En matière d’acquisition d’entreprises, la lettre d’intention permet de cadrer les négociations et d’organiser le processus de revente.
Cette lettre, aussi dénommé « lettre d’offre », est souvent contresignée par le vendeur. Celle-ci constitue alors un véritable protocole d’accord à rédiger avec précaution afin de protéger les intérêts respectifs des parties.
Notre cabinet d’avocats vous propose une synthèse des éléments essentiels à la rédaction d’une lettre d’intention (dénommée « letter of intent » ou « LOI » en langue anglaise).
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Sommaire
Sociétés et actifs inclus dans l’offre – Prix de l’offre
La lettre d’intention doit définir les sociétés et actifs concernés par l’offre
Quelque soit le type d’acquisition envisagée, la lettre d’intention doit en premier lieu préciser l’objet de l’offre d’acquisition, à savoir :
- l’acquisition de la totalité du capital d’une ou de plusieurs sociétés ;
- l’acquisition d’une participation majoritaire ou minoritaire ;
- l’achat d’une branche d’activité (business unit) ou d’un fonds de commerce.
Les sociétés et actifs concernés doivent être décrits avec précision afin d’éviter tout malentendus et litiges ultérieurs quand aux éléments compris dans le prix de cession.
Le prix d’acquisition ou une formule de calcul doivent être précisés
Lorsque les parties souhaitent que la lettre d’intention soit engageante (quand bien même l’offre restera soumise à des conditions suspensives), un prix d’acquisition doit être déterminé.
Néanmoins, la signature de la lettre d’intention intervient fréquemment plusieurs mois avant la finalisation de l’opération et il peut être inenvisageable de fixer un prix définitif lors de cette signature. En effet, une période intercalaire intervient suite à la signature de la lettre, période durant laquelle :
- l’acquéreur assurera le financement de l’acquisition ;
- un audit pourra être réalisé par l’acheteur ;
- le vendeur procèdera à l’information de ses salariés ;
- les restructurations préalables nécessaires seront organisées ;
- toutes les autres conditions suspensives devront être réalisées (voir ci-dessous).
Par conséquent, une formule de calcul du prix peut être introduite dans la lettre d’intention. Trois cas de figure sont envisageables :
Cas n° 1 : la formule peut être basée sur un prix fixé en euros et ajusté de certains éléments. Exemple : 1 million d’euros + trésorerie – dettes financières
Cas n°2 : la formule peut être basée sur un multiple de l’Ebitda ou de l’EBE (ou tout autre multiple) ajusté. Exemple : 6 x EBITDA + trésorerie – dette financières.
Cas n°3 : des compléments de prix appliqués aux résultat réalisés en N+1 et N+2 (voire N+3) peuvent être inclus.
Les notions de « dette financière », de « trésorerie » et d’Ebitda, ainsi que tout autre élément financier mentionné dans la formule de calcul, devront être précisément définis au sein de la lettre d’intention. Par ailleurs, la fixation d’une formule de prix nécessite d’établir des comptes intermédiaires arrêtés préalablement à la réalisation de l’acquisition et dédiés à la fixation du prix.
Conditions de paiement du prix
Les conditions de paiement du prix doivent être indiquées au sein de lettre d’intention. Plusieurs mécanismes existent :
- le prix d’acquisition peut être payé comptant à la date de réalisation de l’acquisition ;
- un crédit vendeur peut être accordé à l’acquéreur pour tout ou partie du prix. Un calendrier de paiement doit alors être fixé.
- une portion du prix à verser peut être séquestrée afin de garantir le paiement des indemnités éventuellement dues au titre de la garantie de passif (voir ci-dessous).
Période intercalaire et garantie de passif
Conduite des affaires durant la période intercalaire
La valeur de la société ou des actifs est susceptible d’être affectée par la gestion des dirigeants entre la signature de la lettre d’intention et la réalisation de la vente (période intercalaire). Il est ainsi courant, lorsqu’une lettre d’intention engageante est signée, de contraindre le vendeur à ne pas accomplir d’opérations de nature à influer significativement sur l’activité ou la valeur de l’entreprise.
Une clause de « conduite des affaires » (conduct of business) peut ainsi être introduite afin de contraindre le dirigeant :
- à exercer ses activités dans le cours normal des affaires avec prudence et diligence ;
- à se conformer à l’ensemble des dispositions légales et règlementaires applicables ;
- à ne pas procéder à des embauches ou licenciement sans l’accord de l’acquéreur potentiel ;
- à ne pas procéder à des distributions au profit des associés ou dirigeants (via des dividendes, des nouveaux contrats de prestations, etc…) ;
- à ne pas céder les actifs de la société ;
- à ne pas souscrire d’emprunts ou octroyer de garanties, etc…
Remarque : la clause de conduite des affaires n’est pas justifiée lorsque la lettre d’intention est une simple manifestation d’intérêts visant à entrer en pourparlers et ne fait état d’aucun engagement d’acquisition et de vente.
Prévoir la négociation d’une garantie de passif
La lettre d’intention peut venir préciser l’existence d’une garantie de passif qui sera stipulée dans le contrat de cession et définir les principaux contours de cette garantie.
L’acquéreur s’engage alors à acquérir la (ou les) société(s) sous réserve de l’octroi d’une garantie de passif venant garantir l’exactitude et la sincérité des informations et documents financiers, opérationnels et juridiques transmis par le cédant. La lettre d’intention précise généralement le plafond de la garantie de passif (entre 10% et 30% du prix total selon les opérations, sauf exception) ainsi que ses seuils de déclenchement.
Introduire des conditions suspensives (ou résolutoires) à l’acquisition
Les conditions suspensives permettent à l’acquéreur de conditionner l’effectivité de son engagement d’acquérir à la réalisation de plusieurs opérations préalables lui permettant de sécuriser l’opération envisagée.
Obtention d’un financement
Lorsque l’acquéreur ne finance pas l’acquisition sur ses fonds propres, un financement bancaire ou obligataire doit être mis en place.
Il est ainsi courant de conditionner la réalisation de l’acquisition à l’obtention d’un financement avant une date butoir. Cette date pourra être prorogée par les parties d’un commun accord.
Délivrance des autorisations nécessaires
Information des salariés et consultation du CSE
Selon les caractéristiques de l’opération envisagée, une procédure d’information-consultation peut devoir être respectée préalablement à l’opération de revente.
- En premier lieu, sous certaines conditions, la modification de l’organisation juridique d’une entreprise (fusion, cession, etc.) doit donner lieu à une information et une consultation préalable du CSE. L’employeur qui s’abstient d’effectuer une telle consultation commet un délit d’entrave au fonctionnement régulier du CSE.
- En second lieu, dans certains cas de figure, les salariés d’une société peuvent devoir être informés de la volonté des associés de céder leurs titres et de leur faculté de présenter une offre d’achat.
Le non respect de ces procédures et des délais de consultation étant porteurs de risques juridiques et financiers (quand bien même la nullité de l’opération n’est plus encourue), il est recommandé de s’assurer de leur applicabilité et, le cas échéant, de l’accomplissement des diligences nécessaires.
Autorisations administratives – Transfert des accréditations, certificats et licences administratives
- Autorisation administrative : lorsque l’activité exercée par la société est réglementée, la vente de la société ou des actifs peut nécessiter la délivrance d’une autorisation administrative (secteur de l’énergie, de la santé, de l’armement etc…). Par ailleurs, lorsque l’acquéreur est une entreprise étrangère, la règlementation relative à l’autorisation des investissements étrangers est susceptible de s’appliquer (L. 151-1 et s. du Code monétaire et financier). L’autorité de la concurrence peut être aussi habilitée à contrôler l’opération d’acquisition lorsque celle-ci dépasse certains seuils.
- Certificats, accréditations, licences : dans certains secteurs (certification, transport etc…) où l’activité repose sur un certificat ou une accréditation délivrée à l’entreprise, l’acquéreur devra s’assurer que l’acquisition n’a pas d’impact négatif sur le maintien de ces actifs clefs. En cas d’accord nécessaire de l’autorité concernée, celui-ci doit être obtenu préalablement à la finalisation de l’opération.
Changement de contrôle et maintien des principaux contrats (crédit, contrats fournisseurs, contrats clients, contrat de licence…)
En cas d’acquisition de la totalité ou de la majorité du capital d’une société, l’acquéreur devra veiller à prendre connaissance des clauses de changement de contrôle stipulées dans les principaux contrats conclus par la cible :
- contrats de financement bancaire ou obligataire
- contrats fournisseur
- contrats clients
- contrats de licence essentiels à l’activité de la société
- contrats de bail
- contrat de franchise, etc…
La clause de changement de contrôle permet au co-contractant de la société (banque, fournisseur, client, propriétaire d’un brevet ou d’une marque, franchiseur etc…) de résilier le contrat en cas de changement dans la répartition du capital entrainant une modification du contrôle de la société au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce. En matière de contrat de crédit, cette clause entraine par exemple le remboursement anticipé de l’emprunt.
Ils est donc clef d’obtenir la renonciation des co-contractants essentiels de la société à exercer les clauses de changement de contrôle afin de permettre une continuation normale de l’activité suite au rachat de la société.
Réalisation d’un audit juridique et financier
Il est courant que l’acquéreur procède à un audit financier et juridique lui permettant d’apprécier la réalité de la situation de la Société.
Le cédant s’engage ainsi, au sein de la lettre d’intention, à mettre à disposition un certain nombre de documents et informations préalablement à la réalisation de l’opération. Il peut être précisé que la révélation, lors de l’audit, d’un évènement significatif non communiqué avant la signature de la lettre d’intention entraine la cessation définitive du processus de rachat dès lors que la valorisation de la société est substantiellement affectée par cette révélation (exemple : contentieux non dévoilé, non respect du droit du travail, illégalité de l’activité exercée sans autorisation administrative, etc…). Ce mécanisme consiste à introduire une clause résolutoire entrainant la résolution automatique de la lettre d’intention. Une clause MAC peut aussi être introduite afin de mettre fin à l’opération en cas de circonstances exceptionnelles défavorables.
L’audit réalisé par l’acquéreur pourra permettre d’ajuster le prix (si celui-ci n’est définitivement fixé au sein de la lettre d’intention) et d’adapter la teneur de la garantie de passif.
Conclusion d’un pacte d’associés et de contrats d’accompagnement
Au delà du contrat de cession, la revente peut nécessiter la conclusion de contrats annexes tout aussi importants que le contrat de cession en lui même :
- en cas de cession partielle lors de laquelle le vendeur reste associé minoritaire de la société cédée, un pacte d’associés peut être conclu afin d’organiser les relations d’associés et la revente de la participation minoritaire du vendeur.
- lorsque le vendeur accompagne le repreneur suite à la cession (ce qui est courant pour des durées variant généralement entre 6 mois à 24 mois), un contrat de travail ou de prestations peut être négocié. La durée, les caractéristiques et la rémunération de cet accompagnement peuvent être intégrées dans la lettre d’intention.
La lettre d’intention a vocation à préciser les principaux termes du pacte et/ou du contrat de travail à conclure avant la réalisation de la vente. Dès lors que les parties souhaitent sécuriser l’accord, il est recommandé de rédiger la lettre d’intention de façon détaillée afin de limiter le risque de désaccord (et de blocage) lors de la rédaction effective de ce contrats.
Remboursement des comptes courants d’associés
Lorsque le cédant détient une créance en compte courant d’associé sur l’entité cédée, il est standard d’en prévoir le remboursement simultanément à la revente.
Concrètement, si la société dispose de la trésorerie nécessaire, le remboursement consistera en un simple virement de la société au jours de la cession (évidement documenté). A contrario, l’acquéreur devra mettre à disposition de la société, via une nouvelle convention d’apport en compte courant, les sommes nécessaires au remboursement du compte courant du vendeur.
Alternativement, l’associé vendeur peut procéder à la cession de sa créance au profit de l’acquéreur au jour de la cession. Le paiement de la créance par l’acquéreur sera alors réalisé concomitamment au paiement du prix.
Calendrier, exclusivité et confidentialité de l’opération
Introduire une clause de négociation exclusive
En fonction du caractère plus ou moins contraignant de la lettre d’intention, il peut être opportun d’interdire au vendeur d’entrer en pourparlers avec d’autres acquéreurs pendant une période déterminée.
Cette exclusivité vise à garantir une implication réelle du vendeur dans le processus de revente et permet à l’acquéreur de ne pas accomplir en vain des diligences parfois chronophages et couteuses.
Négocier un clause de confidentialité
L’introduction d’une clause de confidentialité est évidemment essentielle. Nous vous renvoyons à notre article dédié aux accords de confidentialité.
Fixer un calendrier de réalisation
L’établissement d’un calendrier durant lequel l’audit devra être réalisé par l’acquéreur et les différentes conditions suspensives réalisées permet de fixer une date limite de réalisation de l’opération.
Ce calendrier précisera en outre les délais dans lesquels les différents contrats devront être négociés et finalisés.
L’opportunité d’une acquisition (et, réciproquement, d’une revente) étant liée à la conjoncture existante lors de la signature de la lettre d’intention, il est déterminant de réduire au maximum le délai de réalisation effective de l’opération post signature de la lettre. Cette période intercalaire dure généralement entre 2 et 6 mois selon les opérations.
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