L’abus de biens sociaux (ABS) est une infraction pénale qui peut être commise par les dirigeants sociaux dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions. Cette infraction, aujourd’hui codifiée dans le Code de commerce, est sévèrement sanctionnée en droit français. C’est la raison pour laquelle nos avocats vous proposent de cerner les éléments constitutifs de cette infraction (I) avant d’envisager les enjeux juridiques que les dirigeants sociaux et les directions juridiques doivent avoir à l’esprit (II).
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Sommaire
La notion d’abus de biens sociaux (ABS)
Définition de l’abus de biens sociaux
Comme toute infraction pénale, l’abus de biens sociaux est défini à travers ses éléments constitutifs. En vertu des articles L. 241-3, 4° (applicable aux SARL) et L. 242-6,3° (applicable aux sociétés par actions) du Code de commerce, le délit d’abus de biens sociaux est « le fait, pour les [dirigeants], de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ».
Voisine de l’abus de confiance, l’abus de biens sociaux est donc une infraction qui se situe au cœur de la direction, de l’administration et de la gestion d’une société.
Il ressort des textes que l’abus de biens sociaux suppose la réunion de deux séries d’éléments constitutifs :
- Les éléments matériels de l’ABS : 1) un « usage » des biens ou du crédit de la société 2) cet usage est contraire à l’intérêt social, et 3) cet usage poursuit des fins personnelles ou tend à favoriser une autre société dans laquelle le dirigeant auteur du délit est directement ou indirectement intéressé (par exemple, il y détient une participation).
- L’élément moral de l’ABS : l’abus de biens sociaux est un délit intentionnel. Il est donc réprimé lorsqu’est caractérisé la conscience du dirigeant de commettre à son profit un usage frauduleux qui porte préjudice à la société qu’il gère, administre ou dirige.
Le domaine de l’abus de biens sociaux
Les sociétés concernées. – Conformément au principe de la légalité pénale, l’infraction d’abus de biens sociaux ne peut être retenue que dans le cadre strictement défini par la loi. Le siège de l’infraction étant située aux articles L. 241-3, 4° et L. 242-6,3°du Code de commerce, le délit d’abus de biens sociaux ne peut être commis que dans les SARL / EURL et les sociétés par actions (SA, SAS / SASU, SCA) qui ont leur siège social en France, à l’exclusion des sociétés de personnes.
Les dirigeants concernés. – La loi applicable aux SARL / EURL vise seulement « les gérants », tandis que la loi applicable aux sociétés de capitaux englobe selon l’organisation de la société « le président », « les administrateurs », « les directeurs généraux », « les membres du directoire », les « membres du conseil de surveillance », et les « gérants ».
Ainsi, un salarié ou un expert-comptable ne peut être poursuivi du délit d’abus de biens sociaux en tant qu’auteur principal de l’infraction (il en va autrement en leur qualité de complice de l’infraction…). En revanche, la qualification de « dirigeant de fait » fait entrer dans le champ des auteurs de l’infraction les personnes qui s’immiscent dans la gestion de la société (par ex : le conjoint du dirigeant, un banquier, etc.).
Illustrations de pratiques sanctionnées. – Bien que les types de sociétés et les dirigeants concernés par cette infraction sont bien délimités, l’abus de biens sociaux a toutefois un champ d’application large quant aux pratiques susceptibles d’être sanctionnées du chef de ce délit. Voici quelques exemples :
- Un administrateur siégeant au conseil d’administration d’une SA s’approprie un bien de la société ou l’emprunte pour le mettre à sa disposition personnelle ou à la disposition d’une autre société dans laquelle il y exerce également des fonctions de direction.
- Un PDG d’une SA s’abstient de réclamer auprès d’une société dans laquelle il est intéressé le paiement d’une dette qu’elle doit à la société qu’il dirige.
- Un gérant de SARL utilise les fonds de la société pour acquérir des biens pour des membres de sa famille ou utilise ces fonds pour effectuer des travaux dans son domicile personnel.
- Un membre du directoire d’une SA autorise la conclusion d’un contrat désavantageux au profit d’une société dans laquelle il détient une participation.
- Un président d’une SAS règle des dettes personnelles avec les fonds de la société.
- Un gérant d’une SARL s’attribue une rémunération manifestement excessive au regard des capacités financières de la société
- Etc.
À travers ces exemples, on peut remarquer que la notion d’ « usage » du crédit ou des biens de la société est assez largement entendue par les tribunaux. Il peut en effet s’agir d’un acte positif (ex : utilisation ou appropriation frauduleuse des biens ou des fonds de la société) ou d’une omission (ex : absence de réclamation d’une créance de la société auprès d’un débiteur auprès duquel le dirigeant détient directement ou indirectement un intérêt).
Les enjeux juridiques de l’abus de biens sociaux
Prévention de l’abus de biens sociaux
Pourquoi mener des actions de prévention ? Chaque année, des centaines de condamnations pour abus de biens sociaux sont prononcées par les tribunaux. Comme on vient de le voir, son champ d’application est vaste tant les pratiques sanctionnées sont diverses. C’est la raison pour laquelle cette qualification pénale est parfois utilisée pour poursuivre d’autres actes litigieux qui relèvent en réalité d’infractions distinctes (par exemple, le délit de corruption pourrait se voir préférer la qualification d’abus de biens sociaux susceptible de condamner avec plus de succès le dirigeant corrupteur et l’autre partie receleuse).
Surtout, les abus de biens sociaux sont des manquements contraires à l’intérêt social car ils portent préjudice au crédit et au patrimoine de la société qui en est victime. Prévenir la commission de telles infractions contribue à rassurer les investisseurs et les créanciers de la société.
Comment mener cette prévention ? Les sociétés gagnent à mener des campagnes de sensibilisations et de formation interne à destination de leurs salariés et de tout nouveau dirigeant. Les services juridiques internes aux entreprises sont bien placés pour mener cette prévention. Les cabinets d’avocats d’affaires interviennent également pour la formation générale à l’intérieur des entreprises ou pour l’évaluation et l’analyse juridique en toute confidentialité de toute action particulière envisagée.
Répression de l’Abus d’un bien social
Sanctions pénales : emprisonnement et amende. – Le délit d’abus de biens sociaux est passible d’une peine de cinq années d’emprisonnement et d’une amende d’un montant maximum de 375 000 euros (le montant de l’amende est majoré si le dirigeant est une personne morale). Depuis la loi n° 2017-242 du 27 févr. 2017, cette infraction est soumise à une prescription de 6 ans à compter de la révélation de l’infraction, généralement au jour où les comptes annuels sont présentés aux associés ou actionnaires pour approbation. Mais encore faut-il que le contenu des comptes annuels soit suffisamment explicite. En effet, en cas de dissimulation, la prescription ne court pas tant que les faits qualifiables d’abus de bien sociaux ne sont toujours pas révélés, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder le délai butoir de douze années révolues à compter de la commission de l’infraction.
Sanction civile : les dommages-intérêts. – La société victime de l’infraction peut obtenir la qualité de partie civile à travers l’exercice d’une action sociale. En plus de la condamnation pénale, le dirigeant social auteur d’abus de biens sociaux s’expose à indemniser la société victime de ses agissements en réparation de son préjudice subi. L’action sociale exercée au nom de la société peut également conduire au prononcé de la nullité de l’acte illégal.
Avocats d’affaires
Fort de son expertise en droit des sociétés et gouvernance d’entreprise, le cabinet Billand & Messié conseille les dirigeants, associés et actionnaires dans la gestion régulière de leurs sociétés au regard de la législation et de la réglementation applicables.
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