En toute hypothèse, la réduction de capital est toujours la conséquence d’une décision des associés qui va porter atteinte à la fixité du capital. Outre les règles générales, des règles spécifiques à chacune des formes de réduction de capital existent. En effet, selon que la réduction du capital est motivée par des pertes ou par l’absence de pertes, les règles diffèrent.
Une demande spécifique ? Un avocat vous recontacte
Sommaire
La réduction de capital motivée par des pertes
L’objectif d’une réduction en présence de pertes
Le traitement comptable et structurel
D’un point de vue comptable
Par une opération de réduction de capital, la société peut vouloir assainir sa situation financière. Mais dans d’autres cas, cela peut devenir une mesure obligatoire, notamment lorsque les capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié du capital social. On va ainsi imputer ces pertes sur le capital social, ce qui va procéder à sa réduction, mais on va aussi les faire disparaître du bilan pour assainir la situation bilancielle de la société d’un point de vue comptable. Il y a donc un appauvrissement réel de la société mais qui correspond en réalité à l’obligation de contribuer au passif incombant aux associés, qui ne devrait intervenir qu’à la fin de la vie de la société.
D’un point de vue structurel
Cette opération ne fait souvent que préparer une augmentation de capital ultérieure afin de se procurer de nouveaux capitaux.
Le traitement juridique
Dans les opérations de réduction motivées par des pertes, le traitement juridique correspond à une décision de l’assemblée générale extraordinaire. Toutefois, deux situations se dégagent en fonction de l’état des capitaux propres.
Si les capitaux propres sont supérieurs à la moitié du capital social
Dans ce cas de figure, la réduction de capital est assez libre. L’assemblée générale extraordinaire conserve une marge de liberté dans la réalisation de l’opération puisqu’elle peut librement décider des conditions de l’opération et notamment de la consistance du montant des pertes à apurer. Elle doit seulement définir exactement le montant des pertes, à la fin d’un exercice, au moment de l’approbation des comptes et de l’affectation des résultats.
Si les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social
Dans cette situation, la réduction de capital est encadrée par la loi et apparaît comme une solution qui s’impose à la SA et aux SPA en vertu de l’article L. 225-248 du Code de commerce et aux SARL en vertu des articles L. 223-42 et s. du Code de commerce.
En toute logique, le montant n’est alors pas librement fixé par l’assemblée générale extraordinaire mais déterminé au regard du montant nécessaire pour porter le montant des capitaux propres de la société à une valeur au moins égale à la moitié du capital.
De plus, la décision de réduction de capital doit être prise au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue (le point de départ est le jour où l’AG a approuvé les comptes et a fait apparaître la perte).
À défaut de réalisation de la réduction de capital dans ce délai de deux ans, le fonctionnement de la société sera considéré comme irrégulier. La société encourt alors la dissolution qui peut intervenir à la demande d’un tiers intéressé ou encore du greffier en charge de la régularité. Par ailleurs, le dirigeant social risque également d’engager sa responsabilité.
Les conséquences de la décision de réduction de capital
La décision de réduction de capital va emporter inévitablement une diminution de la participation des associés au sein de la société sans qu’il y ait nécessairement de remboursement des titres. Cette diminution des titres peut prendre deux formes.
Une réduction du nominal des actions
C’est la méthode qui est la plus utilisée parce qu’elle permet de contourner la problématique des rompus (valeur fractionnaire correspondant au rapport entre la valeur nominale d’une action nouvelle et la valeur nominale d’une action ancienne). Cela fonctionne d’autant plus qu’on a supprimé dans la plupart des sociétés l’obligation pour les titres d’être dotés d’une valeur nominale. La valeur nominale n’a même plus à être indiquée dans les statuts.
Une réduction du nombre de titres (actions ou parts sociales)
Cette question est complexe, notamment en raison de la question des rompus. Lorsque l’on va réduire le capital, la société va proposer à ses actionnaires de procéder à un échange de titres. Chaque associé va être appelé à recevoir un nombre d’actions ou de parts qui va être inférieur à celui qu’il avait avant l’opération de réduction de capital selon une clef de répartition. L’associé va pouvoir céder ses rompus à quelqu’un d’autre ou en acquérir pour essayer de rentrer dans la parité. Ainsi, en présence de rompus, on est dans l’obligation d’acheter d’autres titres pour pouvoir rester au sein de la société. Cette situation soulève de nombreuses interrogations notamment parce qu’elle va à l’encontre de l’article 1836 du Code civil qui prévoit que personne au sein d’une société ne peut se voir imposer une augmentation de ses engagements.
La réduction de capital non motivée par des pertes
De multiples finalités
En l’absence de pertes, une réduction de capital peut poursuivre des objectifs variés. Cela peut être un moyen pour un associé de sortir en annulant les titres. Une réduction de capital peut également être une technique de gestion financière en permettant à une société de ramener son capital qui était trop élevé à un niveau qui correspond à ses besoins réels de trésorerie et à son volume d’activité. La réduction de capital peut également permettre de dispenser les associés du versement du capital qui n’a pas encore été libéré en réduisant le capital à hauteur de ce qui n’a pas encore été libéré.
Un régime juridique plus encadré
Lorsque la diminution n’est pas motivée par les pertes, on appauvrit d’une certaine manière la société. Ainsi, les créanciers peuvent légitimement avoir un regard inquiet sur cette opération. C’est pourquoi, les modalités de cette forme de réduction de capital sont juridiquement plus encadrées et le régime juridique plus protecteur des créanciers.
Les modalités de réduction
Deux modalités de réduction sont possibles.
La réduction via le remboursement du capital aux actionnaires ou associés
Par la technique du remboursement partiel des apports aux actionnaires en place, la société peut soit diminuer la valeur nominale des actions, soit diminuer le nombre de titres sociaux. En contrepartie de l’annulation de ses titres par la société, l’associé ou actionnaire va bénéficier de quelque chose, qui peut être, entre autres, l’attribution d’un bien social mobilier ou immobilier. Dans ce type d’opération de réduction, l’unanimité est requise.
La réduction via le rachat par la société de ses propres titres
Lorsque l’on est en matière de SPA, notamment les SA, une société ne peut en principe pas acheter ses propres actions. Mais ce principe est assorti de quelques exceptions. Parmi ces exceptions, l’article L. 225-207 du Code de commerce que l’AG qui décide d’une réduction de capital non motivée par des pertes puisse autoriser le conseil d’administration ou le directoire à racheter un nombre déterminé de titres pour les annuler. En matière de SARL, l’article L. 223-34 du Code de commerce admet également dans la même situation la possibilité pour l’assemblée générale d’autoriser le gérant à procéder de la même façon sous réserve de respecter l’égalité qui existe entre les différents associés. La société va faire une offre d’achat qui va être dirigée à l’encontre de tous les associés selon un formalisme précis. Ceux qui le souhaitent pourront y participer et toute la collectivité devra être informée.
La protection des créanciers
Pourquoi protéger les créancier ?
La réduction de capital non motivée par les pertes peut avoir pour conséquence de flouer les créanciers. En effet, la réduction de capital vise à réduire le droit de gage général des créanciers sociaux. Or, ici, cette réduction de capital n’est pas motivée par le souhait d’assainir la situation financière mais généralement par des convenances personnelles. Découlent de cette situation les règles protectrices mises en place par le législateur.
Comment est mise en place cette protection ?
La procédure de droit d’opposition, possible pour les SA et SPA en vertu de l’article L. 225-205 du Code de commerce et pour les SARL en vertu de l’article L. 223-34 du Code de commerce, repose sur la possibilité pour les créanciers – qu’ils soient chirographaires ou privilégiés – d’exercer un droit d’opposition à l’opération de réduction de capital, par voie d’assignation dirigée contre la société, devant le Tribunal de commerce du lieu du siège social de la société. La seule condition est que la créance dont le créancier se prévaut soit antérieure à la date du dépôt au greffe du Tribunal de commerce du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire qui a décidé ou autorisé la réduction de capital. Une fois le procès-verbal déposé au RCS, un délai va commencer à courir qui est différent selon les sociétés (20 jours pour les SPA, 1 mois pour les SARL).
Lorsqu’un créancier assigne une société, le tribunal examine la demande et peut soit rejeter l’opposition ce qui permet à l’opération de réduction de capital de se réaliser, soit accueillir l’opposition et prononcer des mesures de protection (remboursement anticipé des créances, constitution de garanties par la société au profit des créanciers opposants). Le temps de la mise en œuvre de ces garanties retenues par le juge, les effets de l’opération de réduction de capital sont suspendus. Malgré la procédure des oppositions, et la suspension des effets de l’opération, la réduction de capital est considérée comme définitive dès la décision de l’assemblée générale et c’est à partir de là que les formalités publicitaires sont à réaliser.
Par Inès Belkheiri
Comments are closed.