Les conflits et mésententes entre associés sont parfois de nature à paralyser le fonctionnement de la société. Lorsque les associés ne parviennent plus à communiquer pour mettre un terme à leurs différents ou négocier le rachat de leurs participations, la dissolution pour mésentente peut être sollicitée devant le Tribunal de commerce.
Nos avocats vous présentent les principales caractéristiques de cette procédure de dissolution.
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Sommaire
Dans quels cas peut-on solliciter la dissolution judiciaire?
Nécessité de caractériser des « justes motifs »
Il résulte des termes de l’article 1844-7 du Civil que :
“La société prend fin :
(…)
5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ; (…)”.
La mésentente entre associés ou la faute d’un associé est ainsi de nature à justifier la dissolution judiciaire. En pratique, la jurisprudence reconnait une variété de situations pouvant conduire à cette dissolution de la société
Exemples de justes motifs retenus par la jurisprudence
Plusieurs cas de figure peuvent justifier la dissolution judiciaire d’une société :
- L’existence d’une procédure de divorce paralysant la vie de la société peut justifier la dissolution. La Cour d’appel de Pau a ainsi relevé « qu’outre la disparition de l’affectio societatis, les graves conflits personnels et sociaux, nés de la crise conjugale, opposant les associés égalitaires, conduisent à une paralysie du fonctionnement de la société, rendant inconcevable la tenue d’une assemblée générale, comme en témoigne leur incapacité à décider d’une liquidation amiable, alors que chacun invoque la nécessité de partager l’actif social » et que « ces faits justifient (…) le prononcé de la dissolution ». (Cour d’appel de Pau, 23 janvier 2006 – n°033).
- La Cour de cassation a retenu l’existence d’un juste motif justifiant la dissolution judiciaire en présence d’une mésentente grave et générale entre associés entrainant l’absence de convocation des assemblées générales, de présentation de bilan et de reddition de comptes, et plus généralement l’impossibilité de prendre des décisions (Cass. 3ème civ., 3 juin 2009 – n°08-15543).
- Dans le même sens, l’incapacité, pour deux associés, de s’accorder sur la nomination d’un dirigeant pourtant nécessaire au bon fonctionnement de la société a été considéré comme un juste motif (Cass.com, 4 mars 1974, n° 73-10.322).
- L’absence d’accord des associés sur l’augmentation du capital social de la société pourtant rendue obligatoire par les dispositions du code commerce permet aussi de qualifier un juste motif (Cour d’appel de Paris, 17 déc. 1991).
- Le fait qu’un associé exerce une activité concurrente peut aussi justifier la dissolution (Cass. com., 26 mai 1961, no 59‐11.998).
Exemple de situations ne justifiant pas une dissolution judiciaire
La dissolution judicaire n’est accordée qu’en cas de paralysie totale du fonctionnement de la société.
Par conséquent, lorsque la mésentente n’est pas de nature à empêcher la société de fonctionner, le Tribunal de commerce refuse systématiquement de prononcer la dissolution.
Ainsi, une société dégageant des bénéfices ou dont la situation financière a été redressée malgré une mésentente ne saurait être dissoute. Dans le même sens, le rejet systématique des résolutions d’assemblée générale par l’associé minoritaire et leur adoption par le seul associé majoritaire ne paralyse pas le fonctionnement de l’entreprise et ne donne pas lieu à dissolution.
Procédure permettant d’obtenir la dissolution pour mésentente
La saisine du Tribunal de commerce doit être légitime
L’associé doit veiller à ne pas exercer l’action en dissolution dans le seul objectif de faire pression sur ses co-associés afin d’obtenir un rachat de ses parts ou de ses actions. Dans le même sens, un associé à l’origine exclusive de la mésentente ne sera pas fondé à obtenir la dissolution de la société.
De telles actions pourraient être par ailleurs considérées comme abusives et engager la responsabilité du demandeur (dans ce sens : Cass. com, 14 décembre 2004, n°02-14.749).
Quels sont les défendeurs concernés
L’action en dissolution doit être engagée à l’encontre du ou des associé(s) responsables de la paralysie et de la société elle-même. Il convient donc de procéder à la signification de l’assignation au siège social de la société et à l’adresse personnel de l’associé concerné.
Quelle peut être l’issue du jugement statuant sur la dissolution?
Le Tribunal de commerce apprécie souverainement si la situation permet de caractériser une paralysie du fonctionnement de la société.
En cas de paralysie, le Tribunal de commerce pourra prononcer la dissolution judiciaire et désigner un liquidateur ayant pour mission de :
- remplir toutes formalités afférentes à la dissolution,
- représenter la société dissoute vis-à-vis des tiers,
- délivrer et certifier les comptes et documents sociaux,
- établir les comptes de la liquidation,
- constater le cas échéant un boni de liquidation à répartir entre les associés.
Alternativement, le Tribunal peut décider de désigner un administrateur provisoire en charge de trouver un arrangement entre les associés et de rétablir le fonctionnement de la société.
En l’absence de paralysie réelle, le Tribunal de commerce rejettera la demande et sera susceptible de condamner le demandeur à des dommages et intérêts en cas de caractère abusif de l’action concernée.
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