Dans le cas d’une augmentation de capital en numéraire irrégulière au regard des dispositions protectrices des intérêts des salariés, la nullité peut être évitée.
En effet, il est possible de régulariser rétroactivement la décision d’assemblée générale extraordinaire (« AGE« ) contrevenant à l’art. L.225-129-6 du Code de commerce faisant obligation aux actionnaires de discuter de l’opportunité d’une émission d’actions réservée aux salariés en convoquant à nouveau une AGE devant se prononcer uniquement sur cette émission réservée.
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Sommaire
Rappel du cadre normatif
Par un arrêt rendu le 28 novembre 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur les modalités de régularisation d’une décision d’assemblée générale extraordinaire (AGE) qui aurait omis de se prononcer sur un projet de résolution prévu par l’article L. 225-129-6 du Code de commerce.
Notons que cette disposition, bien connue des avocats spécialisés et prévue en matière de société anonyme (SA), est rendue applicable aux sociétés par actions simplifiées (SAS) en vertu de l’article L 227-1 alinéa 3 du même Code.
Cette disposition prévoit que « lors de toute décision d’augmentation du capital par apport en numéraire, sauf si elle résulte d’une émission au préalable de valeurs mobilières donnant accès au capital [BSA, BSPCE, ORA, OCA…], l’assemblée générale extraordinaire doit se prononcer sur un projet de résolution tendant à la réalisation d’une augmentation de capital dans les conditions prévues aux articles L. 3332-18 à L. 3332-24 du code du travail, lorsque la société a des salariés ».
Ce texte est une disposition impérative du droit des sociétés visant à favoriser l’actionnariat des salariés.
Sa méconnaissance est grave puisqu’elle entraîne la nullité de l’augmentation de capital. Or le régime des nullités en droit des sociétés a la particularité d’admettre assez largement des régularisations proposées par l’avocat en charge du dossier. L’article L.235-3 du Code de commerce et l’article 1844-11 du Code civil disposent en effet que « l’action en nullité est éteinte lorsque la cause de la nullité a cessé d’exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est fondée sur l’illicéité de l’objet social ».
Les faits et la procédure judiciaire
L’arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la chambre commercial de la Cour de cassation est relatif aux modalités d’une telle régularisation. En l’espèce, l’AGE d’une société de construction avait décidé une augmentation de capital en numéraire. Mais un salarié assigna la société en annulation de cette augmentation de capital au motif que l’AGE n’avait pas satisfait aux exigences de l’article L 225-129-6 du Code de commerce faute de consultation des actionnaires sur un projet de résolution tendant à la réalisation de l’augmentation de capital réservée aux salariés.
Pour éviter d’encourir la nullité de ladite opération, une nouvelle AGE fut alors convoquée afin de régulariser la décision initiale en soumettant aux actionnaires la résolution proposant de réserver aux salariés une augmentation de capital en numéraire. Un vote rejeta cette résolution.
Toutefois, le salarié soutenait devant les tribunaux que cette seconde AGE n’a pas permis de lever l’irrégularité entachant la décision initiale puisqu’il ressortirait de l‘article l. 225-129-6 que l’AGE doit se prononcer simultanément sur un projet de résolution tendant à la réalisation de l’augmentation de capital par apport en numéraire et sur un projet de résolution tendant à la réalisation d’une augmentation de capital réservée aux salariés. Autrement dit, les votes sur chacun de ces projets n’étaient pas réunis au sein de la même AGE, mais résultaient de deux réunions distinctes, la dernière AGE ne s’étant prononcée que sur l’opération intéressant les salariés.
Question de Droit
Le salarié forma un pourvoi en cassation afin de faire trancher en droit l’impossibilité de couvrir une augmentation de capital nulle à raison de l’absence de délibération sur un projet d’augmentation de capital réservée aux salariés autrement que par l’organisation de nouvelles délibérations portant concomitamment sur (i) l’augmentation de capital initialement projetée et sur (ii) un projet d’augmentation de capital au profit des salariés.
Solution
Par un arrêt en date du 28 novembre 2018, la chambre commerciale de la Haute juridiction trancha le débat en rejetant le pourvoi. La Cour a clairement affirmé qu’en matière d’augmentation de capital visé par l’article L 225-129-6, la décision ultérieure sur la seule résolution intéressant les salariés « suffisait à régulariser cette augmentation de capital, sans qu’il y ait lieu à nouvelle délibération sur cette première résolution ».
Même si la lettre de l’article L. 225-129-6 du Code de commerce semblait abonder dans le sens de la thèse du salarié (« lors de toute décision d’augmentation du capital par apport en numéraire… l’assemblée générale extraordinaire doit se prononcer), l’arrêt pragmatique de la Cour de cassation se justifie dans la mesure où la nullité d’une décision d’assemblée générale ne peut résulter que d’une décision judiciaire. Par conséquent, il n’était pas concevable qu’une AGE soit amenée à revoter une décision dont la nullité n’a pas été prononcée en justice. Tant que ce prononcé n’est pas intervenu, l’AGE peut régulariser rétroactivement sa première décision.
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