En cas de contestation portant sur l’évaluation des droits sociaux (actions ou parts sociales) d’un associé (ou actionnaire) retrayant ou exclu, la clause d’arbitrage stipulée dans les statuts de la société peut valablement exclure l’application de l’article 1843-4 du Code civil.
En effet, le cumul des fonctions juridictionnelles et techniques de l’arbitre ne constitue pas un excès de pouvoir invalidant la clause compromissoire statutaire. L’avocat en charge de la rédaction des statuts ou du pacte d’associés doit ainsi veiller à informer ses clients des effets significatifs d’une telle clause.
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Sommaire
Sortie d’un associé et indemnisation
Tout associé dont il est prévu la cession ou le rachat par la société de ses droits sociaux doit recevoir une juste indemnisation. À défaut d’accord entre les parties, les statuts de la société peuvent prévoir les modalités de détermination du prix. En cas de contestation, l’article 1843-4 du Code civil prévoit un mécanisme de désignation judiciaire d’un tiers en qualité d’expert évaluateur.
Arbitrage et Article 1843-4 du Code civil
La question posée aux experts en droit des sociétés est celle de l’articulation de ce mécanisme judiciaire, prévu par la loi, avec une clause statutaire qui prévoirait le recours à un tribunal arbitral en cas de contestation entre l’associé exclu ou retrayant et la société émettrice des droits sociaux. Autrement dit, la compétence de la juridiction arbitrale, prévue contractuellement dans les statuts de la société, exclut-elle l’application du mécanisme légal de l’article 1843-4 du Code civil ? La question méritait d’être posée, cette disposition étant considérée comme un dispositif d’ordre public faisant intervenir le juge judiciaire et un tiers expert afin de préserver les intérêts du cédant.
Fixation du prix de sortie par le Tribunal arbitral
Dans l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 10 octobre 2018, le litige s’est noué lors de l’exclusion, par une décision d’assemblée générale, d’un associé d’une société civile.
La valorisation de ses parts décidée et actée par l’assemblée générale des associés de la SCI a été contestée par l’associé exclu. Cette contestation a conduit ce dernier à assigner la société aux fins de voir désigner un expert évaluateur en application de l’article 1843-4 du Code civil. Le conseil juridique de la société défenderesse a contesté la compétence du tribunal saisi en invoquant une clause statutaire soumettant à l’arbitrage, avec pouvoir de statuer en dernier ressort, les litiges portant sur l’évaluation des parts sociales de l’associé retrayant ou exclu.
Après s’être vu opposé l’incompétence du juge judiciaire en première instance et l’irrecevabilité de son appel-nullité par la Cour d’appel de Paris, l’avocat de l’associé exclu s’est pourvu en cassation en faisant valoir que l’article 1843-4 du Code civil s’appliquait en dépit de la clause compromissoire statutaire stipulant la compétence du tribunal arbitral.
L’associé auteur du recours contestait la validité de la clause d’arbitrage au motif que celle-ci conférerait au tribunal arbitral un cumul de missions constitutif d’un excès de pouvoir : un cumul de la mission juridictionnelle (trancher le litige, que l’article 1843-4 attribue au juge) avec la mission technique (évaluation de valeur des droits sociaux, que la loi attribue à un tiers expert).
Par un arrêt en date du 10 octobre 2018, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi présenté par l’avocat de l’associé pour retenir la nécessité de respecter la force obligatoire de la clause compromissoire prévue dans les statuts.
Plus précisément, la Cour de affirme dans un premier temps que la matière du litige naissant à l’occasion de la détermination de la valeur des parts sociales d’un associé exclu ou retrayant est arbitrable. Le caractère d’ordre public du dispositif prévu à l’article 1843-4 du Code civil ne remet pas en cause l’arbitrable du litige. Dans un second temps, la Cour de cassation va admettre le cumul des fonctions d’évaluateur et des fonctions juridictionnelles de l’arbitre, sans que ce cumul soit considéré comme constitutif d’un excès de pouvoir. Par conséquent, la clause compromissoire stipulée dans les statuts et qui entre dans le champ d’application de l’article 1843-4 du Code civil est pleinement valable.
Litiges liés à la sortie d’un associé
Les conflits survenant à l’occasion d’un retrait ou d’une exclusion d’un associé se cristallisent sur la détermination de la valeur des actions ou parts sociales. Ils fournissent un abondant contentieux qui permet aujourd’hui, de dégager une vue d’ensemble sur la portée des stipulations contractuelles diverses et leur articulation avec les dispositifs légaux d’ordre public.
Le cabinet d’avocats Billand & Messié assure ainsi la défense des intérêts des associés lors de leur entrée au capital (prévention) et lors de la survenance de conflits (contentieux), et ce afin de permettre un dénouement favorable de ces litiges aux enjeux financiers significatifs.
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