétence de principe de l’assemblée générale
L’assemblée générale des associés a, dans toutes les sociétés, la compétence pour procéder à l’augmentation de capital, notamment par apport en numéraire, lors d’une assemblée générale extraordinaire (AGE).
Toute décision qui contreviendrait à cette compétence de principe serait nulle, en vertu de l’article L. 225-149 du Code de commerce.
Nota bene : pour les sociétés à capital variable, il n’est pas nécessaire de convoquer l’assemblée.
Un corpus de règles différent selon le type de société
Dans certaines sociétés comme les sociétés par actions, la décision d’augmentation du capital ouvre un délai de 5 ans pour réaliser l’opération, conformément à l’article L. 225-129 du Code de commerce.
Au sein d’une société par actions, avant de procéder à l’augmentation de capital, l’organe de direction ou d’administration doit présenter un rapport contenant certaines mentions (motifs de l’augmentation de capital, état des affaires sociales depuis le début de l’exercice, situation financière de la société au cours de l’exercice, précisions sur le droit préférentiel de souscription) dont la liste exhaustive est prévue aux articles R. 225-113 et L. 225-129 du Code de commerce.
Ce rapport qui présente l’objet de la réunion, devra être lu au moment de l’assemblée générale.
L’assemblée générale doit veiller à respecter les règles de convocation, de quorum et de majorité pour que la modification des statuts soit valide. Pour rappel, le quorum correspond au minimum de personnes présentes pour que l’assemblée générale puisse avoir lieu tandis que la majorité correspond au nombre de voix nécessaires pour que la disposition votée soit adoptée.
Lorsque l’augmentation de capital en numéraire se réalise par l’augmentation de la valeur nominale des titres, la décision doit être prise à l’unanimité, en vertu de l’article 1836 du Code civil, notamment car cela engendre corrélativement l’augmentation des engagements des associés.
Lorsque l’augmentation de capital en numéraire se réalise par l’émission de nouveaux titres, les règles suivantes s’appliquent :
- S’agissant des sociétés anonymes, sociétés par actions et sociétés en commandite par actions :
- Le quorum est :
- D’1/4 des actions pour la première convocation ;
- D’1/5 des actions si le quorum n’est pas atteint, à la seconde convocation.
- La majorité : de 2/3 des actionnaires présents ou représentés selon l’article L.225-96 du Code de commerce.
Nota bene : Ces règles s’appliquent aux sociétés par action simplifiée de manière supplétive, autrement dit, il est possible d’appliquer des conditions de quorum et de majorité différentes en vertu de la liberté contractuelle.
Pour les sociétés à responsabilité limitée, il faut distinguer selon la date de création des sociétés :
- Pour les sociétés immatriculées après le 4 août 2005, les mêmes règles que les sociétés par actions s’appliquent concernant le quorum et la majorité.
- Pour les sociétés immatriculées avant le 4 août 2005, il n’y a pas de règles de quorum, la décision d’augmentation de capital par apport en numéraire est prise avec une majorité renforcée (¾ des parts sociales).
La possibilité de délégation
Le processus à mettre en place étant relativement lourd, l’ordonnance du 24 juin 2004 a créé la possibilité pour l’assemblée générale de déléguer ses attributions à l’organe de direction ou à l’organe d’administration. Pour les sociétés par actions, cette possibilité est prévue par l’article L. 225-129 du Code de commerce qui dispose que l’assemblée générale extraordinaire peut déléguer cette compétence via une délégation de pouvoir ou de compétence.
La délégation de pouvoir
Régie par l’article L. 225-129-1 du Code de commerce, ce procédé prévoit que l’assemblée générale extraordinaire décide du principe de l’augmentation de capital et permet aux organes de gestion de la société (conseil d’administration, directoire) de fixer les modalités de l’opération. Cette délégation est plus restreinte que la délégation de compétence.
L’augmentation de capital doit être réalisée impérativement dans un délai de 5 ans à compter de la délégation.
La délégation de compétence
Régie par l’article L. 225-129 du Code de commerce, cette délégation permet aux organes de gestion de la société de décider du principe même de l’augmentation de capital. L’assemblée générale peut toutefois limiter cette délégation, par exemple, à la création de certaines valeurs mobilières (actions ordinaires ou actions de préférence, actions ou obligations).
L’article L. 225-129-2 du Code de commerce prévoit certaines conditions :
– Une durée maximale de 26 mois pour prendre la décision d’augmentation de capital.
– Un délai de 5 ans pour réaliser l’augmentation de capital, une fois la décision prise.
– Un plafond maximal de l’augmentation de capital, décidé par l’assemblée.
Selon l’article L. 225-129-2 alinéa 3 du Code de commerce, certaines décisions doivent faire l’objet de délégations spéciales et d’un vote exprès de l’assemblée générale extraordinaire, telles que la suppression du droit préférentiel de souscription (article L. 225-135 du Code de commerce) ou la création d’actions de préférence. Un rapport spécial pourra également être remis par le commissaire aux comptes.
La réalisation effective de l’augmentation de capital
La réalisation effective de l’augmentation de capital se réalise en plusieurs temps. Tout d’abord, il faut se charger de la publicité préalable puis des opérations de souscription et de libération des droits sociaux nouveaux.
Les règles de publicité préalables
Lorsque la décision est prise par l’assemblée générale extraordinaire ou par le dirigeant agissant par délégation, elle doit être déposée au greffe du Tribunal de commerce afin d’informer les tiers (conformément aux articles L. 225-142 et R. 123-107 du Code de commerce).
Il convient également de porter à la connaissance des actionnaires et/ou des tiers la décision d’augmentation de capital, ainsi que les modalités de souscription aux actions nouvelles, les modalités de sa réalisation. Un courrier en lettre recommandée avec accusé de réception doit être envoyée aux actionnaires de manière nominative, 14 jours au moins avant la date prévue de la clôture de la souscription, qui mentionne certains éléments (montant de l’augmentation de capital, date d’ouverture et de fermeture de la souscription, existence au profit des actionnaires de leur droit préférentiel de souscription et la possibilité de le faire jouer), en vertu de l’article R. 225-120 du Code de commerce.
L’étape de la souscription des droits sociaux
Conformément à l’article L. 225-143 du Code de commerce, les actionnaires reçoivent un bulletin de souscription nominatif. Ce document formalise l’engagement de souscription et donc l’engagement de versement d’une somme définie. Il est soumis à un formalisme assez simple encadré par l’article R. 225-5 du Code de commerce qui prévoit que le bulletin doit comporter certaines informations (nom et prénom, nombre de titres prévus de souscrire, valeur totale des actions que l’on va souscrire, signature de l’actionnaire). Ce bulletin protège ainsi l’actionnaire contre les erreurs qui peuvent survenir, notamment sur le montant qui peut être ajusté le cas échéant en vertu de l’article L. 225-135-1 du Code de commerce.
Les anciens actionnaires n’ont pas l’obligation d’utiliser leur droit préférentiel de souscription. Ils peuvent mentionner la non mise en œuvre de leur droit sur le bulletin.
L’étape de la libération des droits sociaux nouveaux
La libération des droits sociaux nouveaux
La libération des droits sociaux nouveaux diffère selon le type de sociétés.
Sociétés à responsabilité limitée
S’agissant des sociétés à responsabilité limitée, l’article L. 223-32 du Code de commerce prévoit que les parts sont obligatoirement libérées lors de la souscription d’1/4 au moins de leur valeur nominale et que le reliquat doit être libéré dans les 5 ans sur appel du conseil d’administration.
Sociétés par actions
S’agissant des sociétés par actions, selon l’article L. 225-144 du Code de commerce, les actions souscrites en numéraire doivent être libérées au moment de la souscription à hauteur d’au moins ¼ de leur valeur nominale mais de la totalité de la prime d’émission. Le reliquat doit également être libéré dans les 5 ans.
Autres sociétés
Hormis les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions, la libération n’est soumise à aucune règle légale ou réglementaire et se fait au gré de la volonté du dirigeant.
Les sanctions
En cas de violation des règles de libération, des sanctions sont prévues pour sanctionner la non-libération de la dette :
– Des sanctions civiles générales (intérêts de retard payés par le débiteur de la dette de libération, condamnation au paiement de dommages-intérêts en cas de préjudice avéré pour la société, en vertu de l’article 1843-3 du Code civil) ;
– Une sanction spécifique, prévue par les articles L. 228-27 et L. 228-29 du Code de commerce, de privation :
o des droits de vote lors des assemblées générales ;
o des droits aux dividendes.
Les modalités de libération
Afin de libérer les sommes souscrites lors de l’augmentation de capital, il y a deux façons de procéder :
- La libération par un versement de numéraire
Cela correspond à un versement par espèces ou par virement. En vertu de l’article L. 223-32 du Code de commerce, le dépôt des fonds provenant de la libération du numéraire et des parts souscrites s’effectue auprès d’un notaire, d’une banque (le plus courant) ou de la Caisse des dépôts et des consignations. Le dépositaire des fonds fournira un document, plus ou moins formalisé selon le type de société, attestant du dépôt effectif des sommes.
- La libération par compensation
Encadrée par l’article L. 225-128 du Code de commerce, la compensation avec des créances liquides et exigibles sur la société constitue un autre mode de libération qui est possible pour les sociétés par actions, et selon la Cour de cassation, également pour les sociétés à responsabilité limitée. Un certain formalisme doit être respecté (article L. 225-134 du Code de commerce) :
- Un arrêté de compte doit être réalisé par le dirigeant ou le conseil d’administration et indiquer le montant de la créance et préciser que cela engage leurs responsabilités respectives.
- La certification « exact » doit être apposée par le commissaire aux comptes.
Les formalités à accomplir
La date est en général fixée à la date du certificat du dépositaire des fonds conformément à l’article R. 225-135 du Code de commerce, ou à la date de l’arrêté des comptes.
Afin de rendre l’opération définitive, le dossier à transmettre devra inclure les documents listés ci-après, tous certifiés conformes par le dirigeant :
- Le formulaire M2 (de déclaration de modification d’une personne morale) en 3 exemplaires ;
- Un exemplaire du procès-verbal d’augmentation de capital ;
- Un exemplaire des statuts mis à jour ;
- L’attestation de la publication de l’annonce légale qui doit par ailleurs contenir les informations suivantes :
- La dénomination sociale ;
- La forme juridique de la société ;
- L’adresse du siège social et le numéro SIREN ;
- Le montant de l’ancien capital social et du nouveau ;
- La mention de l’organe ayant pris la décision d’augmentation de capital ;
- La précision de l’article des statuts modifié par l’opération.
- Le certificat du commissaire aux comptes ou du dirigeant attestant la libération par compensation ;
- Un pouvoir si le représentant légal n’est pas le signataire du document ;
- Le règlement des frais de greffe (environ 200 €).
Ces documents devront être enregistrés auprès du service des impôts et incorporés à un dossier remis au greffe du Tribunal de commerce ou au Centre de formalités des entreprises (CFE) compétent.
Enfin, des frais d’un montant de 375 € ou 500 € selon le montant du capital social, sont à prévoir et doivent être acquittés auprès du centre des impôts.
Une fois la procédure achevée et les formalités accomplies, l’augmentation du capital sera effective à compter :
– De la date de l’assemblée générale extraordinaire pour une société à responsabilité limitée ;
– De la date de l’établissement du certificat du dépositaire pour une société à action simplifiée.
Les délais à avoir en tête
Le délai de 5 ans pour libérer le reliquat devra également être respecté.
Un autre délai est important : celui des 6 mois après l’ouverture de la souscription. Si ce délai est dépassé et que l’augmentation du capital n’est pas réalisée, n’importe quel souscripteur peut demander la restitution des fonds versés via le mandataire ad hoc.
Par Inès Belkheiri – Juriste
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