Si l’on dirige plusieurs sociétés, il faut veiller à ce qu’elles entretiennent des relations financières normales sous peine qu’une procédure de faillite ouverte à l’égard de l’une des entités soit étendue à l’encontre de l’autre.
Cour de Cassation – 16 janvier 2019, n°17-20725
L’essentiel : l’existence de relations financières anormales entre une société à responsabilité limitée (SARL) et une société civile immobilière (SCI) mettant un local à sa disposition suffit à caractériser une confusion de patrimoine sanctionnée par l’extension d’une procédure de faillite frappant une société en cessation de paiement à l’autre société.
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Sommaire
Extension d’une procédure collective
La Cour de cassation a récemment rendu un arrêt rappelant le principe, bien connu des avocats spécialisés, de l’extension d’une procédure de faillite frappant une société à une autre société avec laquelle elle entretenait des relations financières anormales. Il s’agit là d’une règle importante qui se trouve énoncée à l’art. L 621-2 du Code de commerce et reprise aux articles L 631-7 et L.641-1 du même Code : « A la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ».
Cette disposition vise notamment à sanctionner les montages juridiques portant atteinte à l’autonomie juridique des personnes morales en additionnant les patrimoines concourant au désintéressement des créanciers, quand bien même l’entité attraite à la procédure n’est pas en cessation de paiement.
Classiquement, l’hypothèse se retrouve en présence du montage séparant l’actif commercial (principalement le fonds de commerce) d’un bien immobilier à l’aide de la constitution d’une SCI. Le bien immobilier sera logé au sein de la SCI, laquelle donne à bail ce bien à une société commerciale exploitant le fonds de commerce. La SCI et la société commerciale sont bien deux entités distinctes, jouissant de leur autonomie juridique, et le montage est a priori valable. Toutefois, l’avocat d’affaires recommandant la mise en place d’une telle technique doit veiller à informer son client que celle-ci est susceptible de constituer une confusion de patrimoine sanctionnée en droit des faillites lorsque le cloisonnement comptable et patrimonial entre les deux entités n’est pas respecté, entraînant un appauvrissement de l’une d’elles au profit de l’autre.
Pour que l’extension de la procédure de faillite soit encourue, les juges se fonderont sur la réunion d’un faisceau d’indices de la confusion de patrimoine au travers de (i) l’imbrication des éléments d’actifs et de passifs ou (i) des « relations financières anormales » caractérisant des « flux financiers anormaux ». Concernant ce dernier critère, le débat juridique porte parfois sur la question de savoir s’il suffit à lui-même ou si les juges doivent le caractériser cumulativement et au soutien du critère de « l’imbrication » patrimoniale. Le présent arrêt, rendu par le 16 janvier 2019 par la chambre commerciale de la Cour de cassation, y apporte une réponse sans ambiguïté.
Contentieux lié à l’extension
En l’espèce, une SARL exploitait un fonds de commerce dans les locaux donnés à bail par une SCI. Le 21 juillet 2014, la SARL d’exploitation a été placée en liquidation judiciaire et un liquidateur fut nommé. Ce dernier finira par assigner la SCI afin de lui étendre la procédure de faillite sur le fondement de la confusion de son patrimoine avec celui de la SARL.
Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 14 mars 2017 retiendra l’extension de la liquidation judiciaire à la SCI pour confusion de patrimoine. Pour ce faire, la juridiction d’appel a relevé que la SCI avait consenti au renouvellement du bail, à loyer constant, alors que des espaces de parking furent retranchés de la surface donnée à bail. De plus, un arriéré de loyers a été réglé à la SCI par un paiement en nature avec des biens dont la valeur était en réalité bien inférieure au montant facturé. Ces biens donnés en paiement seront même remis à disposition de la SARL sans convention ni contrepartie.
Pour ne pas être attraite à la procédure de faillite, la SCI formera un pourvoi en cassation, son avocat faisant valoir que si la Cour d’appel de Paris a caractérisé des « relations financières anormales » dans sa relation avec son locataire, elle n’a pas démontré l’imbrication des éléments d’actif et de passif entre les deux sociétés.
Solution
La Cour de cassation rejettera le pourvoi en affirmant que « la confusion des patrimoines de plusieurs sociétés peut se caractériser par la seule existence de relations financières anormales entre elles, sans qu’il soit nécessaire de constater que les actifs et passifs des différentes sociétés en cause sont imbriqués de manière inextricable et permanente ».
Par conséquent, lorsque l’on est associé de plusieurs sociétés ou que l’on dirige plusieurs sociétés, il faut avoir à l’esprit que deux sociétés, même liées, doivent entretenir des relations contractuelles normales matérialisées par des flux financiers et des enregistrements comptables justifiés. En effet, les montages juridiques donnant lieu à l’application du mécanisme de l’extension de la procédure de faillite ne concernent pas seulement le duo classique SCI et société d’exploitation commerciale. L’extension de patrimoine peut en réalité concerner une personne morale autre qu’une société (par exemple un GIE) voire même une personne physique dans certaines hypothèses.
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