Personne clef de l’entreprise, le dirigeant se doit d’agir dans l’intérêt de la société qu’il dirige. Une obligation légale de loyauté pèse ainsi sur le dirigeant, permettant de sanctionner un acte de concurrence pendant l’exercice de ses fonctions. Cette obligation légale reste pourtant limitée et doit être renforcée par des stipulations complémentaires (clause de non-concurrence) pour protéger efficacement la société contre tout acte de concurrence potentiel de son dirigeant.
Notre cabinet d’avocats vous propose une présentation de l’obligation légale de non-concurrence des dirigeants ainsi que des stipulations contractuelles recommandées.
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Sommaire
L’obligation légale de non-concurrence
Le fondement de l’obligation de non-concurrence : le devoir de loyauté et de fidélité du dirigeant
Aucun texte ne vient expressément interdire à un dirigeant social de concurrencer la société qu’il représente. L’obligation de non-concurrence du dirigeant a été consacrée par la jurisprudence sur le fondement du devoir de loyauté et de fidélité à l’égard de la société qu’il dirige (Cass. 3ème civ., 11 févr. 1964 ; Cass. com., 27 févr 1996 ; Cass. Com., 15. nov. 2011). La cour de cassation a ainsi jugé dans sa décision de novembre 2011 que les actes de concurrence d’un gérant constituaient des manquements à son obligation de loyauté et de fidélité.
Ainsi, l’obligation de loyauté et de fidélité du dirigeant prend la forme d’une obligation de non-concurrence pendant la durée de ses fonctions et d’une obligation de concurrence loyale après leur cessation (comme tout autre personne).
Un dirigeant, même non lié par une clause de non-concurrence, ne peut donc exercer une activité concurrente à la société qu’il dirige, du seul fait de sa qualité de dirigeant, laquelle suppose loyauté et fidélité à l’égard de sa société. Le dirigeant créant une société exerçant une activité identique à la société qu’il représente commet ainsi une faute.
Quels mandataires sociaux sont soumis à ce devoir de loyauté et de fidélité ?
L’application du principe à tous les mandataires sociaux dirigeants
La décision de la Cour de cassation du 15 novembre 2011 a été rendue à propos d’un dirigeant de SARL ; nul doute que celle-ci s’applique à tous les mandataires sociaux dotés, seuls ou avec d’autres organes, de pouvoirs de direction (gérants de SARL, président de SAS, directeur général de SA, gérant de SCA).
La question concernant les mandataires sociaux non dotés de pouvoirs de direction
La question de savoir si cette règle s’applique à l’ensemble des mandataires sociaux se pose : les membre du conseil de surveillance ou du conseil d’administration d’une société anonyme ne sont pas des dirigeants au strict sens du terme (ils n’ont pas de pouvoirs propres de direction ), mais reste des « dirigeants de droit », susceptibles d’être concernés.
La question n’est pas tranchée et le principe posé par le droit positif reste incertain ; aussi, nos avocats recommandent la stipulation d’une clause de non-concurrence lorsque cela est nécessaire à la protection des intérêts de la société.
L’obligation issue des clauses de non-concurrence
Champs d’application des clauses de non-concurrence
Préciser le contenu de l’obligation de non-concurrence
L’obligation légale et jurisprudentielle de non-concurrence reste très limitée puisqu’elle ne précise pas expressément le contenu de l’obligation : dans l’arrêt de 2011, la Cour de cassation avait retenu que le gérant manquait à son obligation de loyauté et de fidélité en négociant avec une autre société « un marché dans le même domaine d’activité« . La non-concurrence semble être envisagée strictement.
Il est ainsi recommandé, pour une meilleure protection juridique de la société concernée, de préciser le contenu de l’obligation de non-concurrence : elle peut ainsi imposer des restrictions supplémentaires au dirigeant, comme par exemple l’interdiction de détenir une participation dans une société concurrente. Elle peut être également assortie d’une clause de non-débauchage ou de non-sollicitation, interdisant au dirigeant d’embaucher ou solliciter certains salariés, collaborateurs, clients ou fournisseurs de la société.
Préciser la durée de l’obligation de non-concurrence
L’obligation légale et jurisprudentielle de non-concurrence reste également très limitée puisqu’elle ne vaut que pendant la durée des fonctions du dirigeant. Après la cessation de ses fonctions, celui-ci peut alors concurrencer la sociétés, sous réserve de ne pas faire de concurrence déloyale.
Ainsi, nos spécialistes recommandent systématiquement de préciser l’application de l’obligation de non-concurrence pendant l’exercice des fonctions du dirigeant, mais également de l’encadrer après la cessation des fonctions. Une liste d’activités susceptibles de concurrencer la société pourra être dressée afin d’interdire leur exercice par le dirigeant après son départ, pendant une durée déterminée.
Il convient de préciser que la clause de non-concurrence s’applique pendant la durée prévue lors de sa rédaction, quand bien même le contrat la prévoyant serait résolu (selon l’article 1230 du Code civil, lequel précise que « La résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence« . )
Les conditions de validité des clauses de non-concurrence
Afin d’être valable et applicable, une clause de non-concurrence – bien qu’acceptée par le dirigeant – doit, sous peine de nullité, respecter plusieurs conditions.
La proportionnalité aux intérêts légitimes et la circonscription de la nature des activités et de leur exercice dans le temps et dans l’espace
La clause de non concurrence doit être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger et les mobiles du créancier (la société) qui l’impose doivent être reconnus acceptables.
Cette appréciation de la proportionnalité des intérêts légitime et de la notion d’acceptabilité dépend largement du secteur d’activité en question. Cependant, de manière générale, une clause interdisant à l’ancien dirigeant d’exercer une liste précise d’activités en concurrence directe avec celles de la société sera valable.
L’activité faisant l’objet d’une clause de non-concurrence doit être déterminée avec précision : une clause de non-concurrence ne saurait interdire à une personne d’exercer de manière générale toute activité commerciale ou professionnelle, sauf à être jugée illicite. Il est donc fondamentale de déterminer les activités devant être protégées.
L’interdiction posée par la clause de non-concurrence doit également nécessairement être limitée dans sa durée et dans l’espace géographique, sous peine d’être déclarée nulle. A titre d’exemple, la Cour de cassation a jugé disproportionnée et annulé une clause interdisant de prendre une participation au capital d’une société concurrente sans limitation dans le temps et dans l’espace et qui interdisait d’exercer des fonctions dans une entreprise concurrente sur toute la France, alors que l’entreprise s’adressait uniquement à un commerce proximité (Cass. com., 20 sept. 2016).
Ces critères doivent être appréciés au cas par cas et sont très spécifiques aux activités concernées : la porté d’une clause de non-concurrence d’un dirigeant commerçant de proximité sera évidemment différente de celle d’un dirigeant d’un groupe international.
La clause de non-concurrence doit-elle être rémunérée ?
La question de la rémunération ou non de la clause de non-concurrence est sujet à de nombreuses discussions. Il convient de distinguer selon que le dirigeant est ou non salarié de la société.
Lorsque le dirigeant est également salarié, la clause de non-concurrence doit prévoir une contrepartie financière. La chambre social de la Cour de cassation considère que la clause de non-concurrence applicable à un salarié qui ne prévoit pas de contrepartie financière doit être frappée de nullité (Cass. soc., 10 juill. 2002). L’existence d’une contrepartie financière a également été ajoutée par la chambre commerciale de la Cour de cassation comme condition de validité des clauses de non-concurrence applicables aux associés ou actionnaires qui sont également salariés de leur société (Cass. com., 15 mars 2011). Cette solution est applicable par analogie aux obligations de non-concurrence contractées par les dirigeants.
La Cour de cassation a eu l’occasion, en 2013, de synthétiser les conditions de validité des clauses de non-concurrences conclues par les associés, et de rappeler notamment les conditions tenant à la contrepartie financière : « attendu qu’une clause de non-concurrence prévue à l’occasion de la cession de droits sociaux est licite à l’égard des actionnaires qui la souscrivent dès lors qu’elle est limitée dans le temps et dans l’espace et proportionnée aux intérêts légitime à protéger ; que sa validité n’est subordonnée à l’existence d’une contrepartie financière que dans le cas où ces associés ou actionnaires avaient, à la date de leur engagement, la qualité de salariés de la société qu’ils se sont engagés à ne pas concurrencer« . La Cour d’appel de Lyon a plus récemment annulé la clause de non-concurrence d’un dirigeant salarié, prévue dans un pacte d’actionnaires, en raison de l’absence de contrepartie financière, bien que cette obligation ne figurait pas dans son contrat de travail (et était donc conclu en sa qualité de dirigeant et non salarié).
Nos avocats recommandent alors de prendre les précautions qui s’imposent en rémunérant les obligations de non-concurrence des dirigeants salariés, pour plus de sécurité juridique et éviter la nullité de la clause. De manière générale, la rémunération de la clause de non-concurrence correspond à une montant entre 20% et 35% des des dernières rémunérations mensuelles (sur les 6 derniers mois), payable pendant toute la durée de l’obligation de non-concurrence.
Si le dirigeant n’est pas salarié, l’existence d’une contrepartie financière est une simple faculté et non une condition de validité de la clause. La Cour de cassation a ainsi eu l’occasion de juger qu’une clause de non-concurrence à l’encontre d’un dirigeant (non salarié) était valable dès lors qu’elle est limitée dans le temps et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, même en l’absence de rémunération (Cass. com., 11 mars 2014).
La sanction de la violation de l’obligation de non-concurrence
La violation d’une obligation de non-concurrence peut être sanctionnée par l’allocation de dommages et intérêts et l’exécution forcée de l’obligation, c’est à dire la cessation de l’activité concurrente (ancien article 1142 et nouvel article 1217 du Code civil ), la clause de non-concurrence constituant une obligation d’abstention.
Les dommages et intérêts à verser doivent compenser le préjudice subi par la société du fait de l’exercice des activités interdites par le dirigeant. La société doit donc prouver la perte de marchés, de chiffre d’affaires, de marge, etc. afin de pouvoir chiffrer son préjudice.
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Spécialisés en droit des sociétés et en droit commercial, nos avocats restent à votre disposition pour vous fournir tout conseil ou vous assister dans tout pré-contentieux ou contentieux liés à une obligation de non-concurrence.
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